Quand on pose un regard sur les tableaux de grands maîtres tels que Giotto, Joachim Patinir, ou Léonard de Vinci on devient témoin des transformations des récits bibliques en événements poignants. Comme c’est le cas de la scène ou Jésus immergé dans le Jourdain reçoit le baptême de Jean-Baptiste. Leurs trois représentations, trois chefs-d’œuvre de l’art, évoquent d’une manière décapante l’union entre le divin et l’humain :
1Le baptême du Christ selon Giotto
Réalisée par Giotto vers 1305, la représentation du Baptême du Christ est une fresque qui se trouve dans la chapelle des Scrovegni à Padoue, en Italie. Au centre de la scène, Jésus, à moitié plongé dans le Jourdain, reçoit le baptême de Jean-Baptiste qui se penche en avant d’un rocher. De l'autre côté, quatre anges tiennent les vêtements du Christ et sont prêts à le couvrir en s'avançant légèrement. Au-dessus, entouré de lumière, Dieu le Père, avec un livre dans ses bras, tend la main pour bénir le Christ, tandis que l'Esprit plane au-dessus des eaux qui nous rappellent la Création et le renouvellement par le Déluge.
Pourquoi le Christ sans péché est-il baptisé ? Parce qu'il est sur terre pour recréer et pour faire toutes choses nouvelles. Les eaux baptismales évoquent à la fois la mort et la vie. Ce que le Christ fait dans le Jourdain préfigure les deux. "Jésus a chargé sur ses épaules le fardeau de la culpabilité de toute l'humanité : il l'a porté dans les profondeurs du Jourdain", comme le dit Benoît XVI. Et c’est de ces profondeurs, qu’il remonte. Giotto présente l'eau comme étant à la hauteur de la taille, même si elle n'est pas à cette hauteur sur les rives, montrant ainsi la domination du Christ sur les puissances qui causent la mort.
C’est la première fois que Jésus se met à la place de l’homme. Lui, l'innocent et le juste, vient sauver l'humanité pécheresse. Giotto concentre toute l’attention sur cet Homme debout - sa nudité totale montre que cette chair est toute pure. Ses bras sont ouverts pour recevoir un fardeau bien lourd. Dieu de sa main désigne son fils indiquant qu’il lui remet le salut de l’humanité.
2Le baptême du Christ selon Léonard de Vinci
Commencé par Andrea del Verrocchio et achevé par Léonard de Vinci entre 1472 et 1475, ce tableau est exposé depuis 1914 à la Galerie des Offices de Florence. Il représente saint Jean et Jésus comme deux hommes puissants et vigoureux, bien que les mains de Jésus soient croisées en signe d'humilité. La vie publique du Messie commence et la défaite de Satan est proche. Jean est comme un soldat en cotte de mailles, tenant la croix comme un étendard de combat et la ceinture portant sa profession de foi : Ecce Agnus Dei (Voici l'Agneau de Dieu, en latin).
Du ciel, le Saint Esprit descend sous la forme d'une colombe surmontée des mains de Dieu. Les couleurs vives de la ceinture du Christ soulignent sa royauté, alors que les anges l'attendent. Cet homme-Dieu détient le pouvoir sur l'univers qui l'entoure, du palmier aux arbres à feuilles persistantes. Un détail curieux : les oiseaux noirs. Sont-ils en train de battre en retraite, comme si cette innocente colombe avait signalé la fin du règne des ténèbres ?
3Le baptême du Christ selon Joachim Patinir
La représentation de Joachim Patinir, qui date du début des années 1500, offre une vision tout à fait nouvelle. Héritier lointain des paysages de Jan van Eyck, Joachim Patinir est l’initiateur du paysage panoramique, qui s’étend à perte de vue. Sa palette de couleurs très fine, où dominent le vert et le bleu, permet à l’artiste de mettre en place une composition par plans à la fois claire et pleine de surprises. Dieu le Père est au loin, se détachant d'un ciel magnifique, tenant le globe terrestre couronné par la croix. Il envoie son Esprit vers son Fils bien-aimé. On pourrait y voir un écho de la colombe quittant l'arche.
Pourtant, dans le lointain, il y a une scène antérieure. C'est Jean-Baptiste avec ses disciples qui viennent de tous les horizons, accompagnés des mères avec leurs enfants. Il les dirige vers Jésus en robe bleue qui les observe à l'arrière-plan. Voici, leur dit-il, l'Agneau de Dieu. C’est la prédication de saint Jean-Baptiste. Mais au premier plan, le Christ en train d’être baptisé par Jean-Baptiste s’impose d’emblée au spectateur. Il est debout, ses mains sont croisées en signe d'acceptation de la volonté de Dieu. Son visage est serein devant la mission qu'il commence. Jean-Baptiste, légèrement en surplomb, se tient à genoux sur un rocher, la main tendue, versant l’eau sur la tête de Jésus.
A gauche du tableau, un grand manteau bleu est déposé au pied d’un arbre chauve, mort. Il sépare Jean-Baptiste de la foule. N’est-il pas là pour nous faire entrevoir que Celui qu’il annonce vient inaugurer un monde nouveau ?