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À l’aube de Noël et au soir de la Pentecôte, Dieu décida que tout chrétien trouverait en naissant deux aides inséparables : Marie et l’Église. Il ne fallait pas moins de deux Immaculées pour nous mener vers le Ciel, ce que la petite Bernadette avait tout de suite compris.
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Le 25 mars 1858, la Vierge Marie apparaît pour la seizième fois à Bernadette Soubirous et lui révèle enfin son identité : que soy era Immaculada Concepciou. Dans ce dialogue, il y a d’un côté la “Belle Dame”, de l’autre la “merdeuse”. La Belle Dame, parce que Marie était la plus belle des fiancées pour accueillir en son sein le plus beau des enfants des hommes ; la merdeuse, c’était son surnom à Lourdes, parce que Bernadette était la fille méprisée d’un meunier emprisonné pour dettes dans un cachot humide. La belle Dame, parce que Marie a été dès sa conception préservée du péché en prévision des mérites du Christ en sa Passion ; la merdeuse, parce que Bernadette malingre et maladive allait chercher du bois dans la décharge où venaient seulement les porcs. D’un côté, l’Immaculée, celle qui est sans tache, de l’autre la maculée, celle qui est recouverte de taches.
J’ai pétri de la boue, et j’en ai fait de l’or.
Dans la rencontre entre la Belle Dame et la merdeuse, entre l’Immaculée et la maculée, quelque chose se rejoue du mystère de l’Alliance entre Dieu et les hommes. L’Immaculée est, dès sa conception, ce que nous espérons tous devenir au terme par la grâce. De toute éternité, Dieu murmure en son cœur le vers du poète : “J’ai pétri de la boue, et j’en ai fait de l’or.” C’est là son dessein bienveillant pour notre humanité. Au matin du monde, c’est le Père, artisan divin, qui murmure : “J’ai pétri de la boue, et j’en ai fait de l’or” en façonnant Adam dans le secret. Au midi du monde, c’est le Christ, soleil de justice qui murmure : “J’ai pétri de la boue, et j’en ai fait de l’or” lorsqu’il prend condition humaine avant de mourir sur la Croix pour le salut du monde. Au soir du monde, c’est l’Esprit saint, souffle divin, qui murmure : “J’ai pétri de la boue, et j’en ai fait de l’or”, lorsqu’il contemple chacun de nous au jour de son baptême et toute notre vie lorsqu’elle brille du feu de la charité.
Marie, icône de l’Église immaculée
Au cœur de ce grand mystère, de cette divine alchimie que le Créateur médite à chaque instant de son éternité, l’Immaculée Conception de Marie tient un rôle particulier. L’Immaculée Conception de Marie est une grâce pour elle-même, mais entièrement subordonnée à son Fils, seul à être immaculé par nature. L’Immaculée Conception de Marie est une grâce pour l’Église, qui se reconnaît en cette épouse de l’Esprit saint sans tache, ni ride. L’Immaculée Conception de Marie est une grâce pour tous les baptisés, qui y voient le témoignage que la bienveillance divine est sans limites.
Marie et l’Église sont donc bien deux Immaculées, selon des modalités différentes, mais pour la même raison : la sainteté du Christ
Marie est l’icône de l’Église, et elle l’accompagne dans son chemin vers la gloire. Le contexte contemporain des scandales fait qu’on a aujourd’hui plus de mal à penser l’Église comme immaculée, alors que ça ne fait pas de problème pour Marie. Pourtant, c’est à partir des propos de saint Paul sur l’Église immaculée et sans tache, et à partir de la méditation sur l’Incarnation, que le dogme de l’Immaculée Conception de Marie s’est imposé dans la conscience chrétienne. Le plus évident, pour Paul, c’était que l’Église était immaculée, et pourtant ses épîtres prouvent qu’il voyait parfaitement les scandales déjà à l’œuvre dans les premières communautés chrétiennes : c’est même précisément pour cela, souvent, qu’il leur écrivait, pour les réprimander et les exhorter. C’est donc que la sainteté de l’Église telle qu’elle est comprise par Paul n’est pas détruite par le péché de ses membres. En réalité dans les deux cas, pour l’Église comme pour Marie, c’est la sainteté du Christ qui rejaillit d’une manière spéciale sur elles. Marie et l’Église sont donc bien deux Immaculées, selon des modalités différentes, mais pour la même raison : la sainteté du Christ.
Deux aides assorties
Au commencement, Dieu avait dit en regardant Adam : “Il n’est pas bon que l’homme soit seul.” Et il avait alors façonné Ève, pour être “une aide qui lui soit assortie”. Mais Ève avait déçu, parce qu’elle avait déchu. Ève demeurait une aide, bien sûr, très réelle mais si faillible… Alors Dieu se dit à nouveau : “Il n’est pas bon que l’homme soit seul.” Et c’est ainsi que Dieu décida, à l’aube de Noël et au soir de la Pentecôte, que tout chrétien trouverait en naissant deux aides qui lui soient assorties : Marie, et l’Église. Il ne fallait pas moins de deux Immaculées pour nous mener vers le Ciel. Car enfin, tous ici, nous péchons sept fois le jour. Oh ! bien sûr, nous sommes de bons chrétiens et de bons citoyens. Il n’y a sans doute pas de grand crime sur notre conscience. Mais est-ce vraiment par amour du bon Dieu, ou bien par peur du gendarme ? Est-ce par désir du Ciel, ou bien par peur de l’Enfer ? Le même poète l’écrivait, dans son apostrophe au lecteur en ouverture des Fleurs du mal : “Si le viol, le poison, le poignard, l’incendie, / N’ont pas encore brodé de leurs plaisants dessins / Le canevas banal de nos piteux destins, / C’est que notre âme, hélas ! n’est pas assez hardie.”
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Le poète exagère, et moi avec lui. Des idées aussi sombres n’ont peut-être même jamais effleuré notre désir. Oui, c’est vrai, il y a de l’innocence en nous, et il faut s’en réjouir ! Mais il faut surtout rendre grâce. Car si nous n’éprouvons pas, ou si peu, de tels désirs criminels, ou d’autres plus médiocres, ce n’est pas par nos propres mérites. Non, si nous tombons finalement peu, ce n’est pas grâce à nous-mêmes. Ce n’est que par la grâce des deux Immaculées, ce n’est que par la grâce de Marie et de l’Église qui, saintes et sans péché, nous détournent du péché. Sans les deux Immaculées, sans Marie et l’Église, sans leur sollicitude toute maternelle à chaque instant de notre vie, qui sait où nous en serions ? Si la Femme de l’Apocalypse, qui est Marie, et qui est l’Église, n’écrasait pas pour nous la tête du serpent, qui sait dans quelle fange nous serions plongés ?
Bernadette avait tout compris
Jésus, le seul Sauveur, l’unique médiateur, a voulu s’associer deux Immaculées, Marie et l’Église, pour nous mener jusqu’au Ciel. Il a eu pitié de nous, et a pris notre condition humaine pour nous sauver du péché et de la mort. Sur la Croix, il nous a donné son Esprit saint. Et cet Esprit saint, qui s’échappait du côté du Christ, n’a pas eu à chercher bien loin pour savoir sur qui reposer : Marie était là, au pied de la Croix, et avec elle toute l’Église. Dès lors, pour qui veut vivre de l’Esprit du Christ, il n’y a qu’un seul recours : implorer Marie, vivre au sein de l’Église. Sans Marie et sans l’Église, la vie chrétienne est mutilée. Sans Marie et sans l’Église, la vie chrétienne ne peut pas parvenir à sa fin qui est la béatitude éternelle.
Le 25 mars 1858, Bernadette a compris tout cela, dans une intuition fulgurante. À cet instant, la merdeuse était en chemin pour devenir immaculée. À la suite de Bernadette, et par l’intercession de Marie et de l’Église, les deux Immaculées, demandons que se réalise pour chacun de nous le dessein éternel de Dieu : “J’ai pétri de la boue, et j’en ai fait de l’or.”
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