Dans ses Pensées, le philosophe Pascal (1623-1662) déduit de ses observations du genre humain que "tout le malheur de l’homme vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre". L’homme, face à son angoisse de la mort, cherche sans cesse à se "divertir", autrement dit à détourner son esprit des sujets fondamentaux. Les guerres, les jeux vidéo, ou encore la dépendance aux réseaux sociaux sont autant d’exemples de "divertissement" dans la perspective pascalienne réactualisée à l’aune de notre époque.
Une autre alternative face à la peur de la mort mais aussi face au stress d’une vie effrénée est tout simplement de consacrer du temps à réfléchir au sens de notre existence, et à ce qui nous attend après la mort. À une époque où le "rendez-vous avec soi-même" est très prisé, la méditation biblique offre un autre type de recentrage : sur Dieu, sur sa Parole, sur ce que Dieu accomplit en nous à travers sa Parole.
Qu'est-ce que la méditation biblique ?
Plusieurs passages des Écritures, et notamment les Psaumes, nous éclairent sur la méditation. Ainsi le psalmiste déclare-t-il dans le tout premier psaume :
"Heureux l’homme qui ne suit pas le conseil des méchants (…) mais qui trouve son plaisir dans la loi de l’Eternel et la médite jour et nuit !" (Ps 1).
Le verbe hébreu "hagah" (הַגַה) recouvre plusieurs verbes français comme "méditer, dire, penser, célébrer, annoncer, proclamer, soupirer, gémir".
Nous apprenons au travers des psaumes (1.2, 63.6, 143.5) que la méditation se pratique dans un lien personnel à Dieu, de façon incessante ("jour et nuit"), et qu’elle concerne divers sujets : Dieu lui-même ; les œuvres de Dieu ; sa loi. Le psaume 77 (Ps 77, 12) ajoute l’idée de raconter à d’autres les œuvres de Dieu. La méditation débouche donc sur l’annonce de la Parole.
Ainsi, la méditation telle que rapportée dans l’Ancien Testament consiste, dans un lien personnel à Dieu, à se remémorer qui Il est, quelle est sa loi et quelles sont ses œuvres ; à pratiquer cette activité jour et nuit au sein de ses activités quotidiennes ; enfin, à raconter les œuvres de Dieu.
Dans le Nouveau Testament, c’est Marie, en première disciple de son fils Jésus, qui nous offre un parfait exemple de méditation. L’Evangile de Luc (Lc 2, 19) nous dit qu’elle « gardait le souvenir de tout cela et le méditait dans son cœur ». Le verbe grec "sumballo" (συμβάλλω) définit l’action de "jeter ensemble", de converser, de repasser dans son esprit, de conférer avec soi-même, enfin de rencontrer.
La méditation consiste à se remémorer en tout temps les paroles et les œuvres du Christ.
Nous voyons que la méditation mariale consiste, dans l’intimité de son cœur, à faire mémoire des paroles et événements liés au Messie. Marie médite les paroles des bergers sur son fils ainsi que tous les événements liés à son Incarnation. Elle fixe son regard sur lui, sur sa vie, plus tard sur ses paroles. Elle se les répète et converse avec elle-même pour leur donner vie.
Enfin, deux versets de l’Évangile de saint Jean (Jn 15, 4 et 7) nous font entrer plus profondément dans le sens de la méditation. L’apôtre nous apprend que le Christ demeure en nous lorsque ses paroles demeurent en nous. En somme, quand on médite la Bible, Jésus-Christ demeure et agit en nous.
Depuis la venue du Christ sur la terre, nous pouvons dire que la méditation consiste à se remémorer en tout temps les paroles et les œuvres du Christ pour les graver dans notre cœur, et en trouver, aidés de l’Esprit Saint, l’application heureuse dans notre vie quotidienne.
Comment méditer ?
La méditation biblique demande deux prérequis : le premier est de lire sa Bible ; le deuxième est de comprendre ce qu’on lit. Cette activité, bien que personnelle, est donc à relier à une vie communautaire afin de recevoir l’enseignement éclairé de ceux qui comprennent déjà le sens des Ecritures. On peut penser ici à la rencontre de l’apôtre Philippe et du néophyte éthiopien dans les Actes des apôtres (Ac 8, 30-31). Le néophyte accepte l’aide de Philippe pour comprendre le livre d’Esaïe.
Afin d’inscrire la méditation au cœur de votre vie, il est judicieux de réserver un créneau chaque jour pour la lecture de la Bible. Il existe de nombreux plans de lecture de la Bible en un an, disponibles également en application mobile.
Quelle que soit votre méthode de lecture, sur papier ou via une application, vous avez la possibilité de surligner les passages qui font plus particulièrement écho en vous lors de votre lecture. À l’issue de votre lecture, sélectionnez un passage de quelques versets que vous méditerez au long de la journée. Il peut s’agir d’une Parole de Dieu, d’un événement ou encore du comportement d’un homme ou d’une femme qui vous a touché. Voici une méthode simple que vous pouvez adopter pour méditer :
- Invoquez l’Esprit Saint pour qu’il vous éclaire et vous donne la sagesse.
- Relisez, si possible tout fort, le passage que vous avez sélectionné. N’hésitez pas à le répéter plusieurs fois lentement.
- Conversez avec vous-même. Qu’est-ce que l’Esprit Saint veut me dire personnellement ? Qu’est-ce que j’apprends sur Dieu et sur ses œuvres dans ce passage ?
- Réfléchissez à l’application concrète dans votre vie. Qu’est-ce que Dieu veut faire en moi par cette parole ?
- Tout au long de la journée, vous pouvez repenser au passage médité, tout en laissant cette parole agir en vous et vous transformer.
Les bienfaits de la méditation biblique
Pratiquée régulièrement, la méditation biblique apporte beaucoup de bienfaits. Elle nous permet d’expérimenter la présence de Dieu au sein de notre quotidien et de nous laisser "transformer par le renouvellement de notre intelligence", selon les termes de l’apôtre Paul (Rm 12, 2).
A une époque où Internet nous plonge dans le virtuel et devient pour beaucoup un lieu de vie, la méditation biblique a ceci de sain qu’elle nous enracine dans la concrétude de notre vie considérée à l’aune des Ecritures. Elle nous ancre dans la Parole de Dieu au-delà des aléas et épreuves de la vie. "Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point" (Mt 24, 35). Enfin, si l’on en croit le psalmiste, elle nous rend heureux ! Alors pourquoi s’en priver ?...
Aliénor Strentz est docteur en ethnologie-anthropologie, enseignante et fondatrice du blog « Chrétiens heureux » .