Elles proviennent de situations banales comme les bouchons matinaux qui provoquent l’énervement des conducteurs en retard, un enfant désobéissant, une petite contrariété ou une grande injustice au travail, jusqu’aux tensions que nous affrontons dans nos vies personnelles… La colère peut survenir à n'importe quel moment de la vie quotidienne.
Précieuse et dangereuse à la fois
Ressentir de la colère, même de la rage n’a rien d’anormal. Cette émotion primaire, comme la tristesse, la joie, la peur, est partagée par tous, même si tous ne l’expriment pas de la même manière. Comme explique Christophe André, dans son livre La Force des émotions, la colère est à la fois précieuse et dangereuse. Précieuse car elle est une source d’énergie face aux agressions, aux frustrations ou aux injustices. Dangereuse car elle peut échapper à notre contrôle, et devenir une catastrophe personnelle (en provoquant un grand stress) et relationnelle (en perturbant toute forme d’échange).
Non, le chrétien ne fuit pas les passions même s’il sait que, quelquefois, elles peuvent conduire à l’erreur...
Elle est donc neutre, bonne ou mauvaise, selon ce qu’elle vise, constate dans son livre La garde du temps (Salvator) Césaire Falletti, moine de l’ordre cistercien et l’ancien prieur du monastère Dominus Tecum de Pra’d Mill, dans le Piémont, en Italie. Selon lui, il ne faut pas tenter de l’étouffer mais bien au contraire la transformer. Mais comment s’y prendre ? Comment garder son calme alors que les psaumes apprennent à se mettre en colère et à crier : "Ce n’est pas juste ! Seigneur, pourquoi dors-tu ?" (ps 43).
Quand la colère se transforme
Le mieux ne serait-il pas de se protéger derrière une carapace ? Faut-il rejeter les passions ou les émotions fortes ? "Non, le chrétien ne fuit pas les passions même s’il sait que, quelquefois, elles peuvent conduire à l’erreur ou même au péché". Comme explique le père Falletti, "Jésus a enseigné que ce qu’il faut éviter, ce ne sont pas les péchés, mais l’indifférence égoïste des gens parfaits, des sans-faute, des inattaquables, de ceux qui regardent avec mépris la douloureuse montée de colère chez les autres. Ceux-là se mettent un peu au-dessus de leurs semblables et donnent des leçons ou, comme le dirait encore Jésus, ils placent de gros fardeaux sur les épaules des autres, sans les soulever eux-mêmes d’un seul doigt" (Lc 11,46).
Se mettre en colère ne veut pas dire pourtant qu’il faille tout rompre, mais qu’il faut savoir "crier et dire la vérité en conscience – tout en sachant que nous n’avons peut-être pas parfaitement raison, mais qui le peut ?", poursuit le religieux. C’est savoir dire la vérité sans craindre « le monde ». C’est aussi savoir se la dire à soi-même. Mais que faire de cette colère ? La garder dans le cœur risque de déclencher un sentiment de vengeance. La réponse est bien dans les psaumes. La colère se fait la championne de la paix grâce à la capacité de bien qui n’abandonne jamais l’homme. "La colère invente la paix et l’offre peut-être sans qu’on s’en rende compte, parce que souvent elle ne peut s’exprimer que comme le cri du pauvre vers Dieu. C’est ce cri qui donne voix à de nombreux prophètes, ceux de la Bible et ceux qui sont présents aujourd’hui parmi nous", conclut le religieux.