L'amour des ennemis, le pardon des offenses et rendre le bien pour le mal : voilà trois enseignements majeurs et caractéristiques du christianisme. Mais le chrétien peut à bon droit se poser la question de savoir comment pratiquer ces trois préceptes qui entrent en contradiction avec la nature humaine plutôt portée à la vengeance, à rendre coup pour coup et à vouer aux gémonies ceux qui nous ont blessés. En fait, trois conditions sont requises pour les mettre en pratique : acquérir, ou plutôt consentir au don que Dieu nous en fait, la foi, l'espérance et la charité, les trois vertus théologales. Voyons cela en détail avec chacune d'entre elles.
La foi dans la victoire du pardon
Par la foi, le chrétien croit que Jésus a vaincu la mort en pardonnant à ses ennemis. C'est en rendant le bien pour le mal sur la croix qu'il a mérité le salut pour tout le genre humain. Aussi, ce précepte, loin d'être secondaire, a constitué la substance de la vie de Jésus. De plus, la foi reconnaît en lui le Verbe de Dieu, sa Parole. Or, cette Parole nous a demandé explicitement d'aimer nos ennemis. Par la foi, le chrétien reconnaît l'importance du précepte de toujours répondre au mal par le bien.
L'espérance dans l’éternité des actes bons
Cependant, le chrétien n'est pas un surhomme. Ce que le Christ lui demande doit être motivé non seulement par l'amour fraternel mais aussi par une espérance qui rende l'application du précepte sinon plus facile, du moins plus gratifiante. C’est ici qu’intervient la vertu d’espérance. Avec elle, le chrétien est convaincu que Dieu récompense les actes héroïques de charité et que seuls ces derniers, parmi toutes les activités que nous aurons accomplies sur terre, nous suivront dans le Royaume ainsi que l’atteste le voyant de "l’Apocalypse" (Ap 14,13). Toutes les autres n'y entreront pas ; des actions mauvaises ou égoïstes, nous devrons en effet être purifiés. Dans cette perspective, le chrétien qui rend le bien pour le mal a en vue l'éternité que Dieu lui promet — cette éternité qui n’est autre que Dieu lui-même. Et pour s’accoutumer dès à présent à vivre avec Lui, il est bon de vivre selon ses mœurs. Or, le Très-Haut aime tous les hommes et fait "lever son soleil sur les méchants et sur les bons" (Mt 5, 45). À notre tour de l’imiter en priant pour tous les hommes, même ceux qui nous sont hostiles. Tels sont les principaux motifs d’espérance qui nous poussent à rendre le bien pour le mal.
Faire sienne la charité du Christ
Bien que nous l'ayons gardée pour la fin, la charité reste toutefois la principale vertu à acquérir pour être capable d’aimer nos ennemis. En effet, afin que ce précepte ne reste pas un commandement extérieur à pratiquer seulement par devoir mais devienne l’âme de son action, le chrétien doit se l’approprier et l'intérioriser de telle sorte que l'amour des ennemis sourde de lui comme d’une source. Or, cet objectif serait irréalisable si le disciple de Jésus n'avait pas la possibilité de faire sienne la charité du Christ lui-même, notamment par le moyen des sacrements et de l’Esprit saint qui est l’Amour divin en personne. Dès lors que le Christ et l’Esprit vivent en lui, l'amour de ceux qui ne l'aiment pas lui devient plus facile. La charité surnaturelle, divine, constitue le moyen principal pour pratiquer cet amour des ennemis qui, à vue humaine, semble relever du vœu pieux.