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La cohérence de l’amour

Prière
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Pierre Vivarès - published on 08/01/21
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L’amour évangélique commande d’aimer Dieu comme ses frères et ses frères comme Dieu lui-même. C’est un amour cohérent, universel et sans mesure.De tous les vœux que l’on peut s’échanger en ce début d’année, entre la santé et la bonne fortune, la réussite de nos entreprises et la paix du cœur, l’amour est certainement la plus belle chose qui soit. On veut de l’amour, donné et reçu, et finalement une vie réussie est peut-être une vie simplement remplie d’amour. Le grand commandement de l’Évangile est le commandement de l’amour. On peut se remémorer cet échange entre Jésus et un pharisien : “Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ?” Jésus lui répondit : “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes” (Mt 22, 36-40). 

Il y a une évidence acquise chez nos contemporains sur le fait que l’on ne saurait aimer Dieu si l’on n’aime pas aussi son prochain. Prétendre servir Dieu alors que l’on se désintéresse de l’autre serait le sommet de l’hypocrisie ou de l’intégrisme tartuffe. Notre pensée est façonnée par la parole de saint Jean : “Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas” (1Jn 4, 20). Le sommet de cette incohérence est atteint quand certains prétendent servir Dieu et lui rendre gloire en tuant leur prochain. Jésus nous a pourtant prévenu sur ce point : “Bien plus, l’heure vient où tous ceux qui vous tueront s’imagineront qu’ils rendent un culte à Dieu” (Jn 16, 2). Rien de nouveau hélas dans cet archaïsme païen qui traîne dans le cœur des hommes et qu’il faudra essayer de déraciner jusqu’à la fin de temps. Oui, l’amour de Dieu nous pousse en premier vers l’amour du prochain et la foi chrétienne est une foi qui s’incarne dans le service, l’accueil et l’amour de l’autre, à travers des actes concrets et quotidiens. Ce sera toujours le premier reproche adressé aux chrétiens de prétendre servir le Christ en méprisant les hommes et les enfants des hommes ou en collaborant à des structures de péchés qui aliènent la dignité de la personne humaine. 

Une question de mesure

Cependant l’inverse paraît moins logique à nos contemporains, à savoir qu’on ne saurait vraiment aimer son prochain si l’on n’aime pas Dieu. Beaucoup témoignent en faveur de certaines personnes en disant : « Il n’est pas croyant mais il a le cœur sur la main », « il a toujours été au service des autres », « c’est une personne très généreuse »… En effet, nous croisons chaque jour, et c’est heureux, des incroyants ou des athées, agnostiques ou indifférents, qui manifestent dans leur vie un réel et fidèle service et souci des autres sans être dans une démarche de foi et de prière. Alors, d’une certaine manière, à quoi bon être dans l’amour de Dieu si nous avons compris l’amour du prochain ? À quoi bon rendre un culte à Dieu que l’on ne voit pas si l’on sert les autres que l’on voit ? 

Je pense qu’il y a tout d’abord une question de mesure. Qui va être juge de l’amour que je porte à mon prochain ? Qui va me donner la définition de cet amour ? Jésus nous dit : “Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime” (Jn 15, 12-13). La mesure de l’amour auquel Dieu nous invite n’est pas taillée par notre seule conscience ou notre bonne éducation. Le Christ nous invite à plus et si l’on retient souvent le “aimez-vous les uns les autres”, on oublie très souvent le “comme je vous ai aimés”, c’est-à-dire le mystère de la croix. Il y a une définition chrétienne de l’Amour qui transcende la gentillesse, la disponibilité, la prévenance ou la politesse, vertus humaines nécessaires et capitales mais dont la somme ne saurait faire un acte de charité chrétien. L’on reçoit de Dieu la mesure de l’amour dans la contemplation du Christ et aimer Dieu nous fait comprendre quel est cet amour. 


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Aimer sans choisir

Ensuite il y a la question du sujet de l’amour. “J’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !” (Mt 25, 35-36.) Si nous sommes à l’origine de l’amour que nous portons aux autres, il y a fort à parier que nous allons choisir : préférer tel groupe à tel autre. Nous serons peut-être dans l’amour pour les malades mais laisserons les étrangers de côté, nous visiterons les prisonniers mais mépriserons les SDF. Quel est celui qui pourra nous inviter à dépasser nos préjugés, nos peurs ou nos ignorances pour nous permettre d’aimer l’autre, sans choisir. Il ne peut y avoir de fraternité sans paternité et si nous ne reconnaissons pas en Dieu le Père de tous les hommes, nous ne reconnaîtrons pas notre frère dans chaque homme. 

Une société sans Dieu se morcelle en de multiples communautés qui se choisissent elles-mêmes les sujets de leur amour ou de leur indifférence sans voir en chaque homme, en chaque femme un frère ou une sœur à aimer, voire en excluant certains comme n’étant pas dignes d’être aimés. Dans l’eucharistie hebdomadaire, nous venons chercher la force et la nourriture nécessaire pour vivre cet amour, l’amour du Christ pour tous les hommes.



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