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Les campagnes se succèdent, les candidats se suivent, on a l’impression depuis des dizaines d’années que le niveau ne cesse de baisser. À mesure que la violence des propos monte. Il est loin le temps où l’on parlait « projets de société », où l’on débattait d’une manière philosophique sur la finalité de la justice ou sur l’essence de l’éducation.
Désormais, on ne débat plus, on menace. Que faire face à la délinquance ? Sortir le kärcher. Face aux migrants ? Expulser massivement. Comment convaincre les non-vaccinés ? En les emmerdant. Il faut empêcher les gens de rouler, les empêcher de prononcer les mots interdits qui disent les couleurs, les sexes ou les religions de leurs contemporains...
« Cul par-dessus tête »
On peut voir sur les réseaux sociaux des partisans d’un joueur de tennis serbe multimillionnaire qui en font leur idole parce qu’il a une croix en pendentif, qu’il refuse apparemment d’être vacciné et qu’il est pour cette raison maintenu en quarantaine par les douanes australiennes. Certains même s’indignent qu’on lui réserve un sort qu’ils comparent à celui « des migrants clandestins ». On a le sentiment de marcher à l’envers, de ne plus savoir distinguer le bien du faux, le mal du vrai... Tout est cul par-dessus tête. Tel, évoquant sa participation à un débat télévisé sur le thème de la reconstruction de Notre-Dame se voit encouragé par des internautes surexcités à ne rien lâcher après leur avoir confié qu’il se prépare à l’exercice comme un boxeur... Mais quelle est donc cette folie ? Le monde se transforme-t-il sous nos yeux en un ring sans règle, autre que la loi du plus fort ?
Peut-être, malgré tout, que l’on reconnaîtra que cela est un peu chrétien que de dire que la gentillesse a plus à faire pour l’avenir de l’homme que le cynisme.
J’en connais qui en parcourant ces lignes souriront en se disant qu’il en a toujours été ainsi et que l’auteur de ce verbiage est soit bien angélique soit bien hypocrite. C’est qu’alors ils estiment que les temps n’ont donc pas si changé que cela... et je ne sais dans ce cas où se tient l’hypocrite. Pour le reste, angélique, soit, je m’y essaye. Non par naïveté mais par souci de ne pas périr dans l’hystérie du temps.
Peut-être, malgré tout, que l’on reconnaîtra que cela est un peu chrétien que de dire que la gentillesse a plus à faire pour l’avenir de l’homme que le cynisme. Dire aussi que ce qui fait le chef, ce n’est pas la puissance de ses muscles mais sa capacité à se laisser toucher par cette vérité qui veut que nul puissant ne le soit vraiment sans la miséricorde et qu’il n’est de justice et de charité que dans la vérité. Que ne s’y trompent pas les plus excités ou les plus désespérés de mes frères baptisés : il est bien là le vrai témoignage de la foi, qui peut mener jusqu’au martyre.
Dire « Assez ! »
Non, il ne me semble pas que le monde ait toujours, dans notre société française en tout cas, été à ce point sourd aux malheureux et méprisant pour les faibles. Non, il ne m’apparaît pas que les projets étaient à ce point vides de rêves grands et puissants. Non, il n’est jamais arrivé qu’on se passionne pour la possibilité d’un sportif — quel que fut son talent — à franchir une frontière quand tant d’autres, anonymes, y meurent chaque jour.
Il arrive qu’il faille dire « assez ! » Et peut-être que ce jour est aujourd’hui. Alors assez ! d’appels à la violence. Alors, assez ! de flatteries adressées à nos plus bas instincts. Assez ! de slogans auxquels nul de ceux qui les prononcent ne croit un seul instant. Assez ! de revanches à prendre et d’égos à lustrer. Au jour de son baptême, Jésus entendit la voix de son Père prononcer les mots que l’Évangile rapporte : « En Lui, j’ai mis toute ma joie. » Cette joie, depuis lors, est ainsi déposée en chacun de ceux qui s’unissent au baptême du Fils. Et cette joie, qu’en avons-nous donc fait ?