Dans une lettre d’une page et demi rédigée en allemand et signée du 6 février 2022, le pape émérite Benoît XVI a réagi à la publication du rapport de l’archidiocèse de Munich le mettant en cause sa gestion des abus en tant qu’archevêque au début des années 80. Il y fait part de sa "profonde honte, [son] profond chagrin et [sa] sincère demande de pardon". Le pontife émérite se dit aussi "touché" de s’être vu qualifier par certains de "menteur", et remercie le pape François et ses proches pour leur soutien.
Benoît XVI laisse à quatre juristes le soin de réaffirmer sa déposition initiale dans une note envoyée séparément, s’excusant uniquement pour un "oubli" qu’il avait déjà corrigé le 24 janvier dernier. Les quatre experts – trois canonistes et un avocat en droit de la liberté d’expression – écartent méthodiquement quatre affirmations du rapport du cabinet munichois Westpfahl Spiker Wastl qui ne correspondraient pas, selon eux, "à la vérité".
Blessé d’être traité de menteur
Dans sa lettre, le pontife émérite lève le voile sur le rôle qu’a joué, dans la rédaction de sa déposition initiale, un "petit groupe d’amis". Celui-ci, explique-t-il, a "compilé de manière désintéressée, en mon nom, mon témoignage de 82 pages pour le cabinet de Munich, que je n’aurai pas pu écrire tout seul".
Le nonagénaire insiste sur le fait que "l’importance de la tâche" – 8.000 pages de documents à lire, dont 2.000 pages d’expertises – justifie non seulement l’aide de ses "assistants" mais explique aussi l’"oubli" qu’il avait tenu à corriger le 24 janvier dernier. "Il s’est avéré profondément blessant que cet oubli ait été utilisé pour mettre en doute ma sincérité, voire pour me qualifier de menteur", déplore l’ancien chef de l’Église catholique, faisant référence à plusieurs réactions – en Allemagne notamment – qui avaient mis en cause son témoignage.
Chaque cas d’abus est "effroyable et irréparable"
Sans évoquer ces cas particuliers, le 265e pape affirme avant tout sa "douleur" face aux abus commis pendant des périodes où il s’est vu confier de "grandes responsabilités", faisant référence implicitement, outre à sa période munichoise (1977-1982), à son mandat de préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi (1981-2005) et à son pontificat (2005-2013).
"J’ai pu constater de visu les effets d’une faute très grave", affirme le pontife émérite, rappelant ses nombreuses rencontres avec des victimes d’abus. Ces dernières ont "toute [s]a sympathie", insiste-t-il avant de décrire chaque cas comme "effroyable et irréparable".
La faute très grave, ajoute-t-il, s’étend à "nous, quand nous la négligeons ou que nous ne l’affrontons pas avec la détermination et la responsabilité nécessaires, comme cela s’est trop souvent produit et continue de se produire". Par une comparaison très forte symboliquement, il rapproche cette réalité au sommeil dans lequel se trouvent plongés les disciples sur le Mont des Oliviers pendant que le Christ vit l’une des heures les plus terribles de sa Passion.
Le Seigneur n’est pas seulement le juge juste, mais aussi l’ami et le frère qui a déjà souffert pour mes fautes, et qui est donc aussi mon avocat.
"Très bientôt, je me retrouverai devant le juge final de ma vie", affirme enfin Benoît XVI. Au regard de sa "longue vie", il dit que s’il a "de grandes raisons d’avoir peur et de trembler", il affronte néanmoins cette possibilité avec "bonne humeur" parce qu’il a la ferme conviction "que le Seigneur n’est pas seulement le juge juste, mais aussi l’ami et le frère qui a déjà souffert pour mes fautes, et qui est donc aussi mon avocat".
"À la lumière de l’heure du jugement, la grâce d’être chrétien devient encore plus claire pour moi", poursuit le Bavarois. Celle-ci consiste en "la connaissance, et même l’amitié" de Dieu, "juge" de sa vie, qui lui permet, explique-t-il, de "franchir avec confiance la porte sombre de la mort".
Benoît XVI remercie François et sa "famille"
Le pontife émérite explique enfin avoir "ressenti le besoin" d’adresser ce mot personnel aux fidèles de l’archidiocèse de Munich-Freising, où il n’a été archevêque que pendant cinq ans, mais qu’il n’hésite pas à décrire Munich comme sa "maison". Il dit sa proximité avec l’épreuve que traverse actuellement la communauté catholique de la capitale bavaroise.
Le pontife émérite se dit particulièrement "reconnaissant pour la confiance, le soutien et la prière" que lui a exprimé le pape François "personnellement" ces dernières semaines. Il étend aussi ses remerciements à la "famille du monastère Mater Ecclesiae" – Mgr Georg Gänswein, son secrétaire et plusieurs religieuses qui vivent avec lui dans cette résidence des jardins du Vatican – qui lui apporte quotidiennement, une "sérénité intérieure".