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Après les quatre années de tempête Trump, les Européens semblent retrouver leur souffle et leurs marques. Pour son premier voyage international, Joe Biden a joué la partition du classicisme : l’Europe, les valeurs de la démocratie, la coalition historique derrière l’Amérique et contre ses ennemis. Un discours qui semble rassurer les Européens qui se retrouvent en terre connue et en situation diplomatique établie.
Après le sommet du G7 en Cornouailles, où se sont réunis les pays qui comptent dans le monde occidental, Joe Biden s’est rendu à Bruxelles visiter les chefs de l’OTAN et les dirigeants de l’Union européenne. Puis son séjour européen s’est achevé à Genève, pour la rencontre attendue de tous avec Vladimir Poutine, dont Biden dit qu’il "n’a pas d’âme" et que c’est un "tueur". Ces amabilités n’ont pas empêché les deux hommes de converser longuement.
Certes, ce voyage est très classique pour un chef d’État né sous Roosevelt et dont la carrière politique a débuté sous Kennedy. C’est le retour de l’ancien monde démocrate, issu des grandes universités de la Ivy League. Mais le filigrane de la visite permet toutefois de déterminer les priorités. La première rencontre fut ainsi pour l’allié fidèle anglais qui, en dépit du Brexit, ne semble absolument pas isolé. Boris Johnson est ainsi le premier chef de gouvernement à rencontrer le nouveau président américain. Biden s’est ensuite rendu au château de Windsor pour une rencontre avec Élisabeth II, comme pour mieux montrer qu’en dépit du basculement stratégique vers le Pacifique, la source des États-Unis est bien en Angleterre. L’homme de la côte Est Biden se sent plus à l’aise en Europe que le Hawaïen Obama.
Seules trois rencontres en vis-à-vis ont été planifiées durant ce court séjour : avec Johnson, Erdogan et Poutine. Une illustration du sens des priorités de la diplomatie américaine, qui semble peu s’intéresser à Angela Merkel, dont le long pouvoir arrive à son terme, et à Emmanuel Macron, attaché à l’Amérique quoi qu’il arrive. Biden est venu resserrer les liens du "monde libre" et caresser ses "meilleurs alliés", comme il l’exprimait dans une tribune parue dans le Washington Post avant son départ.
Derrière Moscou se profile un adversaire beaucoup plus redoutable avec la Chine.
Avec le Royaume-Uni, la Turquie est l’autre allié essentiel de l’OTAN. D’une part du fait de sa situation géographique, qui fait d’Ankara un porte-avions vers l’Asie et le Moyen-Orient, d’autre part parce que la Turquie est le seul pays à s’opposer à Moscou et à lui mettre des bâtons dans les roues : en Libye, où les drones turcs ont permis d’évincer le maréchal Haftar soutenu par Moscou, dans le Caucase, où le soutien à l’Azerbaïdjan a été décisif, en Ukraine, où la rivalité entre les deux pays est forte. Si la Russie est un ennemi, autant soutenir et conforter le pays qui lui pose le plus de problèmes.
La rencontre avec Vladimir Poutine semblait renouer avec le scénario bien huilé du tempo diplomatique. Une ville neutre, Genève, une dramatisation avant la rencontre, le rappel des troupes alliées pour s’assurer de leur cohérence derrière l’allié américain. Sur les bords du lac Léman, les partenaires ont joué à la guerre froide et à la détente. Un moyen de rejouer le passé comme pour mieux se rassurer sur l’avenir. A-t-on parlé des sujets qui fâchent ? Rien n’a filtré. Mais la Russie est un adversaire d’autant plus commode qu’il est faible. Grande dépendance aux hydrocarbures, retard industriel dans une grande partie de ses territoires, faiblesse démographique et faiblesses humaines illustrées par une espérance de vie très basse pour un pays qui se veut développé. Les États-Unis ne coopéreront pas avec la Russie, car ils ont besoin d’un ennemi. Même si derrière Moscou se profile un adversaire beaucoup plus redoutable avec la Chine.
Biden aurait intérêt à méditer les leçons des géopolitologues américains : il faut éviter l’union du Heartland, c'est-à-dire de l’Allemagne, de la Russie et de la Chine. Or c’est ce qui est en train de se produire avec l’union de fait de Berlin et de Moscou autour du projet de gazoduc Northstream et l’union de Moscou avec Pékin, à cause du rejet de l’Europe. Désigner la Chine comme un adversaire est un début de changement, mais renouer le dialogue avec la Russie pour tenter de s’entendre pour contrecarrer Pékin serait une véritable rupture. C’est ce qu’avait commencé à opérer Trump en son temps. La diplomatie étant souvent faite de continuité, au-delà des variations politiques, il est fort probable que Biden suive cette voie durant son court mandat.