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Discriminatoire, injustifiée, méprisante… Les mots ne manquent pas aux catholiques de Belgique pour dénoncer la situation qu’ils vivent depuis le mois de décembre 2020. Après un deuxième confinement au mois de novembre dernier qui a contraint les églises belges à fermer leurs portes aux fidèles, une décision du Conseil d’État belge prise début décembre 2020 a obligé le gouvernement à autoriser à nouveau les messes publiques… dans la limite de 15 participants maximum, peu importe la taille de l’église. "Pendant ce temps, les commerces de Bruxelles étaient surpeuplés et certains d’entre eux étaient autorisés à accueillir un nombre de clients sans aucune proportion avec les restrictions imposées aux églises", s’insurge auprès d’Aleteia Thérèse Van Houtte, porte-parole du collectif « Pour la messe libre » qui organise depuis le mois de décembre des rassemblements autour des cathédrales afin de demander le retour de la messe. « Par exemple, 2.200 clients étaient autorisés à Inno Galeria (une chaîne de grands magasins belge, ndlr), et 550 à Primark, mais seulement 15 à la basilique de Koekelberg qui fait 10.000 m² ! ».
Une situation ubuesque que les évêques, qui sont rémunérés par l'État comme les prêtres, ont tant bien que mal dénoncée en janvier en adressant une lettre au gouvernement lui demandant d’adapter la jauge à la taille de l’édifice. Mais alors qu’une rencontre était planifiée entre les représentants des cultes reconnus et le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (en charge des cultes ndlr), ce dernier a publié à peine quelques heures avant le rendez-vous une note rendant plus strictes encore les conditions d’accès aux lieux de cultes, la limite de 15 personnes dans un édifice religieux étant désormais valable autant pour les cérémonies publiques que pour le recueillement personnel ou une simple visite, et ce, quelle que soit la taille de l’infrastructure, ou le nombre de pièces qu’elle comprend. "Avoir publié ces décisions avant même la rencontre avec les ministres des cultes a été ressenti par les croyants comme un mépris total des demandes qui étaient adressées depuis des mois au gouvernement, et comme une volonté déterminée de faire fi de l’opinion d’un nombre important de citoyens belges", regrette Thérèse Van Houtte. Entretien.
Aleteia : Comment les catholiques belges traversent-ils cette épreuve ?
Thérèse Van Houtte : Les difficultés rencontrées sont diverses selon la situation de chacun. Les parents disent en général qu’il leur est très difficile de maintenir l’habitude de sanctifier le dimanche, lorsque « ce n’est pas leur tour » d’aller à la messe, parce que malgré les efforts que font nos prêtres pour multiplier les messes, l’accès limité à 15 personnes ne permet pas à tous de s’inscrire chaque dimanche. Les personnes âgées ou seules, sont privées de la vie de paroisse qui, pour certaines, était leur bol d’oxygène hebdomadaire. Il en est de même pour les mères de familles au foyer. En effet, même les dimanches où l’assistance physique est possible, les messes s’enchaînent et il n’est pas possible de prolonger un peu son action de grâce ou de rencontrer du monde sur le parvis. Certains soignants quant à eux témoignent de leur difficulté à garder le cap dans leur métier. Se donner au jour le jour, dans un sourire, garder la disponibilité et la patience requises auprès des malades, sans pouvoir se ressourcer à la fontaine d’eau vive de l’Eucharistie est mission quasiment impossible.
Et les prêtres ?
Ils souffrent eux aussi douloureusement de cette situation. Malgré l’ingéniosité dont ils font preuve pour maintenir un maximum de lien avec leurs fidèles et poursuivre coûte que coûte leur apostolat (conférences spirituelles sur Youtube, lettres d’encouragement à leur fidèles, cérémonies rediffusées…), en leur enlevant leurs paroissiens, on leur enlève une grande partie de leur raison d’être !
Votre collectif « Pour la messe libre » est né en décembre dernier. Concrètement comment faites-vous entendre votre voix ?
La première initiative a été celle des rosaires autour des cathédrales du pays. La symbolique des cathédrales voulait signifier que nous nous tournions vers Dieu, bien sûr dans la prière, et par l’intermédiaire de Marie, mais aussi vers nos évêques qui le représentent. Le silence pesant de nos pasteurs nous a causé une grande souffrance. Il nous a semblé qu’ils ne mesuraient pas l’importance de la messe dans nos vies. C’est parce qu’il nous a été interdit de nous rassembler pour prier, les "manifestations revendicatives" seules permettant de rassembler plus de 4 personnes, que nous avons changé notre fusil d’épaule et organisé des manifestations. La foi n’étant rien sans les œuvres, nous n’avons pas voulu en rester là. Une action publique nous semblait capitale pour faire entendre la voix des catholiques belges auprès du gouvernement qui s’obstine à faire la sourde oreille !
La prière restant la plus puissante des armes, chaque initiative temporelle a été accompagnée d’une initiative spirituelle.
Nous avons aussi pris contact avec nos évêques et avons rencontré ceux qui le voulaient bien, afin d’échanger avec eux sur la situation dramatique de l’église en Belgique, et sur les moyens que nous pouvons déployer pour tâcher d’y remédier. Afin d’encourager les catholiques à se tourner vers nos évêques, nous avons préparé des modèles de lettres reprenant les arguments pour lesquels nous jugeons ces restrictions comme injuste, et pour redire combien nous avons besoin de la messe ! La prière restant la plus puissante des armes, chaque initiative temporelle a été accompagnée d’une initiative spirituelle : neuvaine nationale à Notre-Dame pour les fêtes de l’Immaculée Conception et de la Chandeleur, à Saint Joseph pour sa fête…
Qu’espérez-vous dans les prochaines semaines ?
Ce que nous attendons exactement, c’est que tout le monde soit logé à la même enseigne. Nous sommes conscients de la gravité de la situation, et de l’importance que chacun fasse preuve d’une grande prudence pour limiter l’expansion de l’épidémie. Mais pour l’instant, il y a deux poids et deux mesures dans la définition de l’Essentiel. Les piscines sont ouvertes, sous certaines conditions, certes, mais qui pourraient démontrer que le risque de contamination est moindre à la piscine que dans une église ? Les transports en commun sont bondés, les grands magasins peuvent proportionner leur clientèle à leur surface, les marchés grouillent de monde… et les cérémonies religieuses ne peuvent rassembler que 15 personnes habituellement et 50 pour les enterrements. Eventuellement 50 en extérieur d’ici peu ! C’est absurde et discriminatoire. Le culte ne se limite pas à enterrer nos morts : l’eucharistie est la source de Vie.
Nous attendons donc de notre gouvernement qu’il applique des règles proportionnelles à la superficie de nos édifices. C’est ce que nous demandons depuis des mois, sans obtenir d’autre réponse que des adaptations ridicules et toujours bien en dessous de ce qui est accordé aux autres infrastructures. Les paroisses ont, comme tout le monde mis en place toutes les mesures nécessaires pour éviter la contamination, et il n’a jamais été prouvé, qu’un édifice religieux était un foyer de contamination plus important qu’un métro ou pourtant les gens sont agglutinés, touchent les portes, se bousculent… Le gouvernement doit cesser d’ignorer les croyants belges, qu’il cesse de renier l’article 19 de sa constitution qui garantit la liberté des cultes et leur exercice public. Ce que nous attendons très concrètement, c’est de pouvoir célébrer la semaine sainte et Pâques dans nos églises, avec des mesures raisonnables et acceptables, et de pouvoir retrouver la vie liturgique dont nous sommes privés depuis bientôt un an.