Le 19 février 1984, saint Jean Paul II a béatifié 99 catholiques angevins, morts pour leur foi pendant la Révolution française. Avec le bienheureux Noël Pinot, béatifié lui en 1926, ils témoignent, par leur sacrifice, de leur fidélité à l’Église romaine et de l’importance de son unité.Les 99 martyrs d’Angers ne sont bien sûr pas les seuls à avoir été tués pour la foi pendant la période si troublée de la Révolution. Mais ils ont été choisis pour l’exemplarité de leur parcours, sur l’analyse des documents d’archives. On a pu en effet étudier leurs interrogatoires ainsi que le motif des condamnations à mort. Car pour décréter le martyr, il faut connaître la cause de la condamnation, et être certain que la haine de la foi a motivé la mise à mort. C’est bien le cas des martyrs d’Angers.
Ces martyrs ne constituent pas un groupe homogène : ils ont été fusillés ou guillotinés entre l’automne 1793 et le printemps 1794, à l’époque de la Terreur. La plupart d’entre eux sont des laïcs, seuls douze prêtres et trois religieuses font partie du groupe. Ces martyrs sont issus de toutes les catégories sociales de l’Ancien Régime : rentiers, artisans, marchands, nobles, religieux, cultivateurs, vignerons, fileuses, institutrice, domestiques. Sur ces 99 martyrs, 83 sont des femmes.
Condamnés à mort pour avoir aidé un prêtre réfractaire
Quel est le chef d’accusation ? Les prêtres et les religieuses sont tous réfractaires, c’est-à-dire qu’ils ont refusé de prononcer le serment de fidélité à la Constitution civile du clergé. Cette Constitution, élaborée par l’Assemblée nationale en 1790, entérine une nouvelle organisation de l’Église en France, en voulant créer une Église spécifiquement française, coupée du pape, une Église schismatique. Elle prévoit entre autres que les curés soient élus par un collège de laïcs, catholiques ou non. À partir de 1793, les prêtres non-jureurs sont proscrits et condamnés à la peine capitale s’ils sont pris. Les laïcs, quant à eux, sont condamnés à mort s’ils ont aidé ces prêtres et préféré assister à leur messe plutôt qu’à celles célébrées par des prêtres jureurs.
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Certes, même si les prêtres avaient juré, même si les fidèles avaient accepté les sacrements distribués par les prêtres jureurs schismatiques, ils auraient gardé leur foi en Jésus-Christ, sauveur du monde. Mais ils auraient quitté l’Église, la barque de Pierre. La foi catholique, c’est aussi la fidélité à l’Église, à une Église libre de toute entrave civile et politique. Les martyrs d’Angers voulaient simplement rester fidèles à l’Église de toujours. Ils ne pouvaient pas concevoir la désunion de la foi en Dieu et de l’attachement à l’Eglise.
De l’assujettissement au politique à l’accusation de trahison
Comme l’explique l’un des martyrs, ils voulaient simplement « que la religion soit libre ». Jean Paul II le constate lors de la béatification, le processus mis en place par l’État pour persécuter la religion est toujours le même. On commence par vouloir l’assujettir au politique et on accuse ensuite ceux qui protestent de trahison.
Le 1er février 1794, il y eut 400 personnes exécutées.
Quelques-uns de ces martyrs sont guillotinés, comme Guillaume Repin, prêtre âgé de 84 ans. La plupart d’entre eux sont fusillés avec plusieurs centaines d’autres condamnés. C’est le cas de onze femmes qui sont arrêtées dans le petit village de Montjean (Maine-et-Loire) lors d’une rafle de suspects sur dénonciation. Le jour de l’exécution, les prisonniers quittent Angers à pied, liés deux à deux, jusqu’au lieu du supplice. Sur place, la fosse commune est déjà creusée. Quand la chaîne de prisonniers arrive, raconte Jean de Viguerie, « on les place dans le fond du champ, puis on détache vingt personnes et on les fait approcher de la fosse. » Les gendarmes fusillent les victimes par derrière et elles tombent directement dans la fosse. Cette opération continue pendant plusieurs heures, en fonction du nombre de prisonniers. Le 1er février 1794, il y eut 400 personnes exécutées.
L’histoire de ces martyrs révèle l’histoire de tout un peuple, dans la diversité des vocations et des états de vie, qui témoigne, avec simplicité, sobriété, constance et courage, que rien ne peut le séparer de l’amour de Dieu.
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