Le prix saint Jean Paul II pour la famille, l'amour et la vie a été décerné le 29 septembre dernier à Gabrielle Vialla, mère de huit enfants et écrivain, pour son essai sur la chasteté. Mais que recouvre cette notion si décriée ? Bien comprise, la chasteté est en réalité liée à la joie du don et se révèle être une aide précieuse pour une sexualité responsable.
Aleteia : La chasteté, c’est quoi au juste ?
Gabrielle Vialla : C'est recevoir tout notre être corporel et spirituel comme venant de Dieu. Or notre corps sexué est ici-bas le lieu de nos limites, l'occasion de combats intérieurs. Se révolter ne permet ni d'entrer en relation avec le Créateur, ni de vivre avec les autres dans une altérité constructive. Contempler, s'approprier, se laisser enseigner par un rythme que nous n’avons pas choisi mais qui est voulu par Dieu pour nous faire grandir rend heureux et libre. La vraie écologie, c’est respecter sa nature corporelle, l'unifier à toute sa personne, s’en émerveiller !
N'aurions-nous pas peur de la chasteté ?
On en a peur car on ne sait pas ce qu'elle est. On l'assimile à l'absence de relations sexuelles ou à une morale impossible à vivre. Or nous sommes tous appelés à la chasteté comme chemin pour se donner. Saint Jean Paul II disait aux jeunes : "Ne croyez pas ceux qui vous disent que la chasteté est dépassée !".
Vous êtes mariée. La chasteté conjugale, c’est moins de sexe ?
Du fait de la contraception et de la pornographie, beaucoup de couples se lassent ou méprisent au fond d’eux leur sexualité. Un homme ayant découvert l’enseignement de l’Église m’a dit : "C’est dingue, je peux de nouveau être amoureux de ma femme, la courtiser, la désirer, l’aimer. Le résultat est fou." La Genèse et l’Évangile nous disent "tous deux ne feront plus qu’un". Choisir la chasteté conjugale, c’est prendre soin de ce "un" à la fois mystérieux et réel, découvrir qu’un corps commun nous est donné. Il se fortifie dans les unions conjugales mais perdure en dehors de celles-ci. Un homme exposé à des tentations dans ses déplacements professionnels m’a partagé son "truc à lui" : embrasser discrètement son alliance, pour se rappeler sa responsabilité.
La chasteté n’est donc pas ennemie du plaisir sexuel ?
Au contraire, elle reçoit le plaisir comme un cadeau dans ce respect du corps, lui-même don de Dieu. Elle le met à sa juste place, au service de l'amour. Si le plaisir sexuel devient une obsession, c’est tout sauf épanouissant. Comme nous sommes tous marqués par l’hyper érotisation de la société, nous devons mener un vrai combat intérieur pour la pureté de nos pensées et de nos actes. Les époux chrétiens ont une mission de témoignage et d’évangélisation de la sexualité.
Et pour les célibataires ?
Une amie séparée de son conjoint m’a confié : "J’enchaîne les aventures pour me prouver que je suis séduisante. En fait, je manque totalement d’estime de moi-même. En comprenant ce qu'est la chasteté, je me dis enfin que mon corps est beau par lui-même, que cette dépendance au regard et au toucher masculins est un esclavage. J’entrevois une liberté."
La chasteté, non pas catalogue d’interdits, mais école de liberté ?
La chasteté consiste à mettre chaque pan de notre existence à sa juste place. Demandons-là comme un don, faisons des efforts pour la comprendre, et tâchons de la vivre : il en résulte beaucoup de liberté et de joie.
La chasteté, Gabrielle Vialla, Artège, 2020, 14 euros.