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Voir la Création comme un don, cela change tout

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Tugdual Derville - published on 14/10/21
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La crise écologique ne trouvera pas de réponse sans renaissance spirituelle. C’est en voyant la place singulière de l’homme dans la Création, estime l’auteur des "Animaux dans l’Évangile" (Ecclesia), que le destin de l’univers changera.

Une clé de l’écologie intégrale change tout pour les chrétiens : la place singulière de l’homme dans le monde créé. En prendre conscience aidera certains à reprendre espoir quant à l’avenir du monde, et d’autres à prendre conscience de leur responsabilité. Quelques lignes d’un texte peu connu du pape François éclairent cette place éminente : sous le titre « Une grande espérance », elles figurent dans un recueil d’autres discours du Pape, intitulé Notre mère la Terre (Salvator, 2019). Dans ce document jusqu’alors inédit, l’auteur note qu’« un des grands risque de notre temps, face à la grave crise écologique » serait « de nous contenter de chercher des solutions » au lieu de la lire comme « une crise globale ». Le pape François récuse de ce fait la quête de réponses uniquement techniques aux problèmes environnementaux. Pour lui, cette « crise globale demande une vision et une approche globales qui passent avant tout par une renaissance spirituelle, au sens le plus noble du terme ».

En quoi cette renaissance spirituelle est-elle prioritaire ? Alors que le catastrophisme tend à envahir et paralyser les esprits, le pape ose affirmer : « Paradoxalement, les changements climatiques pourraient devenir une opportunité [c’est nous qui soulignons] pour que nous posions les questions de fond sur le mystère de l’être créé et sur ce pour quoi il vaut la peine de vivre ! » Nous sommes donc invités à un renversement du paradigme. 

Voir la création comme un don change tout, induisant l’attention particulière aux plus pauvres, aux plus méprisés, aux plus rejetés qui va de pair avec le souci écologique

En septembre le Lancet Planetary Health a publié les résultats d’une grande étude sur « l’éco-anxiété de la jeunesse mondiale ». On y découvre que les jeunes sont souvent majoritaires à être effrayés par l’avenir de la planète. Symptôme d’une maladie de l’humanité confrontée à la question du sens, cette angoisse écologique, surtout écrasante dans des pays du sud, peut être lue comme un appel pastoral, un signe des temps. Tandis que les uns s’autodétruisent dans l’athéisme libertin narcissique, d’autres — parfois les mêmes ? — expriment un besoin d’engagement altruiste. Tous ont la même soif. 

À lire le pape François, la maladie à soigner, est celle de notre regard, « ce regard malade que nous portons sur nous, sur les autres, sur le monde, sur le temps qui court ; un regard malade qui ne nous fait pas tout percevoir comme un don, offert pour nous faire découvrir que nous sommes aimés ». Faut-il rappeler, à contrepied de l’idéologie animaliste en vogue, combien l’humanité est aimable pour Dieu ? La façon dont le Christ considère les animaux dans l’Évangile le démontre. Corbeaux, renards, ânes, cochons, bœufs, chiens, poules... : qu’ils soient rencontrés dans sa « vraie » vie ou utilisés comme allégories, dans son enseignement ou ses paraboles, tous sont toujours évoqués pour manifester l’amour de Dieu le Père... pour nous ! L’expression de sa préférence va jusqu’à une formule explicite où se lit à la fois l’attention du Père pour chaque animal et sa tendresse sans commune mesure pour chaque être humain : « Est-ce qu’on ne vend pas cinq moineaux pour deux sous ? Et pas un seul n’est indifférent aux yeux de Dieu. Quant à vous, même vos cheveux sont tous comptés. Soyez sans crainte : vous valez plus que tous les moineaux du monde » (Lc 12, 6-7). Le Psalmiste, s’en étonnait déjà : « Qui donc est l’homme pour que tu t’en soucie ? [...] À peine le fis-tu moindre qu’un Dieu ! » (Ps 8.)

Dans son Introduction aux études animales (PUF, 2020), Émilie Dardenne peut relayer la formule accusatoire de Renan Larue :

Pourtant, ce statut hors pair de l’homme ne lui confère en rien un droit d’exploitation sans limite du reste de la Création. C’est une souveraineté de gratitude et de responsabilité. Et même de service, à l’image de celle du Christ que sa royauté conduit à laver les pieds de ses disciples. Dans le texte précité, le pape François insiste sur l’importance pour la Création que l’homme reconnaisse qu’il s’agit d’un don divin. Une vocation unique nous situe entre le Créateur et le reste de sa Création : « Seul dans l’homme, microcosme qui condense en lui l’univers, mais qui vit du souffle que le Dieu personnel a directement insufflé sur son visage, le monde peut correspondre à son caractère sacré secret, c’est-à-dire être vu comme un don. » Tout part du cœur de l’homme : ses pensées et ses actions. Voir la création comme un don change tout, induisant l’attention particulière aux plus pauvres, aux plus méprisés, aux plus rejetés qui va de pair avec le souci écologique ; c’est même « la capacité de communion de l’homme qui conditionne l’état de la Création ». À nouveau est affirmé le lien entre notre regard sur autrui et notre regard sur le monde. Mais nous seuls sommes capables de « déchiffrer la présence qui habite les choses », à la lumière de l’Esprit saint. « Ce qui se passe dans le cœur de l’homme a une signification universelle et s’imprime dans le monde » explique le pape avant d’en déduire un constat magistral : « C’est donc le destin de l’homme qui détermine le destin de l’univers. » Invitation grave et joyeuse à nous en sortir par le haut !

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