Regards complices, grands sourires, voix dynamiques et enthousiastes… Rien ne laisse deviner le tsunami qui a secoué le couple de Pierre et Catherine il y a une vingtaine d’années. Alternant les prises de parole, ils abordent l’un et l’autre, avec beaucoup de simplicité et d’humilité, le délicat sujet de l’infidélité, et racontent comment leur rencontre personnelle avec le Christ les a menés sur le chemin du pardon et de la réconciliation.
Tous deux issus de familles catholiques, leur enfance et adolescence sont un peu cabossées. Catherine perd son père brutalement alors qu’elle n’a que 15 ans. Un deuil qui provoque chez elle un sentiment de révolte et un rejet de tout ce qui est « catho ». Quant à Pierre, il grandit avec la fausse idée de n’avoir pas été vraiment désiré par ses parents, et est confronté à des échecs scolaires jusqu’à l’âge de 20 ans. « Jeune adulte, je voulais prouver que je valais quelque chose, je voulais réussir dans la vie, être reconnu, être désiré », confie-t-il à Aleteia.
Pierre et Catherine se rencontrent jeunes, et, tout feu tout flamme, décident de se marier. Ils suivent une préparation au mariage et se disent oui devant Dieu, à l’église, par tradition plutôt que par conviction. Une fois mariés, « cathos en apparence », - ils vont à la messe de temps en temps -, leur vie se concentre autour de leurs cinq enfants, le travail - dans lequel Pierre est surinvesti - et les soirées entre amis.
« Petit à petit, la vie est devenue ennuyeuse », se souvient Pierre. « J’avais presque 40 ans. J’avais envie de nouveauté. Je voulais gagner de l’argent, être reconnu comme le meilleur, rouler dans une voiture de luxe, être bien habillé, être désiré. Tout cela m’a éloigné de Catherine. Je passais de plus en plus de temps en dehors de la maison. On communiquait de moins en moins. Je ne m’intéressais plus à ce que faisait Catherine et je ne lui parlais pas de mon travail ». Pierre commence alors à construire une vie en parallèle. Il rencontre une autre femme et quitte la maison familiale pour vivre avec elle.
De son côté, Catherine se rappelle que leur situation s’est dégradée progressivement bien avant leur séparation. Elle ressentait le besoin de se confier, de se sentir soutenue notamment pour l’éducation des enfants mais ne trouvait pas auprès de son mari l’écoute dont elle avait besoin. « Je n’ai pas su lui exprimer mes souffrances et je suis allée chercher ailleurs l’assurance et l’écoute dont j’avais tellement besoin. J’ai développé une forme d’amitié amoureuse, avec un homme, puis un autre… des relations qui n’étaient pas du tout ajustées par rapport à notre mariage. Cela a abîmé notre relation et le fossé s’est creusé entre nous ».
Une fois séparés, l’un et l’autre découvrent les mensonges et les trahisons qui ont mis à mal leur couple. « J’ai vu tout ce que j’avais détruit par ma conduite, tout le mal que j’avais fait à Pierre et qu’il découvrait peu à peu. Il se sentait comme trahi et j’ai ressenti la même chose quand j’ai appris qu’il était avec une autre femme », confie Catherine. Elle a certes une sensation de gâchis, elle voit leurs enfants souffrir de leurs erreurs, mais la situation lui paraît inextricable. Tellement de pardons à donner, de fonctionnements à modifier… « Je sentais au fond de moi que je voulais reconstruire notre couple mais cela me paraissait juste impossible ». Pierre, lui, pense sérieusement au divorce.
Toujours séparés, Catherine et Pierre vont découvrir, de manière totalement inattendue, l’amour du Christ à leur égard. Chacun de leur côté, ils en font l’intime expérience presqu’au même moment. Une rencontre qui bouleverse leur vie.
Catherine sait, à l’époque, que beaucoup de personnes prient pour eux. Des proches, mais aussi des inconnus. « Cela me touchait énormément, alors j’ai moi-même commencé à prier, à supplier le Seigneur de faire quelque chose. Pour moi, seul un miracle pouvait changer les choses. J’interpellais Dieu, en lui disant que nous l’avions invité à être témoin de notre mariage et que c’était le moment d’agir car nous, nous ne pouvions plus rien faire ». Quelques mois plus tard, un jour où le désespoir était trop pesant, Catherine allume une bougie, se met à prier dans sa chambre et prononce simplement le nom de Jésus en pleurant. « Au bout d’un certain temps, je me suis rendu compte que je ne pleurais plus de désespoir mais de joie. Car le Seigneur était venu me rendre une espérance. Il me disait au fond de moi : « Je suis avec toi, ce que tu as à vivre, je le vis avec toi ».
Extérieurement, la situation avec Pierre ne change pas. Mais Catherine témoigne d’un véritable miracle intérieur : « Je me suis retrouvée dans la joie parce que j’avais la certitude que je n’étais pas seule, que Jésus m’aimait et que je pouvais lui faire confiance ». Elle décide de lui faire confiance et c’est à ce moment-là que le pardon a commencé doucement à lui sembler possible.
Du côté de Pierre, c’est le sms d’un de ses fils, alors âgé de 6 ans, qui le bouscule profondément. Une simple question géographique : « Papa, où es-tu ? », qui le fait réfléchir. « Face à ce message, je ne pouvais plus fuir ». Puis il rencontre une personne, un chrétien, échange avec lui pendant de longues semaines, lit les livres qu’il lui conseille, afin de réfléchir à sa relation avec Catherine.
« Pour une fois, j’écoutais un autre que moi-même. J’ai réalisé que cette vie ne me convenait pas. Je lui ai proposé de prier. Proposition complètement lunaire de ma part car je ne savais pas vraiment comment prier ! Mais lui était chrétien, nous nous sommes mis à prier et j’étais dans la paix. Cela ne m’était pas arrivé depuis longtemps. La nuit qui a suivi, j’ai vu le sourire de Jésus. Et le lendemain matin, j’ai retrouvé ce même sourire de Jésus dans un livre de la bibliothèque. Ce fut un vrai choc. J’ai compris à ce moment-là que Jésus était vivant et que le regard qu’il posait sur moi était un regard d’amour, un regard qui ne me jugeait pas, un regard plein de tendresse ».
Plus tard, Pierre entre dans une église et reçoit cette parole de l’Evangile : « Si ta main droite entraîne ta chute, coupe-la et jette-la loin de toi » (Mt 5-30). « J’ai compris que je devais quitter mon travail, à cause des relations toxiques que j’y entretenais. J’ai démissionné le lendemain. Puis Jésus m’a montré qu’au lieu d’aller dans les boîtes de nuit, je pouvais passer du temps avec Lui. Alors c’est ce que j’ai fait, la nuit, et Jésus m’a montré un chemin de réconciliation possible ».
Progressivement, ce qui leur paraissait absolument impossible, est devenu possible. Pierre et Catherine ont pu parler l’un à l’autre de leur rencontre avec le Seigneur. Ils ont décidé de vivre à nouveau ensemble. Pierre a annoncé son retour le soir de Noël, en 2002, autour de la crèche et de Jésus qui venait de naître. « On était tous les sept autour de la crèche. J’ai annoncé que je rentrais à la maison et que j’aimais Catherine. C’était notre première prière familiale ».
Les premières semaines ne sont pas évidentes. « Nos blessures étaient encore vives. Nous savions que nous n’étions pas encore prêts à parler de ce qui s’était passé. Nous avons appris la patience, la retenue. » Petit à petit, Jésus les accompagne sur un chemin de guérison. Ils enchaînent les retraites, les pèlerinages… « Tout cela nous paraissait inutile avant, mais là, nous avions soif et Jésus nous comblait. » Tous deux désirent le pardon, qui leur paraît désormais chose possible. C’est l’amour de Jésus qui leur permet de franchir ce cap. « L’amour de Jésus est venu nous remplir, nous apaiser, et peu à peu les obstacles au pardon se sont abaissés. Le pardon est venu comme un débordement de l’amour que Jésus nous donnait ».
« En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15, 5)
Jésus a sauvé leur couple, et Pierre et Catherine aiment à dire qu’ils en avaient été avertis ! Voici le passage, ô combien annonciateur, de l’Evangile de saint Jean choisi le jour de leur mariage : « Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15, 5). « Nous n’avons pas compris ces paroles du Christ sur le moment, mais aujourd’hui nous sommes dans l’émerveillement face à l’écho qu’elles ont dans notre vie et de ce qu’elles peuvent réaliser en vérité dans les couples », confie Catherine. « Dieu s’est manifesté car il était là à notre mariage ! Nous, nous n’avons pas été fidèles, mais lui a été fidèle, il ne nous a pas lâchés ! », reconnaît Pierre.
Les prénoms ont été changés.