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L’Assomption,‌ ‌fête‌ ‌de‌ ‌l’anticipation‌ ‌de‌ notre‌ ‌résurrection

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Jean-Thomas de Beauregard, op - published on 14/08/21
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Selon certains auteurs médiévaux, au Ciel est apparu d’abord la tête du corps mystique, le Christ, puis le cou du corps mystique : la Vierge Marie, avec son âme et son corps. Le jour de l’Assomption, nous fêtons l’anticipation de notre résurrection.

La Vierge Marie fut-elle la première à entrer au Ciel ? Non, son fils Jésus l’y avait précédé. Et sans doute quelques autres, à commencer par le bon larron, à qui Jésus avait promis sur la Croix qu’il serait avec lui le jour-même en paradis. La Vierge Marie fut donc précédée au Ciel par le saint par excellence, son fils Jésus, mais aussi par un criminel qui de son propre aveu avait mérité sa condamnation, le bon larron. Le saint, la vierge et le truand : ce n’est pas le titre d’un film, c’est la description de la réalité du Ciel à cet instant de l’histoire. 

La Vierge est montée au Ciel après son fils Jésus, mais aussi après le bon larron, et sans doute aussi après un certain nombre de disciples morts saintement avant qu’elle n’entre dans la gloire. La Vierge Marie n’est même pas sur le podium dans la course qui mène les hommes vers le Ciel. Il est vrai qu’il convient à son humilité d’arriver après son fils, mais aussi après des pécheurs, et après des saints qui ne lui arrivaient pas à la cheville. Mais dans ces conditions, pourquoi fêter solennellement cette arrivée de la Vierge Marie au Ciel ?

Justement parce que les autres citoyens du Ciel, à cet instant, à part Jésus, ne lui arrivaient pas à la cheville. C’est la cheville qui est intéressante. Eh oui ! Parce que la Vierge Marie, à cet instant et jusqu’à ce jour, est la seule, au Ciel — avec Jésus —, à posséder une cheville à la hauteur de laquelle on puisse se hisser ou non. La Vierge Marie est la seule, au Ciel, avec Jésus, à posséder une cheville, parce qu’elle est la seule à être entrée au Ciel en son âme et en son corps. Pour tous les autres, il faut attendre le Jugement dernier. En attendant, les âmes des bienheureux sont déjà comblées parce qu’elles voient Dieu, mais il leur manque d’être réunies à leur corps.

Or le Bon Dieu ne veut pas sauver seulement des âmes, il veut sauver des hommes. Dieu veut sauver des personnes humaines, c’est-à-dire ce prodige d’une âme unie à un corps d’une manière tellement indéfectible que la mort ne peut les séparer que provisoirement. Être homme ou femme, c’est cela ! Déjà, les apparitions du Christ ressuscité nous en avaient convaincus, puisque Jésus était apparu en son âme et en son corps, mangeant et buvant avec ses disciples avant de monter au Ciel. La Vierge Marie imite son fils, et partage avec lui, du fait qu’elle n’a jamais péché, ce privilège d’être immédiatement dans la condition définitive des bienheureux, c’est-à-dire de participer de la vie même de Dieu pour l’éternité en son âme et en son corps.

Si ce n’était que cela, on comprendrait déjà que l’Église célèbre avec tant de solennité l’Assomption de la Vierge Marie. Il y a là quelque chose d’admirable et de tout à fait exceptionnel. Mais il nous serait difficile de nous joindre au chœur des anges pour chanter la gloire de la Vierge Marie si ce qui lui arrive à elle devait être un privilège exclusif et définitif. Notre admiration serait mêlée de jalousie. Notre mentalité démocratique s’accommode mal de cette Vierge Marie qui fait tout mieux que nous et avant nous.

Mais la Vierge Marie, justement, nous précède. Elle n’a pas refermé la porte du Ciel derrière elle, en ne laissant passer que des âmes séparées condamnées à errer pour l’éternité en étant amputées de leur corps, jouissant d’une béatitude parfaite mais pas réellement humaine. Si la Vierge Marie est entrée en son âme et en son corps, c’est pour anticiper ce qui sera notre sort à tous au jour du Jugement dernier. Si la Vierge Marie fait tout mieux que nous et avant nous, ce n’est pas pour nous écraser — elle n’écrase que la tête du serpent — mais pour nous ouvrir le chemin. Et son exemple est d’autant plus fort qu’elle n’est qu’une créature, là où le Christ est vrai Dieu avant que d’être vrai homme.

Pour mieux comprendre cela, ce n’est pas à la cheville qu’il faut s’intéresser cette fois-ci, mais au cou. Nous savons par saint Paul que l’ensemble des baptisés forment ensemble les membres du corps mystique du Christ : c’est l’Église. Dans ce corps, Jésus-Christ est la tête, c’est-à-dire ce dont tout part et à quoi tout revient. C’est ainsi que dans un corps humain, toutes les informations partent du cerveau et y reviennent. Dans le corps du Christ qu’est l’Église, toute grâce vient du Christ, et toute grâce reçue par un membre l’ordonne ultimement au Christ. Dans cet organisme vivant, qui grandit à la mesure de la sainteté de ses membres, quelle est la place de la Vierge Marie ?

Selon certains auteurs médiévaux, Marie est le cou du corps mystique. Le cou a ceci d’intéressant qu’il fait le lien entre la tête et le reste du corps. La Vierge Marie fait le lien entre le Christ et son Église. Tout ce qui est communiqué de la tête au corps passe par le cou. Tout ce qui revient du corps vers la tête passe par le cou. Et c’est ainsi qu’au sein du corps mystique du Christ qu’est l’Église, Marie peut être qualifiée de médiatrice de toute grâce.

Toutes nos prières et nos actes de foi, d’espérance et de charité sont recueillis par la Vierge Marie pour être présentés à son Fils.

Attention ! Jamais la Vierge Marie n’est source de grâce par elle-même, c’est le privilège exclusif du Père, par le Christ, dans l’Esprit. Mais Dieu a voulu donner une couleur maternelle à son action, il a voulu que le don de sa grâce revête les atours de la tendresse. Et dès lors, toute grâce communiquée par le Christ à son Église passe par la Vierge Marie — c’est l’aspect descendant. Et toutes nos prières et nos actes de foi, d’espérance et de charité sont recueillis par la Vierge Marie pour être présentés à son Fils — c’est l’aspect ascendant.

C’est ainsi qu’au Ciel est apparu d’abord la tête du corps mystique : le Christ en personne. Puis le cou du corps mystique : la Vierge Marie en personne. Pour que le Christ-total soit complet, pour que le corps mystique soit parfait, il faut désormais que les membres que nous sommes parviennent au Ciel. Et que nous y parvenions en personne, c’est-à-dire en retrouvant au dernier jour notre corps personnel à l’état glorieux. La Vierge Marie nous attend. Notre mère nous tend ses bras de tendresse. En la priant, en la célébrant, nous rendons grâce à Dieu qui veut sauver les âmes et les corps et les faire entrer dans sa gloire.

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