La triste actualité liée à la pandémie de Covid-19 a mis en exergue, et accentué, la solitude des personnes malades, alors même que c’est une période de leur vie où elles sont traversées par un véritable séisme intérieur. « Chacun ressent, durant ces longues heures de douleurs et de souffrances, l’envie de s’enraciner dans une relation d’amour, de crier sa plainte dans l’espoir d’être entendu, d’exprimer son incompréhension, de retrouver aussi une paix intérieure », souligne le père Jean-Marie Onfray, responsable du pôle Santé de la Conférence des évêques de France, dans la préface du Compagnon des malades, publié récemment chez Magnificat.
« Sur ce chemin d’Emmaüs de la traversée de l’épreuve, il est bon de découvrir que l’on n’est pas seul », ajoute-t-il. En effet, le corps du Christ n’oublie aucun de ses membres. Bienheureux Frédéric Ozanam, sainte Thérèse de Lisieux et saint Jean Paul II en ont fait l’intime expérience, à travers leur acte d’abandon au Seigneur, mais aussi à travers leurs cris de révolte et de détresse. Le compagnon des malades regroupe psaumes et textes bibliques pour soutenir la prière au temps de la maladie, ainsi que les témoignages de ces géants de la foi qui offrent de belles figures à qui se confier.
1Bienheureux Frédéric Ozanam et les psaumes
Alors qu’il est marié et père d’une petite fille, Frédéric Ozanam est rattrapé par la maladie en 1852. Il doit quitter son poste de professeur à la Sorbonne et se rend dans le sud de la France, en Italie et en Espagne pour tenter de se soigner. « Seigneur, me laisseriez-vous la douceur de vieillir auprès de ma femme et d’achever l’éducation de mon enfant ? », implore-t-il. Mais la maladie gagne du terrain et il meurt à Marseille à la fin de l’été 1853, à l’âge de 40 ans, des complications d’une tuberculose rénale.
Durant les derniers mois de sa vie, il recopie sur un manuscrit les textes bibliques qui nourrissent sa méditation et que sa femme Amélie fait publier en 1858 sous le nom de Livre des malades. Ses écrits montrent combien Frédéric Ozanam a fait de sa maladie un chemin de sanctification : « Je sais que mon mal est grave, qu’il me faudra beaucoup de temps pour guérir, et que je puis ne pas guérir ; mais je m’efforce de m’abandonner avec amour à la volonté de Dieu. »
Cette vie sainte est résumée par le professeur Didier Ozanam, descendant de Frédéric : « Dans la prière, dans la lecture de l’Ecriture Sainte, dans l’amour de sa femme, il trouve le réconfort et la force qui le conduit peu à peu à se dépouiller de ses attaches terrestres, à offrir ses souffrances et à s’abandonner entièrement à la volonté de Dieu ».
C’est effectivement dans la prière, celle des psaumes en particulier, que Frédéric Ozanam a trouvé une parole en communion avec celle de Dieu : « Je me laisse abattre facilement par la souffrance, et je ne me consolerai pas de ma faiblesse, si je ne trouvais dans les psaumes des cris de douleurs que David pousse vers Dieu, et auxquels Dieu répond à la fin en lui accordant le pardon et la paix ».
2Sainte Thérèse de Lisieux et la grâce de la foi
Celle que l’on surnomme affectueusement la petite Thérèse a supporté pendant plus d’un an de terribles souffrances dues à la tuberculose qui l’emporte finalement le 30 septembre 1897 à l’âge de 24 ans. Elle ne cache pas la douleur extrême qui l’étreint jour et nuit. Aux sœurs qui la veillent à son chevet, elle confie : « C’est à en perdre la raison », « Je suis sans pensée, je souffre de minute en minute », « Jamais je n’aurais cru qu’il était possible de tant souffrir ! jamais ! jamais ! », ou encore « Cette nuit, je n’en pouvais plus ; j’ai demandé à la Sainte Vierge de me prendre la tête dans ses mains pour que je puisse la supporter ».
Des douleurs intenses qui ne la détournent pas de Dieu, au contraire, elle puise en Lui la force de les supporter et remercie même d’avoir la foi : « Oui ! Quelle grâce d’avoir la foi ! Si je n’avais pas eu la foi pendant ma dernière maladie, je me serais donné la mort sans hésiter un seul instant… » et « Oh ! qu’il faut que le bon Dieu soit bon pour que je puisse supporter tout ce que je souffre ! Jamais je n’aurais cru pouvoir souffrir autant. Et pourtant je crois que je ne suis pas au bout de mes peines ; mais il ne m’abandonnera pas. » Sa confiance en Lui est totale, jusqu’au jour de sa mort : « Ô ma Mère, je vous assure que le calice est plein jusqu’au bord !… Mais le bon Dieu ne va pas m’abandonner, bien sûr… Il ne m’a jamais abandonnée. »
3Saint Jean-Paul II, modèle de patience et de courage
Le pape Jean-Paul II a longuement affronté l’épreuve de la maladie, subissant six interventions chirurgicales graves, depuis l’attentat qui failli lui coûter la vie en 1981, jusqu’à ses dernières graves crises d’étouffements. Ayant été atteint par une tumeur au début des années 90, il a en outre porté la croix de la maladie de Parkinson pendant plus de dix ans.
« Je sais combien il est difficile de parler de la maladie. Et pourtant, je sais qu’au fond de vous-mêmes, vous comprenez que, sur la route de la vie, c’est un passage inévitable, une étape pénible que nous avons à parcourir un jour. Vous vous demandez souvent d’où vient cette sorte d’ennemi ; mais vous ne pouvez pas le désigner, lui donner un nom. C’est un aspect du mystère du mal qui pèse sur l’humanité entière et qui touche chacun de nous de bien des manières », dit-il, non sans donner quelques conseils pour traverser ce « passage inévitable ».
Quels sont-ils ? D’abord, suivre le Christ : « Le Christ n’explique pas abstraitement les raisons de la souffrance, mais avant tout il dit : Suis-moi ! ». Ensuite, se nourrir de la Parole de Dieu : « Les paroles de Jésus nous aident dans l’épreuve : “Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant non pas comme moi, je veux, mais comme toi, tu veux” (Mt 26, 39). Le pauvre qui souffre trouve dans la foi la force du Christ qui lui dit à travers Paul : Ma grâce te suffit (2 Co 12, 9). »
Enfin, adorer la croix du Christ. À bout de forces, le Vendredi saint 25 mars 2005, le pape Jean-Paul II adresse ce message aux participants au chemin de croix au Colisée: « Je suis à mon tour proche de ceux qui, en ce moment, sont éprouvés par la souffrance. Je prie pour chacun d’eux. En ce jour, mémorial du Christ crucifié, je regarde et j’adore avec vous la Croix et je répète les paroles de la liturgie : “Ô Croix, unique espérance, donne-nous patience et courage et obtiens au monde la paix !” ».