Depuis bientôt deux ans, les "gestes barrières" se sont bien implantés dans les mœurs. Il n’est plus aussi évident qu’auparavant d’embrasser un ami croisé dans la rue ni même de câliner ses petits-enfants. Qui n’a pas fait l’expérience de ce moment de flottement lorsque deux personnes se rencontrent : on s’embrasse ou pas ?
Des gestes barrières qui trouvent également une application lors des assemblées de fidèles. Depuis que les célébrations ont été à nouveau autorisées, la pratique liturgique a été adaptée : communion exclusivement à la main (et pas à la bouche), et suppression de la poignée de main au moment du geste de paix. Si certaines paroisses ont continué à inviter les fidèles à échanger un signe de paix à distance à travers un hochement de tête ou un échange de regards par-dessus le masque, d’autres se sont tues. En effet, le rite de la paix n’est pas obligatoire dans la liturgie de la messe. La Présentation générale du Missel romain rappelle que le prêtre ou le diacre invitent à la paix "si cela est opportun" (154 et 181). Une expression utilisée pour éviter que la routine ou la banalisation n’affaiblisse le sens du geste de paix.
Une signification que certains fidèles en viennent à oublier tellement sa pratique devient lointaine. La tradition du baiser de paix remonte aux premiers temps du christianisme. Saint Paul en fait mention dans ses Lettres lorsqu’ils invitent les Romains (Rm16, 16), les Thessaloniciens (1Th5, 26) et les Corinthiens à se saluer "par un baiser de paix" : "Saluez-vous les uns les autres par un baiser de paix" (2Co13, 12). Un geste fort, une manière de se relier à son prochain, d’exprimer l’unité de la communauté et de vivre pleinement le commandement ultime de Jésus : "Aimez-vous les uns les autres".
Situé entre le Notre Père et la communion, le geste de paix est la conséquence immédiate de la prière qui l’a précédé. Grâce au Christ, nous sommes les fils d’un même Père, membres d’une même famille. Dans l’invitatoire, le prêtre dit : "Dans la charité du Christ, donnez-vous la paix". Il ne s’agit pas de saluer ses voisins mais de se transmettre le Christ, Prince de la paix. "L’Eglise implore la paix et l’unité pour elle-même et toute la famille humaine, et les fidèles expriment leur communion dans l’Eglise ainsi que leur amour mutuel avant de communier au sacrement", précise la Présentation générale du Missel romain (82).
La question est : combien de temps encore avant de retrouver ce geste si expressif et sa belle signification ? En attendant, on peut trouver un geste qui ne soit ni banal, ni habituel, comme un signe de tête, un salut avec les mains jointes ou un sourire amical, et accompagner ce geste des mots qui en donnent le sens : "La paix du Christ".