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Cher saint Joseph,
Dis-moi, Joseph, comment se passait votre vie à Nazareth ? Je vous imagine mal former un monastère avec Marie. Ça ne colle pas. Qui dit famille spéciale, dit famille. J’imagine donc une vie de famille joyeuse, pleine de rires, d’affection, de tendresse et de complicité. A la différence de nos familles, la tienne doit être quelque peu allégée de jalousie, tension ou autre sympathique querelle. Seul pécheur du foyer, comment vivais-tu cela ? Tu devais bien voir que tes élans de colère ou piques de jalousie disparaissaient aussi vite que du bon vin… Quelle école ça a dû être pour toi. J’imagine aussi une vie de famille pleine de fêtes, d’anniversaires, de célébrations religieuses. Et puis les joies quotidiennes : le bol cassé, le pain oublié dans le four, l’écharde qui s’invite sous l’ongle…
Par ailleurs, sans être sur la paille, vous n’étiez pas une famille riche. Il me faut donc imaginer Marie en train de cuisiner, faire la provision d’eau, la vaisselle et la lessive. Et ensemble, vous deviez faire la cueillette de fruits, le potager un peu.
Et Jésus, quel fut son premier mot : papa ou maman ? Comme tu devais être fier ! Lorsqu’il a fait ses premiers pas, étais-tu derrière lui, au cas où, ou en face de lui, en appel ? J’opte pour le soutien discret de Marie et le regard encourageant pour toi. Un père, ça s’abaisse et ça encourage son enfant à aller de l’avant. Et père, tu l’es.
Bim, voilà le petit Jésus qui tombe. Va-t-il rire ? Va-t-il pleurer ? Se relever ? Suspens. Toi, Joseph, tu retiens Marie qui s’est déjà ruée pour relever son bout de chou et le consoler. Il t’a suffi d’un vif coup d’œil pour t’assurer qu’il n’y avait aucun bobo. Alors tu ris et encourage Jésus à se relever. « Allez, Jésus, lève-toi et marche » dis-tu de ta voix sûre et chaude. De quatre pattes, il repasse à trois, puis la main gauche se relève. Mais tout retombe. Nous en sommes à deux jambes et deux fesses au sol. Notre petit Jésus tente une autre approche. Il repose sa main gauche au sol et s‘appuie dessus pour relever son postérieur et redresser ses jambes. Le voilà sur deux pieds, une main et fesses en l’air. On progresse. Alors toi ou Marie encourage : « Oui… C’est bien, Jésus, continue. Va vers ton père. » Hésitation. Jésus se redresse et peut recommencer à marcher. Un premier pas, une assurance que ça tient, un deuxième pas. Et c’est parti. Jésus parcourt ainsi la distance qui le sépare de toi. Et c’est l’explosion de joie générale ! "Bravo, Jésus ! Je suis fier de toi. Regarde Marie. Notre fils a marché !" Tu prends Jésus dans tes bras, le couvre de baisers, en commençant par ses petites jambes qui peuvent être fières d’elles (dans la mesure où des jambes peuvent ressentir cette émotion ou toute autre). Bref, Jésus et toi êtes rejoints par Marie qui vous prend tous deux dans les bras. "Oui, Joseph, c’est merveilleux. Voilà un moment dont nous nous rappellerons longtemps, toi et moi." Et là, Marie s’écarte légèrement de vous et te regarde droit dans les yeux : "Mais, Joseph, doutais-tu vraiment qu’il marche un jour ?" "C’est ça, fiche-toi de moi, Marie…" Amusé, tu poses ta main sur l’épaule de Marie, tu lui lances un regard potache et complice pour lui faire de faux reproches : "Femme, ne me gâche pas ma joie de papa gâteux." Marie pose également une main sur ton épaule et te regarde d’un air sérieux : "Monsieur mon époux, je la partage !" Eclats de rire et vous voilà tous trois réunis dans une tendresse joyeuse.
Comme le dira Claudel quelques siècles plus tard : "Il n’y a ici que trois pauvres gens qui s’aiment, et c’est eux qui vont changer la face du monde."
Joie simple et familiale, te dis-je !
J’en profite pour te confier ma famille, ceux qui ont des enfants, ceux qui ne peuvent en avoir, ceux qui n’ont pas de parents ou pas de père, ceux qui tombent et tentent de se relever.
A bientôt saint Joseph, car compte sur moi pour revenir sur cette vie.
Joseph