Mariée et mère de quatre enfants, Priscille vit en Vendée. Marquée par une enfance et une adolescence meurtries par la dépression de son père, elle témoigne de la puissance et de la gratuité de l’amour de Dieu pour chacun d’entre nous. Une expérience bouleversante qui l’a conduite à pardonner ce qu’elle estimait, à première vue, impardonnable.
Les toutes premières années de sa vie, Priscille vit une vie simple et heureuse entre Bordeaux et Arcachon, avec ses parents et ses sœurs. Malgré un père autoritaire et très sûr de lui, une certaine harmonie familiale règne à la maison. A 6 ans, Priscille prend tout à coup conscience que l’ambiance au sein de sa famille a changé. Son père se met à dormir beaucoup et à faire des séjours dans des maisons de repos. Priscille va apprendre à vivre durant les trois années suivantes avec la dépression sévère de son père. « Ce que j’ignore du haut de mes 10 ans, c’est que la dépression n’est pas une simple tristesse. Je ne connais pas non plus la béquille que mon père a trouvée pour l’aider à tenir : le fléau dont il devient dépendant ».
A 10 ans, Priscille apprend que son père est alcoolique. A partir de ce moment-là, la famille de Priscille va vivre l’enfer pendant des années, entre la tristesse et la violence, les séjours réguliers à l’hôpital, les obligations de se mettre à l’abri de ce père imprévisible, la peur de ce père autoritaire et malade. Néanmoins, Priscille n’a qu’une chose en tête, aider ce papa qu’elle aime et qui ne lui rend pourtant pas très bien. Elle ne cesse de prier pour lui, lui écrit des petits mots pour lui donner du courage, sans réponse apparente ni de son Père du Ciel, ni de son père sur terre. « Je prie tous les jours pour papa, chaque soir une dizaine de chapelet. Mais je crois que Dieu ne m’entend pas. »
Durant des années, Priscille vit dans la peur, dort très peu, trop angoissée pour y arriver. Elle et sa famille vivent dans un cercle vicieux infernal : lorsque son père va mieux suite à un séjour à l’hôpital, on le renvoie chez lui. Promettant de changer, il redevient pourtant cet homme dur, autoritaire et injuste, qui s’en prend constamment à ses filles. Puis, c’est la rechute, la déprime et l’alcool. Priscille grandit et la haine commence à s’installer.
"Mon père nous a tellement de fois demandé pardon sans que cela ne change rien à la situation que je ne peux pas entendre ce mot."
Durant toute son adolescence, Priscille déteste son père. Un père qui leur fait du mal et qui n’a visiblement aucune intention de changer. La haine va être sa compagne pendant de longues années. « Papa se bourre la gueule à longueur de journée et même les hôpitaux ne savent pas quoi faire de lui. […] Papa traite maman de malade, j’en ai marre qu’il l’insulte et qu’il la frappe. Je ne le lui pardonnerai jamais, il nous détruit », confie-t-elle dans son livre Du poison au pardon.
A l’âge de 18 ans, Priscille décide de partir en Irlande en tant que jeune fille au pair. Elle ne sait pas ce que lui réserve cette année mais elle en a terriblement besoin. « Ce que je vais devenir ? Je n’en sais rien, mais le choix de quitter ma famille est le bon parce que je ne veux pas mourir. »
Lors de ce séjour, Priscille est pour la première fois de sa vie, libre de ses choix. Elle prend conscience qu’elle est un être à part entière. C’est une première renaissance humaine. Au terme de cette année riche humainement, Priscille rentre en France. Nous sommes en 2004. Elle a mis de côté la religion, mais reste néanmoins attachée aux prières de son enfance. Cette année-là, à Pâques, elle va voir le film « La Passion du Christ » qui la bouleverse totalement. Elle découvre en Jésus un frère qui porte les souffrances de chacun individuellement. « Je me suis rendue compte que Jésus, toutes ces années, était en train de pleurer avec moi. Il avait souffert lui aussi et avait été à mes côtés malgré l’absence de réponses concrètes à mes prières. »
Le soir même, Priscille décide d’aller à la veillée pascale. Durant toute la veillée, elle est remplie d’une paix incroyable, « inondée d’un amour qu’elle ne connaît pas ». Elle est transformée, libérée de tout le mal et pense être guérie de ses blessures !
Commence alors un long chemin. Rapidement, Priscille réalise qu’elle n’est pas au bout de la route et que la guérison n’est pas magique. Il va lui falloir du temps et de la patience pour avancer vers la liberté. Elle a rencontré Jésus qu’elle considère comme son frère, mais Dieu pour le moment, « demeure un étranger inaccessible et lointain ».
Priscille décide de se faire accompagner par un père spi qui un jour « va mettre les pieds dans le plat » : « Crois-tu qu’un jour, tu pourras pardonner à ton père et laisser Dieu t’aimer ? » Pour Priscille, c’est absolument impensable. Le mot pardon ne veut rien dire pour elle, ce mot la scandalise. « Mon père nous a tellement de fois demandé pardon sans que cela ne change rien à la situation que je ne peux pas entendre ce mot. Je sais que je dois guérir de mes blessures personnellement, je sais que Jésus m’aime, mais pardonner ce n’est pas possible. Je suis révoltée, le Père ne peut pas me demander ça. »
Assez vite pourtant, Priscille pense qu’en tant que chrétienne, elle devait pardonner. C’était quelque chose qu’elle devait faire. « Mais j’ai réalisé que le pardon n’était pas une case à cocher, que je ne pouvais pas me forcer, que ce n’était pas un devoir. » En réalité, c’est un désir qui devait mûrir en Priscille, il fallait qu’elle prenne le temps. Et Dieu lui a laissé le temps qu’il fallait. « Dieu a été pédagogue avec moi. Dieu savait que j’étais à ce moment incapable de pardonner à mon père. »
C’est lors d’une soirée avec la communauté des Béatitudes que Priscille découvre l’amour de Dieu le Père à travers le Cantique des cantiques. Pour pouvoir pardonner à son père, Priscille devait d’abord se savoir aimée du Père. Et pour cela, elle est passée par Jésus. « C’est vraiment Jésus qui m’a emmené vers le Père. » Elle découvre un amour libérateur, protecteur. « J’ai vraiment senti l’amour de Dieu. »
Puis, après un long chemin, à l’âge de 22 ans, Priscille prend la décision de pardonner à son père. C’était une décision qui avait mûri en elle. Il fallait prendre le temps, ne pas se forcer mais le faire avec l’aide de Dieu. « J’ai compris qu’en ne pardonnant pas à mon père, c’était moi que je détruisais. Je devais aussi penser à moi. Je devais pardonner pour nous libérer du lien qui nous unissait. »
Après le pardon accordé, les relations de Priscille avec son père continuent d’être chaotiques mais ce pardon qu’elle a posé l’a libérée. Elle a parfois été tentée de revenir en arrière mais « une fois le pardon posé, on ne le reprend pas. »
Priscille est convaincue que Dieu nous aime de manière inconditionnelle, Il ne nous abandonne jamais. Mais Il a également besoin de nous. Nous posons des choix mûris dans la prière et Dieu nous accompagne. Dieu a besoin de nos décisions. « C’est un travail d’équipe. Dieu ne nous sauve pas sans nous ! »