Le concept de « structure de péché » provient d’une réflexion sur la façon dont le mal se structure et en vient finalement à « se bétonner » à cause de l’accumulation d’actes personnels mauvais au niveau le plus élémentaire, avec un effet d’entraînement : plus nous commettons de péchés, plus nous renforçons les structures de péché qui nous conduisent au mal. Dans ce processus, les sentiers du mal deviennent en quelque sorte de véritables autoroutes, titre d’un livre écrit avec Denis Lensel en 2005 (Presses de la Renaissance) pour expliquer ce que le pape Jean Paul II entendait par cette idée de « structures de péché » car c’est lui qui a été véritablement le promoteur de ce concept. L’idée centrale, c’est que les péchés de tous les hommes — ceux d’hier et d’aujourd’hui — conditionnent nos propres actes et que nos actes à nous contribuent aussi — même si c’est souvent d’une manière infinitésimale — à conditionner ceux des autres.
Le centre névralgique des structures de péché, c’est l’interaction entre les hommes : ce que chacun fait influe sur le cadre dans lequel se trouvent les autres. Cette influence est certes souvent modeste mais elle est bien réelle et elle peut s’exercer de nombreuses manières. Le cadre concerné peut être un cadre de mentalités, cela peut être un cadre institutionnel, un cadre législatif, un cadre économique... Tous ces éléments font partie du cadre de notre existence et peuvent nous pousser à agir de manière mauvaise.
Plus nous commettons de péchés, plus nous renforçons les structures de péché.
Dans les structures de péché, il y a un effet d’entraînement : plus nous commettons de péchés, plus nous renforçons les structures de péché. Et plus les structures de péché sont fortes, plus il est facile de faire le mal, plus il est difficile de faire le bien. Nous avons donc un processus de sédimentation et un processus cumulatif qui expliquent beaucoup de choses. Ce qui est très intéressant dans les écrits de Jean Paul II concernant ces structures de péché, c’est qu’il voit parfaitement ce qui est l’un des énormes problèmes de l’analyse économique, c’est-à-dire le lien entre les niveaux micro et macro. Jean-Paul II, qui n’est pas spécialement un économiste, a vu beaucoup mieux que la plupart des économistes la façon dont s’effectuait cette liaison entre le comportement individuel et les structures globales qui influencent ce comportement individuel. C’est une pensée extrêmement forte sur le plan strictement analytique, sur le plan « scientifique » et c’est aussi très fort sur le plan chrétien.
Le concept de structure de péché articule dans une vision chrétienne équilibrée la responsabilité individuelle et la responsabilité collective. Cette réflexion s’est développée quand Jean Paul II est arrivé à Rome à la fin des années soixante-dix. Il a trouvé une Église extrêmement influencée par la théologie de la libération et, plus généralement, un mode de pensée dans lequel on estimait que tout ce qui allait mal, c’était collectif et social. Il n’y avait donc pas vraiment de responsabilité personnelle dans tout cela : c’était la société qu’il fallait changer. On avait d’ailleurs, au point de vue sacramentel, développé des absolutions collectives. Cela ne plaisait pas du tout à Jean Paul II qui estimait que la notion de responsabilité individuelle de chacun face à Dieu est centrale dans le christianisme. Il a donc voulu — tout en conservant ce qui est vrai dans cette idée qu’il y a des structures mauvaises qui nous emmènent dans un sens négatif et qu’il y a peut-être donc une atténuation de notre culpabilité de ce fait-là — bien marquer l’importance absolument névralgique de la responsabilité individuelle et donc, au sens chrétien, du péché comme acte personnel.
À l’origine de tout « péché social » il y a des péchés personnels qui sont d’abord la responsabilité de personnes concrètes. L’idée de « péché social », qui est en somme une sorte de holisme, était assez répandue à l’époque. C’est contre cela que le pape polonais a voulu lutter en affirmant fermement que tout péché est personnel. Il est personnel d’un certain point de vue, mais en même temps (il ne pouvait pas faire basculer les choses d’un seul côté, et cela n’aurait pas été la vérité), tout péché est social parce qu’il a des conséquences sociales, il a des conséquences macro-sociales, macro-économiques sur l’ensemble de la communauté, voire sur l’ensemble de l’humanité.
« L’Église sait et proclame que ces cas de “péché social” sont le fruit, l’accumulation et la concentration de nombreux péchés personnels » (Jean Paul II). C’est donc clairement bien le péché personnel qui est vraiment à l’origine de ce péché social. C’est l’accumulation de ces comportements personnels qui fait que la société est corsetée par un ensemble d’institutions, de consensus, de manières de pensée, etc. qui la mènent dans le mauvais sens. Dans la vision personnaliste de Jean Paul II, « à l’origine de toute situation de péché se trouvent toujours des hommes pécheurs ». Cette réflexion pontificale rejoint le personnalisme dans ce qu’il a de meilleur : c’est-à-dire un personnalisme intelligent qui fait parfaitement la liaison avec la psychologie sociale et aussi avec les aspects économiques, car les structures en question ne sont pas seulement des structures psychosociales : elles s’inscrivent dans des façons de produire, de commercialiser, de gouverner les hommes à l’intérieur de l’entreprise, etc.
Le premier texte qui commence à développer le concept de structure de péché est Redemptor hominis (1979). Dans cette première encyclique du pontificat, Jean Paul II n’utilise pas encore le mot de « structures de péché », mais il critique au nom du sens de la responsabilité personnelle une vision qui reporte toute la responsabilité sur la société. Il établit donc à la fois la distinction et le lien entre la responsabilité personnelle et les structures économiques et sociales en place. Dans l’exhortation apostolique Reconciliatio et Pænitentia (1984) le pape développe la même idée dans un contexte pastoral. Il s’agissait là d’une exhortation apostolique qui était suscitée par cette tendance dans les paroisses à globaliser les choses, à passer peu à peu de la confession personnelle à des cérémonies purement collectives... C’est dans ce texte qu’il écrit qu’« à l’origine de toute situation de péché se trouvent toujours des hommes pécheurs » afin de ramener toujours à la responsabilité personnelle.
Tout cela débouche sur le texte peut-être le plus connu et cité à propos des structures de péché, qui est Sollicitudo rei socialis en 1987. Le pape y développe une réflexion de fond portant à la fois sur la sociologie et sur l’économie. Il écrit notamment :
Jean Paul II n’a pas une idée de la liberté comme étant absolue, et il ne récuse pas du tout le conditionnement de nos comportements par un certain nombre de facteurs extérieurs économiques, sociaux, juridiques, etc. Il le comprend parfaitement. Mais il se pose la question : « D’où vient ce conditionnement ? » Il ne nie pas le conditionnement mais il invite à en chercher l’origine. Et il affirme que, finalement, c’est toujours le fruit de comportements individuels.
Quand on laisse se développer quelques habitudes et quelques actes mauvais, il y a la possibilité d’un phénomène de sédimentation de ces comportements qui débouche ensuite sur un effet d’entraînement...
Le processus de sédimentation des structures de péché s’apparente un peu à celui du corail. Dans les Autoroutes du mal, nous avons pris cette image pour rendre compte de ce phénomène de manière un peu sensible. On sait que les structures de corail sont immenses, même si elles sont en danger dans certains océans aujourd’hui, mais ce qui est remarquable, c’est que ce sont de tous petits animaux qui les produisent, qui sécrètent ce corail et qui, finalement, vont construire des structures très grandes et très résistantes... Les structures de péché se sédimentent un peu de cette manière-là, à l’image du corail : il y a une multiplicité de responsabilités, mais il s’agit toujours de responsabilités individuelles, car ce sont bien des petits organismes qui, chacun, sécrètent un petit peu de calcaire pour constituer finalement les récifs coraliens.
D’un point de vue scientifique, le pape a réussi à élaborer une réflexion très pertinente en respectant ce que l’on appelle « l’individualisme méthodologique ». En matière de sciences humaines, l’origine des choses est toujours à rechercher au niveau de ce que fait chaque personne. Raymond Boudron, grand nom de la sociologie en France, est connu comme un des promoteurs de cet individualisme méthodologique, qui s’est imposé même s’il est moins reconnu par d’autres, comme Pierre Bourdieu, pour lesquels les responsabilités individuelles ne sont pas aussi déterminantes. Le pape Jean Paul II a donc parfaitement vu comment on pouvait expliquer, à partir de l’individualisme méthodologique, tout ce que la sociologie — ou l’économie ou d’autres disciplines — attribuait avant de manière un peu superficielle à des phénomènes purement collectifs.
Jean Paul II a bien montré comment des phénomènes cumulatifs pouvaient déboucher sur des structures qui, ensuite, influencent à leur tour, en un phénomène de boule de neige. Quand on laisse se développer quelques habitudes et quelques actes mauvais, il y a la possibilité d’un phénomène de sédimentation de ces comportements qui débouche ensuite sur un effet d’entraînement, qui fait que le mal se multiplie, et que cela peut déboucher sur la mise en place de structures de péché. On constate ce phénomène dans de nombreux domaines très divers, avec de nombreux exemples.
Le développement du marché de la drogue est par exemple typique de la mise en place d’une forme de « structures de péché ». Il y a au départ des péchés personnels, qui débouchent sur la création d’une demande, puis la mise en place d’un marché, avec des personnes qui l’approvisionnent pour en tirer bénéfice. Plus le marché s’élargit, plus cela devient facile de se procurer de la drogue et d’en consommer. Puis on en vient à changer le cadre moral avec davantage de permissivité. On va dire : « Le cannabis, ce n’est pas bien grave. » Les structures psychosociales évoluent aussi : la drogue devient synonyme de fête, son rôle social s’accroît. Les structures juridiques, le cas échéant, vont alors se modifier : on va dire au niveau législatif qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat, on ne va pas mettre les gens en accusation pour ce genre de choses. Et plus les institutions vont évoluer dans ce sens-là, plus il sera facile, évidemment, de devenir consommateur de drogue, et pour certains de rentrer dans ce « business ». Il s’agit typiquement d’un effet boule de neige.
On peut prendre des exemples de structures de péché dans tous les domaines. C’est très clair au niveau de l’économie lorsque vous avez des structures de domination qui se créent. Regardez les échanges internationaux : on voit comment l’exploitation de la main d’œuvre à bon marché du tiers-monde peut conduire à des structures de péché qui déstabilisent des modèles anciens de production et de consommation comportant un bon niveau de solidarité. L’égocentrisme (chacun pour soi) se généralise et facilite la progression des formes d’exploitation. Mais il y a bien d’autres exemples, comme ce qui se passe au niveau familial lorsque l’éducation (politesse, serviabilité, exactitude, obéissance) se relâche : ce relâchement est cumulatif, parce que, plus les parents des copains sont permissifs, plus il devient difficile de ne pas l’être soi-même avec ses propres enfants. La question du « genre », c’est-à-dire la confusion du féminin et du masculin au niveau, notamment, de la parentalité, a de même débouché sur des dispositions législatives et réglementaires qui sont venues renforcer les dérèglements individuels de plus en plus nombreux. Au niveau de la procréation, la marchandisation de l’humain, qui avait commencé avec le trafic d’organes, a débouché sur un marché de la procréation pour autrui.
Sur le sujet de l’avortement on a bien vu comment une structure de péché s’est progressivement mise en place. On a, au point de départ, quelque chose qui est absolument interdit non seulement par l’Église, mais aussi par la législation, avec une dureté par rapport aux gens qui était extrême. Il fallait un peu de charité chrétienne, mais ce qui s’est le plus développé, c’est une affirmation du droit à faire ce que l’on veut de l’embryon. Là encore, un marché s’est mis en place, qui a grandi en même temps que le processus se diffusait. Quand la diffusion du processus a atteint un certain niveau, on a vu apparaître des changements législatifs et réglementaires avec des textes qui répriment toute affirmation selon laquelle il peut y avoir d’autres solutions que l’avortement. On voit bien le développement de la structure normative qui s’est appuyée sur une diffusion des pratiques à la fois au niveau des personnes, des femmes et des hommes qui sont concernés par cela, et au niveau médical.
Au niveau éducatif, on peut noter le même genre de phénomène. En France, notre école est malade du manque de discipline. En moyenne, un professeur ne peut pas enseigner pendant beaucoup plus que la moitié du temps qui est théoriquement consacré à ses heures de cours. Il est enseveli sous ce problème de discipline, avec des élèves qui font tout et n’importe quoi pendant ses cours. Comment en est-on arrivé là ? Au point de départ, les règlements confortaient l’action de « management » d’une classe qui était classique : un élève qui se met à chahuter est réprimandé, puis puni, et le cas échéant renvoyé. Ensuite, les comportements irrespectueux vis-à-vis des professeurs ont augmenté petit à petit, et au lieu de soutenir le point de vue du professeur, beaucoup de parents se sont mis du côté de l’enfant dissipé. Petit à petit, les professeurs ont été de moins en moins soutenus par leur hiérarchie. Le climat s’est dégradé de plus en plus dans les classes et on a réagi de façon démagogique : par exemple, la notation de certains examens, notamment le bac, est devenue une véritable rigolade... Une série d’évolutions, due au fait que des comportements d’abord minoritaires ont fait tache d’huile, a amené l’institution scolaire à travailler avec une inefficacité considérable. On a là un bon exemple de la façon dont la généralisation de certains comportements individuels fait boule de neige, modifie les pratiques. Ce ne sont pas forcément des pratiques législatives. Il n’y a pas de lois qui vous disent : « Vous devez mettre la moyenne à toute copie dès lors qu’elle comporte une page remplie, fut-ce d’âneries. » C’est dans les faits que cela se passe, plutôt que dans la loi. Mais cette norme sociologique est devenue extrêmement forte.
L’évolution des marchés financiers relève aussi de la mise en place de structure de péché. Jean Paul II, dans le style habituel des encycliques ou des textes pontificaux, n’a pas toujours désigné les choses de manière très concrète, mais il a pointé à plusieurs reprises le domaine financier. L’Église a toujours assez facilement « attaqué » à ce niveau-là. Le paradigme de l’interdiction de l’usure n’a pas encore complètement disparu des esprits, sous d’autres formes. Il a d’ailleurs une raison d’être : à partir du moment où l’on peut faire un peu tout et n’importe quoi sur les marchés financiers, on arrive à des manières de faire qui sont nocives pour la société et pour beaucoup de monde. Or c’est bien un domaine où l’on fait des choses répréhensibles, comme par exemple les emprunts toxiques qui, en France, ont été un moyen de financement pour bon nombre de collectivités territoriales, et certains hôpitaux. Et le processus est toujours le même : un établissement essaye de commercialiser un produit malsain, des responsables locaux heureux de faire croire qu’ils ont trouvé le moyen d’endetter à bon marché leur commune ou leur département, mordent à l’hameçon ; voyant que cela fonctionne, les institutions financières décident de développer ce marché, et voyant que certains de leurs collègues ont souscrit de tels emprunts, de plus en plus d’édiles le font. Certes, la fin assurée est la même que celle de la tour de Babel, une catastrophe qui met fin à cette pratique désastreuse, mais jusqu’à l’éclatement de la bulle, le processus de montée en puissance a été celui des structures de péché. C’est la version française des emprunts immobiliers américains à hauts risques (les subprimes) dont le développement fulgurant a provoqué la crise financière, puis économique, des années 2007 et suivantes.
Dans le domaine politique, la mise en place d’une dictature suit en général le même processus. On passe souvent d’un régime un peu décadent à un régime qui a un peu plus d’autorité, puis l’autorité se solidifie, puis les gens en profitent et c’est l’accumulation de ces péchés individuels qui font que l’on arrive à une dictature dure... C’est la manière dont le communisme s’est mis en place : au début, c’est une idée qui peut paraître généreuse, puis il y a Lénine, puis Staline, puis les goulags. Cette mise en place de structures rigides, inhumaines, ne s’est pas faite en un jour, mais par accumulation de petits renoncements ou de petits péchés... Il n’y a pas que le glissement progressif du plaisir, il y a aussi le glissement progressif du totalitarisme.
Le mal des banlieues est encore un très bon exemple de structure de péché. Celui-ci tient à une conjonction de modifications dans les façons d’agir et de penser, de concevoir la vie en société, qui est impressionnante. Au point de départ, il y a la démission des familles, notamment des pères par rapport à leurs enfants, qui se produit dans des milieux où le père est peu instruit. Cela peut être des milieux français, cela peut être encore plus facilement des milieux immigrés où l’enfant vit, lui, dans un monde que ses parents ne connaissent pas, qui est tout à fait mystérieux, ce qui donne à l’enfant la possibilité de bafouer l’autorité parentale. Se greffe dessus une structure législative et réglementaire adaptée à un monde occidental, mais qui est inadaptée à ce monde-là.
Si, comme c’était le cas dans la société patriarcale dont ils étaient issus, le moyen pour les pères de corriger leurs enfants consistait à administrer des fessées, en interdisant les punitions corporelles, des hommes politiques mal informés ont brisé tout cela, et ne l’ont remplacé par rien ! Nous nous sommes retrouvés dans la situation décrite par Platon : les enfants sont irrespectueux vis-à-vis de leurs parents et la société se décompose. Le glissement est progressif à partir d’une accumulation d’actes qui sont à la fois des actes de rébellion des enfants, assez normaux (tout enfant regarde jusqu’où il peut aller), des réactions de parents, et des obstacles mis à ces réactions. Le rôle des parents, notamment du père, est de mettre une barrière et de dire : « Non, là c’est fini. Tu ne peux pas dépasser ce stade-là. » En se multipliant, les occasions d’effectuer ce dépassement ont fini par faire de l’arrogance et du manque de respect non plus une exception mais une règle de vie qui s’enracine et qui devient le mode normal.
Pour finir sur une note plus optimiste, il faut se rappeler que nous avons tous le pouvoir d’influer de manière positive et de contribuer à créer le même type de phénomène au niveau du bien par nos comportements individuels vertueux, quelque modeste que soit leur portée. Car il y a aussi des structures de bien : le phénomène cumulatif qui permet de passer des actes individuels aux structures collectives n’est pas réservé au mal. Chacun de nous a une influence et tout acte vertueux contribue à élever le monde, à faciliter les comportements généreux et courageux. Les mérites des saints contribuent à cette amélioration, c’est une bonne raison pour les vénérer et les imiter.
Mais il faut parler aussi de structures de sainteté pour désigner le résultat des actes vertueux qui, par leur accumulation, produisent des habitudes, des institutions, favorables à ce que certains appellent « la vie bonne », une vie où l’amour du prochain est très répandu.
L’homme, comme d’ailleurs bon nombre d’animaux, sait repérer ce qui donne de bons résultats et le reproduire ; il peut même en faire une règle. C’est ainsi que se sont mises en place beaucoup de structures : la famille, l’entreprise, l’association, d’autres corps intermédiaires, l’État, certaines structures internationales. L’éducation, les lois et les traditions font partie de ces structures qui aident normalement à construire la civilisation et invitent à faire le bien. On parle de « structures de péché » pour des lois ou des traditions qui incitent à mal agir, mais il faut parler aussi de structures de sainteté pour désigner le résultat des actes vertueux qui, par leur accumulation, produisent des habitudes, des institutions, favorables à ce que certains appellent « la vie bonne », une vie où l’amour du prochain est très répandu.
Dans la résistance au mal, on voit ainsi se dessiner « les sentiers du bien ». À l’époque du communisme, en Russie, grâce à des témoignages de résistance pacifique dont Soljenitsyne a été l’exemple, mais qui ont porté du fruit car ils ont été le fait de millions de personnes restées anonymes, ce que l’on pourrait appeler « les sentiers du bien » ont permis de faire finalement un grand pas dans le sens de la spiritualité. De nos jours, dans un Liban en crise, des milliers d’instituteurs doublent leurs heures de cours pour que les enfants déplacés se préparent à l’avenir : ce n’est pas encore une autoroute, mais c’est à coup sûr déjà une route du bien, créatrice de structures intellectuelles et sociales qui permettront un jour la reconstruction du Moyen-Orient dévasté par la haine.