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Quand Marianne et Pierre se parlent

Macron Pape François juin 2018

Emmanuel Macron et le pape François, le 26 juin 2018.

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Michel Cool - publié le 04/12/21
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La deuxième rencontre entre le président Emmanuel Macron et le pape François a été diversement commentée. Pour notre chroniqueur Michel Cool, le pontificat du pape François, « tout en soutenant mordicus des causes sujettes à discordes avec les autorités laïques, fait aussi du dialogue la pierre angulaire de sa diplomatie ».

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La dernière visite du président Emmanuel Macron au Vatican a suscité maints commentaires. Il avait sollicité une audience auprès du pape en cette année du centenaire de la reprise des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la République française. De cet entretien privé d’une heure, les deux hommes se sont bien gardés de dévoiler tous les aspects. Les communiqués respectifs de Rome et de Paris ont souligné leur entente sur plusieurs sujets internationaux et la bonne ambiance de la rencontre. À ce sujet, une polémique a éclaté sur l’usage du tutoiement durant l’entretien. Des commentateurs ont intenté, hâtivement peut-être, un procès en vulgarité au président français.

Des préoccupations communes

D’abord, ils oublient ou ignorent que François est coutumier du fait : comme il le faisait en Argentine, il tutoie aisément clercs ou laïcs qu’il reçoit, par goût de proximité et de simplicité. L’interlocuteur ainsi détendu peut se surprendre à dire sans effroi « tu » au pape. Des témoins peuvent l’attester. Ensuite, qui peut savoir ce qui se dit, ce qui se vit dans le secret d’une rencontre entre deux personnalités qui, à l’évidence, apprécient de se parler ? À cause de leurs divergences, qui sont de notoriété publique (migrants, enjeux bioéthiques, loi sur le séparatisme), tout dialogue leur serait-il impossible, voire interdit ?

En outre, ces deux dirigeants, de générations et de cultures certes différentes, ont des préoccupations et des sensibilités communes : un sens aigu de la complexité des problèmes du monde, un penchant assumé pour la transgression et un attachement fort à l’universalisme aujourd’hui ébranlé. Faut-il s’étonner, s’inquiéter ou se satisfaire que le courant passe entre l’ancien jeune assistant de Paul Ricœur, que l’on sait taraudé par la question de la transcendance, et le vieux lecteur avisé de Michel de Certeau, dont on sait qu’il aime se mouler dans les habits d’aumônier des dirigeants de la planète ?

Une « saine laïcité »

Face aux détracteurs laïcistes d’un président « chanoine du Latran » et aux adversaires politiques d’un président suspecté de « draguer » l’électorat catholique, le nonce apostolique à Paris, Celestino Migliore évoque la juste nécessité d’appliquer une « saine laïcité » : celle où, selon les termes du pape François, « l’Église et les gouvernements nationaux sont distincts, mais pas opposés ». Cette « saine laïcité » avait déjà été par ailleurs expérimentée, dans des contextes différents, par Paul VI et Charles de Gaulle ou par Jean Paul II et François Mitterrand. L’actuel pontificat, tout en soutenant mordicus des causes sujettes à discordes avec les autorités laïques, fait aussi du dialogue la pierre angulaire de sa diplomatie. Un dialogue dans lequel naturellement les relations interpersonnelles entrent en jeu et sont désormais amplifiées par les caméras et les micros omniprésents. L’ambassadeur du pape en France a commenté ainsi de façon imagée la visite à Rome d’Emmanuel Macron : « Je retiens l’image du président qui va voir le pape, et il y a une rencontre assez détendue, efficace. Le pape et le président qui se téléphonent. Donc, disons “Marianne et Pierre se parlent”. »

Se parler n’est pas facile entre interlocuteurs se référant à des identités, des croyances et des intérêts différents. Toutefois, quand Marianne et Pierre se parlent, ils valorisent une perspective constructive et éclairante pour nos sociétés en mal de dialogues : celle où les identités acceptent de baisser leur garde, de se parler et de se dépasser pour viser quelque chose de plus éminent et de plus pressant qu’elles-mêmes : le bien commun.  

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