Nous sommes le 1er avril 1645. Ce jour-là, la reine Anne d’Autriche, accompagnée de son fils Louis XIV âgé de 7 ans, pose la première pierre de la majestueuse église Notre-Dame de l’abbaye du Val-de-Grâce à Paris. Un événement majeur puisque la reine réalise enfin le vœu qu’elle avait formulé il y a de nombreuses années : offrir un temple magnifique si Dieu lui donnait un fils. C’est chose faite.
Achevée en 1655, l’église du Val-de-Grâce venait remplacer la plus modeste église de l’abbaye royale du Val-de-Grâce que la reine avait fondée, elle-même, vingt ans plus tôt en 1621 pour y transférer les religieuses bénédictines de l’abbaye Notre-Dame du Val-Profond dans la Bièvres, connue aussi sous le nom de l’abbaye du Val-de-Grâce de la Bienheureuse Marie à la Crèche.
Appréciant la communauté et sa dévotion toute particulière à la Nativité, la reine s’y rend de temps en temps pour s’y recueillir et demander l’intercession de la Vierge Marie dans l’espoir d’avoir un fils. Là-bas, en plus de prier la Nativité, elle correspond secrètement avec des amis peu appréciés par la cour et son mari. Un secret qui ne tarde pas à arriver aux oreilles de Louis XIII qui lui interdit alors de se rendre au Val-de-Grâce et va même jusqu’à surveiller ses moindres faits et gestes. C’est dans cette atmosphère tendue, où la reine est quelque peu en disgrâce, qu’elle tombe finalement enceinte de Louis XIV après vingt-trois ans de mariage. « À Jésus naissant et à la Vierge mère », lit-on aujourd’hui sur le portique d’entrée de cet ex-voto que la reine avait tant souhaité. Il faudra attendre le décès de Louis XIII et sa nomination en tant que régente pour commencer les travaux extrêmement coûteux.
Sous le grand baldaquin, réalisé par le sculpteur Gabriel Le Duc, un groupe sculpté, représentant l’Enfant-Jésus entouré de Marie et Joseph, rappelle l’attachement profond de la reine à la Nativité. Réalisée au XIXe siècle par trois sculpteurs, cette Sainte Famille n’est autre que la copie du groupe sculpté visible aujourd’hui en l’église Saint-Roch. Commandée à l’origine au sculpteur Michel Anguier pour le Val-de-Grâce, cette Nativité fut déplacée vers les années 1800 en l’église Saint-Roch à la demande de Joséphine de Beauharnais, date depuis laquelle il n’a plus jamais bougé.
Le cœur de la reine à jamais au Val-de-Grâce
Le 20 janvier 1666, la reine s’éteint à l’âge de 64 ans après s’être battue courageusement contre le cancer du sein qui la rongeait. Sur son lit de mort, elle émet le désir que son cœur soit séparé de son corps. Ce dernier est inhumé à la basilique Saint-Denis, comme ses ancêtres royaux. Quant à son cœur, il rejoint sa demeure préférée : le Val-de-Grâce. Précieusement, l’organe est déposé dans une urne qui est, elle-même, déposée dans la chapelle Sainte-Anne. À la période révolutionnaire, l’abbaye est fermée et profanée. Le cœur de la reine, dont les substances pour l’embaumement sont à l'époque très prisées car très rares, est volé pour être vendu.
Si l’ensemble des biens mobiliers sont spoliés, l’abbaye échappe à la destruction et se transforme en hôpital militaire. Une vocation qu’elle conservera jusqu’en 2016. Aujourd’hui, les bâtiments n’accueillent plus désormais que l’École d’application, le musée et la bibliothèque centrale du service de santé des armées.
Unique témoignage du passé spirituel de l’abbaye, l’église Notre-Dame du Val-de-Grâce est toujours là, fière et majestueuse. Chaque dimanche à 11h, elle poursuit sa vocation en accueillant une messe célébrée à 11h. En pénétrant à l’intérieur, le fidèle sera certainement subjugué par son décor baroque et notamment par la grande fresque de Pierre Mignard qui décore la coupole représentant la sainte Trinité au Paradis entourée de l’Église triomphante. Sans aucun doute l’une des plus belles de la capitale.