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L'histoire de l'Église est l'histoire des martyrs, de ceux qui ont confessé la foi, parfois au prix de leurs vies. « Martyr » vient d'un mot grec qui signifie « témoin ». Le martyr est le témoin de Jésus-Christ devant les hommes. Comme nous aimerions avoir la force de ces champions de la foi pour devenir nous aussi des signes de Jésus au milieu d'un monde incrédule ou indifférent ! Mais où nous procurerons-nous la force et la détermination de ces témoins intrépides ? Tout simplement en allant les puiser à la source où eux-mêmes allèrent la chercher : en Jésus-Christ. C'est Jésus en personne qui servira d'interface entre nous et les martyrs dont nous désirons imiter et reproduire les existences admirables. Jésus sera le médiateur entre eux et nous. Par quel prodige ? Par l'Eucharistie !
L'Eucharistie est le sacrement du corps et du sang du Christ. À ce titre, elle rend Jésus véritablement présent dans son acte de sacrifice, de sang versé. Jésus est le roi des martyrs : « Je suis né et venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité » dit-il à Pilate (Jn 19, 37) le jour de sa Passion. Ainsi, communier au sang du Christ, c'est s'unir à Jésus dans son acte de témoignage de l'amour du Père pour les hommes à la face du monde. De plus, en nous unissant de façon sacramentelle à Jésus qui attesta de cet amour divin jusqu'au bout, jusqu'au pardon de ses bourreaux sur la croix, nous devenons vainqueurs avec lui de la haine et de la vengeance. Telle est la source à laquelle puisèrent les martyrs de l'histoire de l'Église pour braver l'adversité, triompher de la peur et de la lâcheté. Les vertus de Jésus sont devenues les leurs ! Dès lors, rien n'empêche que nous reproduisions à notre tour leurs actes héroïques, dans les circonstances historiques qui sont les nôtres aujourd'hui.
Dans l'Eucharistie sont présentes toutes les œuvres de Dieu, celles que raconte l'histoire sainte de la Bible, mais aussi celles des martyrs de l'Église.
Et ce miracle est possible parce que l'Eucharistie transcende tous les temps et tous les espaces, parce qu'elle est Jésus glorieux, Alpha et Oméga de l'histoire. En effet, dans l'Eucharistie sont présentes toutes les œuvres de Dieu, celles que raconte l'histoire sainte de la Bible, mais aussi celles des martyrs de l'Église. Le sang sacramentel de Jésus récapitule en effet toutes les vies données, depuis celle d'Abel jusqu'à celles des martyrs des chrétiens qui témoignent aujourd'hui de façon souvent obscure.
Car toute l'Écriture parle de Jésus. Donc, tous les martyrs de l'histoire sainte sont unis à l'acte pascal de Jésus. De plus, la Bible est aussi prophétie des temps postérieurs au Jésus terrestre et à ses apôtres. Dans cet ordre de réalité, Jésus est également présent à toutes les victimes de la violence des hommes — cette violence si bien décrite par la Bible, sans fioriture, euphémisme ni enjolivement mythologique comme c'est encore le cas dans les légendes grecques. Pour la Bible, un meurtre est un meurtre, un acte horrible qui n'a pas à recevoir la caution de Dieu. Or, en déclarant aux disciples d'Emmaüs que toute la Bible a prophétisé sa Pâque (Lc 24, 27), Jésus s'est identifié en quelque sorte à toutes les victimes de l'histoire d'Israël, et à travers elles, à toutes celles de la violence des hommes de tous les temps. À plus forte raison aux témoins qui ont offert leurs vies volontairement au service de leurs frères !
L'épître aux Hébreux dit à propos d'Abel qu'il nous parle encore (He 11, 4). Et un peu plus loin dans la lettre, l'auteur affirme que le sang versé par Jésus parle mieux que celui d'Abel (12,24). N'est-ce pas conjoindre de la sorte la vie d'Abel à celle du Christ ? Et ce qui est valable pour le frère de Caïn l'est également pour tous les martyrs de l'histoire. Eux aussi nous parlent à travers le sacrifice de Jésus — sacrifice pascal qui est leur modèle, leur force et leur vertu, même s'ils n'en eurent pas toujours conscience sur l'instant. En effet, dans les veines de Jésus ne coule pas seulement le sang de Marie, sa mère, mais aussi celui de tous les martyrs d'Israël. Et de même que la Vierge fut rachetée préventivement par les mérites anticipés de son Fils, de même les actes d'abnégations et de charité surnaturels que l'on trouve dans l'Ancien Testament découlent-ils eux aussi de la vertu anticipée de Jésus-Christ.
Or ces mérites et cette force, l'Eucharistie les contient de façon éminente pour la bonne raison que le sacrement du corps et du sang du Seigneur non seulement rend Jésus présent en personne au milieu de nous, mais surtout actualise son acte pascal de mort-résurrection. L'Eucharistie est présence personnelle de Jésus, mais également présence dynamique de son sacrifice et de sa résurrection. « L'Eucharistie nous attire dans l'acte d'offrande de Jésus. Nous ne recevons pas seulement le Logos incarné de manière statique, mais nous sommes entraîné dans la dynamique de son offrande » (Benoît XVI, Deus caritas est, 13). Ainsi, la Pâque de Jésus, parce qu'elle transcende tous les temps, renferme et résume tous les sacrifices charitables de l'histoire de l'humanité.
Voilà pourquoi si nous désirons témoigner comme le firent nos ancêtres dans la foi et nous joindre à leurs épopées glorieuses, nous devons commencer par un geste très simple : communier à la coupe de bénédiction du sang du Christ. Petit geste, grands effets !