Séoul, septembre 1839. C’est un jour comme un autre dans cette prison. Des gémissements de désespoir et de faim hantent les geôles alors que des cris de douleurs résonnent depuis la chambre de torture. Si on tend l’oreille, on peut même entendre des grincements de dents et le grattement d’ongles sur le bois des cellules. François, allongé sur le sol de la sienne écoute les pleurs de ses frères. Parce qu’ils ont refusé d’apostasier, ils subissent quotidiennement les tortures. Pendant les brèves périodes de répit qu’on leur accorde, ils combattent la tentation de renoncer.
Un catéchiste improvisé
François, lui, ne peut plus rien bouger. Tous ses membres sont déboités. Son corps est entièrement recouvert de bleus. Il ne peut même pas essuyer le sang qui a coulé dans ses yeux. Et la lumière est si faible dans cette prison. Fait-il jour ou nuit ? Il n’en sait rien. Mais François prie. Il murmure des remerciements pour la force que le Christ lui a donnée durant ces deux mois et l’implore de lui en accorder encore pour les jours qui viennent.
- Comment fais-tu pour prier alors que ton corps n’est plus que plaie ? demande quelqu’un.
François observe ses compagnons de cellules. Leurs visages sont marqués par l’angoisse. Beaucoup arrivent en défendant leur foi, mais nombreux sont ceux qui renoncent après les premières tortures. Où trouver du courage lorsque Dieu semble si loin ?
- Si je ne prie pas, mon âme sera dans le même état que mon corps, répond François. Il faut que je sois présentable lorsque le Christ voudra bien me recevoir.
Il leur parle du royaume éternel, ce lieu divin où tous sont attendus. Là où le mal n’existe pas et où Dieu laisse ses enfants se reposer. Car celui qui perdra sa vie à cause du Christ et de l’Évangile la sauvera (Mt 8, 35). Il leur enseigne comme il le faisait sur le mont Suri, près de Gwacheon.
À l’époque où sa famille se convertie, il n’y a pas de prêtre dans la région. François s’est donc donné la tâche d’enseigner aux chrétiens locaux. S’instruisant lui-même à l’aide d’œuvres spirituelles, il compense sa pauvre instruction par la prière. Ainsi, il transmet l’amour de Jésus à des centaines de personnes.
Témoin jusqu’au dernier souffle
François est officiellement nommé catéchiste par les Missions Étrangères de Paris en 1839. Cette même année débutent de nouvelles persécutions. Malgré tout, il continue son œuvre. Sans se soucier du danger, il rend visite à ses frères en prison et enterre les corps des martyrs.
Mais le 31 juillet, la police débarque dans le village. On arrête François et sa famille ainsi que des dizaines de chrétiens. On exige qu’ils renoncent à leur foi. Au début, tous refusent. Puis ils subissent milles tortures durant lesquelles on les somme encore et encore d’apostasier. À la fin, seul François, son épouse et une de ses cousines tiennent bon.
Lorsqu’on apprend que le fils de François est prêtre, il est torturé presque tous les jours. On le bat jusqu'à lui briser les os. Son corps n’est plus que douleur. Et pourtant, le voilà encore à promettre le royaume de Dieu à ses frères apeurés. Le cœur rempli de compassion, il leur parle des promesses que Dieu à fait aux hommes.
- Que je vive encore une heure ou cent ans, ce corps redeviendra poussière. C’est mon âme qui rejoindra le Christ. C’est elle avant tout qui doit être préservée.
Après deux mois de captivité, François Choe Kyong-hwan succombe à ses blessures le 12 septembre 1839. Il est canonisé avec 102 autres martyrs de Corée en 1984 par Jean Paul II. L’Église les fêtes le 20 septembre.