Lorsqu’on entend les responsables du syndicat étudiant Unef avouer sans gêne aucune que certaines de leurs réunions sont interdites aux Blancs, on ne peut s’empêcher d’entendre résonner la voix de saint Paul proclamant : "Tous, dans le Christ Jésus, vous êtes fils de Dieu par la foi. En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus. Et si vous appartenez au Christ, vous êtes de la descendance d’Abraham : vous êtes héritiers selon la promesse" (Ga 3,22-29).
Que certaines associations ayant pour objet social la lutte contre le racisme adoptent la logique raciale pour sélectionner leurs participants, quelle aberration ! C’est évidemment contraire à la logique la plus élémentaire. C’est également contraire au sens moral le plus évident : ne pas faire à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fasse. Mais c’est surtout révélateur d’une des plus profondes blessures de l’intelligence humaine : celle qui l’empêche encore, bien après l’Humanisme, bien après les Lumières, bien après l’abolition de l’esclavage, de reconnaître en autrui son semblable. C’est pourquoi le Christ en fait un commandement absolu, le premier des commandements : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même." C’est du non-négociable, un impératif qui va contre la pente naturelle de notre humanité blessée : en effet, par définition, l’autre est… autre. Le proche n’est pas moi. Pourquoi le traiter comme mon semblable ?
La réponse la plus définitive, celle qui supplante toutes les arguties, la voici : parce qu’il est image et ressemblance de Dieu, et que ce Dieu qui est Père fait de nous tous ses fils en Jésus. C’est incroyable de voir à quel point l’esprit humain appelle de ses vœux la reconnaissance de l’égale humanité de tous, et y oppose par ailleurs autant de résistance. Nous sommes attirés par la lumière, mais avons bien du mal à nous frayer un chemin.
Quel est le chemin ? c’est tout simplement celui des apôtres, dont la résurrection du Christ, après des heures si tragiques, bouleverse irrévocablement l’existence. Ils auraient pu rester au Cénacle, entre eux, à s’organiser en groupes de parole ou à planifier des sessions de réflexion sur la violence policière romaine, réservées aux victimes issues de la banlieue de Jérusalem, et on sait d’ailleurs que sans l’intervention de l’Esprit saint… ils en seraient encore à ce point. De plus, l’Esprit saint, en les jetant hors de leurs murs, n’a pas fait d’eux des militants mais des apôtres.
C’est le plongeon dans la mort et la résurrection du Christ qui nous unit à lui et nous rend tous fils d’un même Père.
Non pas les militants d’une cause, mais les infatigables témoins de la mort et de la résurrection du Christ. Ils sont allés annoncer cette promesse : le royaume de Dieu est pour tous et ouvert à tous, osez le grand plongeon. C’est le plongeon dans la mort et la résurrection du Christ qui nous unit à lui et nous rend tous fils d’un même Père, tous promis au même héritage. À tous et pour tous ? Cela veut dire universel, ce qui est le sens littéral du mot "catholique".