Cette PPL affiche comme objectifs de « permettre de renforcer et de sécuriser le recours à l’adoption comme un outil de protection de l’enfance lorsque celui-ci correspond à l’intérêt de l’enfant concerné, et uniquement dans son intérêt » et de « faciliter et de sécuriser l’adoption conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant afin d’en faire bénéficier le plus grand nombre ». En réalité, les modifications envisagées laissent surtout entrevoir une « facilitation » des conditions pour les adoptants sans aucun rapport avec l’intérêt de l’enfant.
La suppression des associations privées ?
Une autre mesure glissée dans ce texte inquiète nombre d’associations. Il envisage de supprimer les OAA, les Organismes Autorisés pour l’Adoption, ces structures privées qui jouent bien souvent un rôle essentiel pour les adoptions, y compris à l’international. Dans notre pays, elles représentent une alternative utile aux services sociaux. Certaines de ces structures ont pour vocation de recueillir et trouver une famille pour les enfants nés avec un handicap. Pourtant, ce texte voudrait stopper leur activité en France, pour faire de la structure d’État, l’Aide sociale à l’enfance (ASE), la seule à s’en charger, et ne plus autoriser que leur activité à l’international. Le Sénat s’y était opposé et les avait rétablis, mais la Commission vient à nouveau de les supprimer.
Pour l’association Juristes pour l’enfance qui suit de près ce dossier : « Une telle mesure est inexpliquée et préjudiciable à la protection de l’enfance en France. » C’est effectivement incompréhensible, quand on sait que tous les enfants confiés à des OAA trouvent une famille, y compris les enfants handicapés. Leur rôle, inestimable, va même plus loin. Parfois les OAA accueillent des femmes enceintes en détresse qui pensent confier leur enfant à l’adoption mais grâce à l’accompagnement qui leur est offert, beaucoup parviennent finalement à le garder. Par ailleurs, certaines femmes, elles-mêmes passées par l’aide sociale à l’enfance, ne veulent pas du même parcours pour leur enfant et souhaitent le confier à un OAA. Pourquoi leur choix ne serait-il pas respecté ?
L’Association Tombée du nid, fondée par Nicolas et Clotilde Noël, eux-mêmes parents adoptants de trois enfants porteurs de handicap, est aussi vent debout contre cette réforme. Elle partage son appel sur les réseaux sociaux : « La proposition de loi que vous allez étudier constitue une occasion de donner aux OAA des moyens supplémentaires et d’encourager leur développement plutôt que les supprimer. Ne manquez pas cette opportunité de permettre à tous nos copains destinés à l’adoption, de pouvoir bénéficier de la tendresse d’une famille. Mesdames et Messieurs les députés, on compte sur vous pour voter des lois qui nous protègent ! »
Offrir une famille à un enfant et non l’inverse
Le quotidien Ouest-France a rencontré Jean et Lucette Alingrin, fondateurs en 1975 de Emmanuel France. Le couple a découvert le monde de l’adoption dans les années soixante après la perte d’un bébé et une stérilité déchirante. Ils ont adopté un petit garçon, puis plus tard, une petite fille porteuse de handicap. Pour eux, ce fut un véritable déclic ! Leur objectif depuis lors : « Offrir une famille à un enfant et non l’inverse. » Ils ont même fait construire des petits chalets sur leur domaine pour accueillir des familles adoptantes : « Nous ne leur cachons rien de nos bonheurs et de nos douleurs. Élever un enfant handicapé, c’est dur mais merveilleux, doux et amer à la fois. » Grâce à eux, aujourd’hui 2 000 enfants ont été adoptés, dont 800 porteurs de trisomie 21. Les services de l’État eux-mêmes les appellent à l’aide pour trouver des familles d’adoption pour des pupilles qu’ils peinent à faire adopter. C’est ce genre d’OAA que met en péril cette proposition de loi qui revient en séance à l’Assemblée ce lundi 17 janvier.
Devant leur inquiétude face à la menace, le secrétaire d’État en charge de l’Enfance et des Familles, Adrien Taquet, les aurait contactés en 2021 pour les rassurer : « Vous restez, car nous avons trop besoin de vous. » Stoppera-t-il alors ce qu’il a lui-même enclenché, ne cachant pas « son envie de créer un chapeautage national de cette question gérée aujourd’hui au niveau départemental » ? Réponse dans l’hémicycle cette semaine.