On les sait au côté des unités combattantes déployées sur les théâtres d'opérations les plus délicats, servant la fraternité d’âme par leur ministère. Eux, ce sont les aumôniers militaires, affectueusement surnommés les Padres. Prêtres, ils accompagnent dans leur quotidien les soldats envoyés en opérations extérieures, les fameuses "OPEX". Mais ils ne représentent qu’une partie de l’aumônerie militaire. Si les prêtres y sont majoritaires, il y a également des aumôniers militaires laïcs, c’est-à-dire qui ne sont pas ordonnés, des hommes et des femmes qui peuvent être mariés, avoir des enfants etc. Ils sont aujourd’hui une trentaine, dont 14 femmes. Leur périmètre se déploie sur le territoire métropolitain, garnisons, hôpitaux ou encore lycées militaires. Une présence différente mais complémentaire et essentielle.
Des profils variés
Patricia Chemin, 61 ans, est actuellement aumônier au lycée militaire d’Aix-en-Provence. "Je suis entrée dans l’aumônerie militaire en 2014 après avoir effectué depuis plus de 20 ans de la pastorale des jeunes en milieu d’aumônerie publique puis en établissement catholique", raconte-t-elle. Son quotidien au lycée concerne surtout "un ministère de présence et d’accompagnement". "C’est différent des établissements scolaires que j’ai connus", détaille-t-elle. "Les jeunes sont pris dans la journée par les cours et il y a l’internat. Il nous faut être disponible plutôt en fin de journée ou le weekend et avoir toujours la porte de son bureau ouverte", reprend-t-elle. "Les élèves passent et repassent et c’est important qu’ils se sentent accueillis sans jugement."
Affecté auprès des unités de gendarmerie de Gironde et Dordogne, Nicolas Sachot, est aussi l’un de ses aumôniers laïcs. Aujourd’hui âgé de 47 ans, ce père de famille a intégré l’aumônerie militaire il y a 22 ans. "J’ai fait cinq ans en Dordogne, quinze ans en Corrèze et je suis depuis deux ans à Bordeaux", raconte-t-il. Trois affectations, soit relativement peu, mais un quotidien qui ne ressemble à nul autre. "Quand on m’a demandé si j’avais besoin d’un bureau j’ai répondu : ‘non, mais d’une voiture absolument’", explique-t-il en souriant. Il dépend en effet depuis deux ans d’un État-major, c’est-à-dire du commandement de la gendarmerie pour toute la Nouvelle-Aquitaine. Son rôle est d’aller à la rencontre de toutes les unités de gendarmes qui vivent et travaillent sur trois départements. "Le matin je prends ma voiture et je ne sais pas où je vais." Drôle de manière de s’organiser pourrait-on penser. Mais c’est en réalité tout l’inverse. "Le problème du planning c’est qu’on se donne des missions à respecter. Mais vous ne savez jamais vraiment si vous tombez au bon moment dans la brigade, s’il y a une urgence ou autre. Si on ne vous propose pas un café au bout de cinq minutes, c’est qu’ils n’ont pas le temps."
Quand j’arrive dans une brigade ou une unité, ils me proposent souvent un café. Cela me permet de prendre la température, de sentir leur morale etc.
Son quotidien ? "Je discute avec les gens et je prends le café. Cela peut paraître bizarre mais c’est essentiel, c’est un travail de relation", reprend l’aumônier. "Je ne parle jamais de la foi le premier, et n’en parlant pas le premier, j’en parle tous les jours ! Si les gendarmes sentent qu’on a quelque chose à leur vendre, ils esquivent ». Un constat que partage Alexis Barceló, affecté auprès des unités de gendarmerie du Pays de la Loire. "Pas une seule journée se ressemble", lance-t-il. Âgé de 39 ans, marié et père de deux enfants, il en est à sa quatrième année d’aumônerie militaire. Il était auparavant conseiller à l’emploi chez Pôle emploi et réserviste dans le génie. "Je prends ma voiture et je pars m’arrêter dans les différentes brigades, les différentes unités militaires de ma zone. Je ne sais jamais où je vais. La veille je peux me dire que je pars à Saint-Nazaire, et le lendemain je prends finalement la route pour la Mayenne. Quand j’arrive dans une brigade ou une unité, ils me proposent souvent un café. Cela me permet de prendre la température, de sentir leur moral, etc.".
Derrière ce fameux café, il y a trois missions que les aumôniers militaires ont à remplir. Il y a d’abord la mission cultuelle, c’est-à-dire faciliter l’accès au culte des personnes qui le demandent. Dans cette mission, on trouve par exemple l’organisation du Pèlerinage Militaire International (PMI) à Lourdes ainsi que les célébrations de sainte Geneviève, sainte patronne des gendarmes. La deuxième mission est le ‘être-avec’. "Ces deux mots veulent dire qu’on ne fait pas à la place d’eux mais avec eux", détaille Alexis Barceló. Et d’illustrer cette mission par l’évacuation d’une Zad. "De nombreux gendarmes étaient présents pour assurer le bon déroulement de l’évacuation, j’y suis donc allé vers 5h30 du matin afin d’être avec eux", reprend-t-il. "Plusieurs gendarmes mobiles m’ont demandé ce que je faisais là. Je leur ai répondu : ‘Vous êtes là pour bosser non ? Eh bien moi aussi’". Et il n’y est pas allé seul. "J’ai toujours des médailles miraculeuses sur moi, on m’en demande souvent !".
L’aumônier doit être l’homme de tous, du militaire qui débute au général.
La troisième mission est celle du conseil au commandement. "L’aumônier doit être l’homme de tous, du militaire qui débute au général", reprend Nicolas. "Il ne reste pas dans un ‘clan’ et doit se sentir à l’aise dans tous les milieux". C’est cette proximité avec chacun, "hors hiérarchie", qui lui permet de remplir sa fonction de conseil au commandement, de se faire l’écho du moral des militaires. Qu’ils soient affectés dans un lycée militaire ou d’autres unités, la formation est la même : disposer d’un diplôme universitaire de culture civique et citoyenne et suivre une formation initiale d’aumônier militaire (FIAM) de trois semaines à Salon-de-Provence.
D’une passion, faire son métier
Des moments douloureux, ils en ont tous connu. Pour Nicolas Sachot, c’est cette visite qu’il a dû faire avec des gendarmes afin d’annoncer à des parents le décès de leur fillette de trois ans, noyée dans la piscine des grands-parents. "Leur cri, c’est un cri qui reste", confie-t-il sobrement. "Ce que j’ai appris c’est qu’il ne fallait peut-être pas toujours trouver des mots. Qu’il fallait apprendre à se taire et être une présence aimante, à l’écoute." Pourtant, malgré ces moments difficiles, il ne regrette pas son engagement.
"Tous les jours je rends grâce car je vis de ma passion", se réjouit-il. "Beaucoup de gens le font de façon bénévole, moi c’est mon métier. J’arrive à faire vivre ma famille et me mettant au service des autres, c’est une super vocation ! Jamais enfant je n’aurais pu imaginer être aussi heureux en consacrant ma vie au Seigneur de cette façon-là."
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