Joseph est un homme de son temps qui a vécu dans une époque difficile, mais qui a su s'ajuster à ce que Dieu voulait pour lui. Il a écouté l'ange dans un songe, prenant chez lui Marie et l'enfant : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint » (Mt 1, 20). Joseph est « un homme juste » (Mt 1, 19) et responsable qui sait prendre des décisions, qui se donne entièrement à la mère et l'enfant, qui vit sa paternité et sa masculinité en s'abandonnant librement à Dieu. Même s'il n'est pas appelé directement « père de Jésus » par Matthieu et Luc, il demeure son père adoptif. « La grandeur de saint Joseph consiste dans le fait qu’il a été l’époux de Marie et le père adoptif de Jésus », écrit le pape François dans sa lettre apostolique Patris Corde.
L'homme Joseph
La paternité naturelle comporte la transmission de la vie, la paternité d’adoption reconnaît légalement un enfant comme sien même s’il a été engendré par un autre. Il est difficile de qualifier la paternité de Joseph. N’est-il pas père par droit de mariage. On a parlé de père adoptif, légal, putatif, nourricier, virginal. La réalité dépasse ces qualificatifs, car la paternité de Joseph est unique dans l’histoire, la mission de son fils l’étant aussi, même si le Verbe venant en ce monde a voulu vivre et grandir comme tout enfant ordinaire. Dieu choisit Joseph comme époux de Marie pour assurer une présence paternelle auprès de Jésus. Il a été appelé pour donner un nom à l’enfant et, comme tout bon père, pour veiller à ce qu’il grandisse normalement jusqu’à l’âge d’homme. Il risque sa vie pour son garçon en fuyant en Égypte peu de temps après sa naissance. Lui qui a connu l’exil, il inspire de nombreux immigrants et réfugiés à se confier à lui.
Le Père savait que son fils, le Verbe fait chair, aurait besoin d’un protecteur au milieu des épreuves et dangers qu’il traverserait.
Le Père savait que son fils, le Verbe fait chair, aurait besoin d’un protecteur au milieu des épreuves et dangers qu’il traverserait. Ce sont les devoirs du père de nourrir l’enfant, de le vêtir, de lui apprendre un métier, de fournir le bon exemple. Jésus le reconnaît d’ailleurs comme père, car il existe une profonde relation entre eux, au-delà de tout aspect biologique. Luc note : « L’enfant grandissait, se fortifiait et se remplissait de sagesse. Et la grâce de Dieu était sur lui » (Lc 2, 39-40).
Le Père aime le Fils
Jésus n’a probablement pas marché ou parlé plus rapidement que les autres enfants. Peut-être a-t-il hérité de l’accent de Joseph. On peut toutefois affirmer sans se tromper que ses paroles ont été préparées par son père légal qui incarnait la paternité du Père. Mais à mesure que sa conscience grandit avec l’âge, il expérimente la relation unique qu’il a avec son Père du ciel. En Joseph, il a un bon modèle sur la terre. Il lui a donné cette base solide de confiance qu’il va transposer à son Père du ciel. Jésus dira plus tard : « Le Fils ne peut rien faire par lui-même, il fait seulement ce qu’il voit faire par le Père ; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement. Car le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu’il fait. Il lui montrera des œuvres encore plus grandes, si bien que vous serez dans l’étonnement » (Jn 5, 19-20).
Joseph coopère ainsi au grand mystère de la Rédemption. Sa vie est donnée à Dieu dans une existence familiale toute simple avec Marie, qui veille à la sanctification de son foyer : transmission des valeurs bibliques, préparation des fêtes et des plats traditionnels, purification de la maison et des aliments, création d’une atmosphère d’amour qui marquera à jamais son fils Yeshoua, accueil des neveux qu’on appellera plus tard les frères de Jésus, selon la coutume sémite. Savait-elle, avec Joseph, que le Talmud prescrivait de faire de sa maison un petit temple et de la table familiale un autel ? L’Église reprendra cette idée en désignant la famille chrétienne comme une petite église domestique.
On vivait simplement à Nazareth, qui pouvait compter une quarantaine de maisons. Imaginons Marie parler autour du puits avec les femmes de son bourg, prier les psaumes avec Jésus et Joseph. L’enfant devait la regarder avec attention lors de l’entrée en shabbat, où il revenait à la mère d’allumer le candélabre. La prière de Marie et de Joseph se nourrissait à même leur vie quotidienne. Dieu a sûrement donné à Joseph les qualités nécessaires pour qu’il soit un bon papa à l’égard de Jésus. Cet amour a sa source dans le Père, « de qui toute paternité, au ciel et sur la terre, tire son nom » (Ep 3, 15). Cet amour se vit au quotidien et se réalise dans les petits gestes de la vie familiale, où Jésus s’identifie instinctivement à ses parents, mime leurs gestes, reproduit les mêmes attitudes.
La chasteté de Joseph
La psychologie moderne a montré l'importance du rôle du père dans le développement de la personnalité de l'enfant. On peut mieux comprendre la grandeur de la mission de celui qui remplit ce rôle auprès du Verbe fait chair. Il exerce pleinement sa paternité envers Jésus sans être le père biologique, mais en étant celui qui est au service de la vie, de la croissance et de la liberté. Le pape François écrit dans Patris Corde :
Abba
Joseph est l’homme responsable qui prend soin de Marie et de Jésus. Il est plein de tendresse pour les siens. Il veille sur eux, les assiste dans tous leurs besoins, s’affaire aux tâches quotidiennes, conduit Jésus à la synagogue. Il jubile dans son cœur lorsque Jésus l’appelle abba, papa chéri. Il sait au fond de son silence que Jésus doit être au service d’un autre Abba. Ce mot abba, si courant dans la langue de Jésus, l’araméen, va caractériser la prière de Jésus et sa relation d’amour inconditionnel à Dieu. Cela fera scandale : « Les Juifs cherchaient à le faire mourir, car non seulement il violait le repos du sabbat, mais encore il disait que Dieu était son propre Père et il se faisait ainsi l’égal de Dieu » (Jn 5, 18). Mais c’est d’abord à Joseph que Jésus a dit abba. Abba exprime cette grande intimité d’un père qui serre son enfant dans ses bras en l’embrassant. Ce mot va colorer la prière de Jésus et la nôtre, Notre Père. Abba désigne ce Dieu « au cœur de père plus tendre qu’une mère », disait sainte Thérèse de Lisieux. En vivant sa paternité d'une manière tendre et responsable, Joseph invite les hommes à réfléchir sur leur propre masculinité et paternité.
Pour aller plus loin : la paternité de saint Joseph.