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Profitant des libertés qui reviennent doucement, l’amitié m’a offert de vivre ces derniers jours au soleil de Provence. En parcourant les rues d’Arles la belle, je contemple les vestiges d’une histoire longue et riche, tombes antiques et façades élégantes... ruelles encore désertes qui espèrent les pas des touristes promis, terrassés de café encore rangées mais plus pour très longtemps ! Devant les arènes, une indication laisse interdit : jusqu’au XIXe siècle, lesdites arènes étaient emplies de maisons et de gens. On y habitait, on y travaillait, vivait et jouait. On y mourait aussi. Il y avait rien que dans ce lieu circonscrit par les murs qui l’entoure, pas moins que trois paroisses. Oui trois paroisses pour assurer le salut de ces âmes.
Le chiffre laisse rêveur. Et l’on se prend alors à songer à l’évolution que sur ce seul point, notre société affronte. Loin de mythifier un passé que dans dix ou vingt ans plus personne n’aura vraiment connu, il semble plus prometteur d’aborder l’à-venir avec le désir non pas de restaurer mais de poursuivre une œuvre dont nous ne sommes pas maître mais au sujet de laquelle nous savons que nous pouvons nous fier à la sagesse de Celui qui en est l’architecte.
Nous connaissons par cœur la belle réponse de l’ouvrier tailleur de pierre qui répond fièrement à celui qui l’interroge sur le sens de son travail, qu’il construit une cathédrale. Ne serait-il pas juste de nous appliquer à nous-mêmes cette manière de voir ? De là où nous sommes, si nous essayons de nous situer dans la justice et la vérité de ce que l’Évangile nous commande, quel que soit le volume du travail accompli, ne participe-t-il pas, ce labeur, à une œuvre plus large, infiniment plus grande mais cependant, de lui, absolument dépendante ? Longtemps, la mission fut validée par l’organisation : les diocèses, les paroisses, tissèrent des circonscriptions qui permettent de vivre de la vie chrétienne pour ceux qui en reçoivent la grâce. Elles dessinèrent une géographie elle-même finement brodée sur l’histoire de peuples dont nous sommes aujourd’hui les héritiers.
Qu’en est-il désormais ? Les anciennes cathédrales de diocèses dissous dans une histoire tumultueuse, les limites de paroisses jadis bien vivantes et aujourd’hui éteintes, nous disent déjà quelque chose, c’est que le cœur de l’Église ne peut battre vraiment qu’au rythme des besoins et des attentes des hommes, de leurs lieux de vie et de leurs modes d’être. Pas plus que la loi, l’organisation ne se comprend si elle ne se pense au service de ceux auxquels elle s’adresse. Elle perd sa raison d’être, et sa vitalité, dès qu’elle se considère comme la condition de leurs vies-mêmes. Probablement que le baptisé du XIIe siècle ne comprenait pas tout à fait l’Église comme nous cherchons nous-mêmes à la comprendre aujourd’hui. Probablement aussi que le baptisé du XXXIIe siècle constatera notre manière d’en concevoir l’organisation avec étonnement, et peut-être aussi une pointe de compassion.
L’essentiel n’est-il pas de chercher à comprendre, repérer et donc à tenter de répondre, aux besoins des hommes et des femmes de notre temps ? À ce qui, au plus profond d’eux-mêmes les rend capables de croire, d’aimer et d’espérer ? Et si les moyens d’hier rendent la tâche impossible, voire simplement trop lourde, alors n’est-il pas épuisant et mortifère de laisser leurs souvenirs nous enchaîner à des pratiques qui ne portent plus le fruit promis ? Et cette tâche-là ne peut pas reposer sur les seules épaules déjà trop lourdement harnachées de quelques-uns, elle est la réflexion commune à tous ceux qui portent en eux la présence de l’Esprit. Ils peuvent légitimement réfléchir et inventer la mission d’aujourd’hui dans le monde où ils vivent au quotidien, connaissent le champ à moissonner, ses rocailles et ses souches. Il faut écouter leurs voix, les entendre parler de l’Église, de sa mission, de sa beauté. Car ils en sont les membres et non pas les sujets, les pierres vivantes avant d’en être les contributeurs.
L’Église se doit d’être ce corps vivant, ce corps des vivants, qui ne cesse d’être transfiguré par l’Esprit qui sait reconnaître les lieux de conversion et les enjeux vitaux. Il est donné aux uns comme aux autres des charismes divers, et d’occuper ainsi des fonctions différentes. Ces charismes ne sauraient se réduire aux fonctions, pas plus que les fonctions ne suffisent à définir les charismes. Les mutations de notre société sont d’une puissance sans doute jamais rencontrée. Les questions que l’homme se pose sur lui-même n’ont sans doute jamais été portées par autant d’êtres avec des réponses aussi diverses. Les défis sont immenses : ils débordent nos cadres institutionnels, universitaires, spirituels même ! Il est aujourd’hui plus qu’hier urgent de susciter dans l’ensemble de la Communauté chrétienne le désir de réfléchir, de penser, de discuter et dialoguer afin que la mission soit celle d’un peuple qui s’offre à l’humanité dans laquelle il est disséminé. Afin que le levain gonfle, au souffle de l’Esprit, la pâte où il est disposé.