Depuis le 2 décembre est examinée à l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à réformer le processus d’adoption. Selon Pascale Morinière, présidente nationale des Associations Familiales Catholiques (AFC), ce projet comporte de nombreux aspects allant à l’encontre de l’intérêt de l’enfant.
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Déposée par Monique Limon (LREM) sous prétexte de “déringardiser” l’adoption, la proposition de loi suscite de vives polémiques. Poursuivant l’objectif certes louable de favoriser l’adoption d’enfants maintenus en foyer ou en famille d’accueil, elle ouvre néanmoins la voie à des conséquences préjudiciables à la fois envers les enfants mais également les parents, aussi bien biologiques qu’adoptifs.
Actuellement, 2.800 enfants nés en France – pupilles de l’État ou enfants pour lesquels l’autorité parentale a été retirée – sont adoptables. Or seulement 982 enfants ont été adoptés l’an dernier. Pourtant, environ 10.000 familles sont titulaires d’un agrément. Quant aux adoptions internationales, elles sont en chute libre : 4.000 par an étaient prononcées il y a 15 ans contre 400 en 2019. Donc oui, il existe un dysfonctionnement dans le processus d’adoption, que la proposition de loi cherche à palier en facilitant les démarches en vue de donner une famille à un enfant. Cependant, si certaines mesures proposées sont positives (avis de l’enfant plus souvent sollicité, adoption facilitée pour les plus de 15 ans par leurs familles d’accueil, création de fichiers centralisés), d’autres demeurent inquiétantes. Pascale Morinière, présidente nationale des AFC, décrypte pour Aleteia les enjeux de cette réforme.
Aleteia : Quelles sont les principales dispositions qui vous inquiètent ?
Pascale Morinière : Tout d’abord, c’est la disparition de la notion d’intérêt “supérieur” de l’enfant. Un mot qui apparaissait dans la première version du texte puis qui a été supprimé après son passage en commission des lois. Ensuite, le texte prévoit d’ouvrir l’adoption aux personnes pacsées ou en concubinage, le mariage n’étant, selon Monique Limon « pas une garantie de stabilité » pour les enfants. Enfin, la proposition de loi annonce la fin de l’activité des OAA (Organismes autorisés pour l’Adoption) sur le territoire français, au seul profit de l’ASE (Aide sociale à l’enfance). Une mauvaise nouvelle pour les enfants dits “à particularités”, et une atteinte à la liberté des parents qui n’auront plus d’autre choix que de remettre leur enfant à l’Etat plutôt qu’à un organisme privé.
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Quelles conséquences voyez-vous suite à la suppression de la notion d’intérêt “supérieur” de l’enfant ?
Ce n’est pas anodin. Les conséquences peuvent être multiples et ne sont pas nécessairement prévisibles. Mais sa suppression montre bien que l’intérêt de l’enfant n’est plus prioritaire, par rapport à l’intérêt des parents, adoptifs et biologiques, des associations, de l’administration. Tout est sur le même plan. Il n’y a plus de garde-fou. Sans compter que cela met la France en contradiction avec la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.
En quoi l’adoption par un couple marié est-elle plus dans l’intérêt de l’enfant ?
Pour de nombreuses raisons. D’abord pour une raison de stabilité. L’intérêt de l’enfant consiste à le faire entrer dans un foyer le plus stable et sécurisé possible, notamment après un abandon, voire des abandons successifs. Le mariage inclut des devoirs et fournit donc plus de sécurité. Statistiquement, il y a moins de séparations de couples mariés qu’entre couples pacsés ou en union libre. Ensuite, si un mariage se défait, les choses sont organisées, que ce soit en cas de divorce (prestation compensatoire) ou de décès (droits de succession), afin que l’enfant soit protégé. Aucune disposition n’est prévue en dehors du cadre du mariage.
Comment considérez-vous la suppression des OAA en France ?
En supprimant les OAA, l’Etat fait main mise sur l’adoption, on assiste véritablement à une étatisation de l’adoption. Et les grands perdants sont les enfants handicapés. Pourquoi ? Parce que grâce à leur rayonnement et à leur réseau, les OAA, La Famille adoptive française et Emmanuel-France, les deux derniers OAA actifs en France, trouvent systématiquement des familles adoptives pour les enfants handicapés, en fratrie ou relativement âgés. Aujourd’hui, l’ASE se tourne même vers ces organismes privés pour trouver des familles pour des enfants à particularités. Ne plus avoir le choix signifie que l’ASE a la main sur l’enfant et que les parents qui remettent leur enfant ne peuvent plus décider de son avenir. Ces derniers pourront donner leur consentement à l’admission de leur enfant en tant que pupille de l’État, sans garantie que l’ASE trouve une famille d’adoption, mais ils ne pourront plus consentir à l’adoption de leur enfant.
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Pour faciliter l’adoption, le texte prévoit de favoriser le recours à l’adoption simple (forme d’adoption qui n’efface pas les liens de filiation avec les parents biologiques) à défaut de l’adoption plénière qui est pourtant la règle depuis 1966. Qu’en pensez-vous ?
Adopter un enfant suppose d’entrer dans une dynamique : les parents adoptifs se projettent pour que cet enfant devienne chair de leur chair et de la même manière, l’enfant se projette pour que ses parents adoptifs soient ses parents. Cela demande du temps. Et il est nécessaire que la dimension juridique confirme et accompagne cette démarche. L’adoption simple n’est pas mauvaise, mais elle ajoute une difficulté supplémentaire dans le processus. Elle complique l’adoption en plaçant parents et enfant dans un entre-deux. Il y a toujours ce sentiment de “partager” l’enfant avec les parents biologiques.
Ce mercredi 2 décembre, vous avez été reçue, avec une délégation des AFC, à l’Elysée. Comment cela s’est-il passé et quels sujets ont été abordés ?
Effectivement, Marie Legrand, référente nationale des Chantiers-Éducation, le frère Philippe Verdin, op, conseiller ecclésiastique national, Pierric Mallié-Arcelin, délégué général de la Confédération Nationale des AFC, et moi-même avons été reçus à la demande d’Emmanuel Macron au Palais de l’Élysée par M. Patrick Strzoda, directeur de cabinet, M. Frédéric Rose, conseiller sécurité et Mme Anne-Marie Armanteras, conseillère santé. Cet entretien, qui a duré plus d’une heure dans une ambiance plutôt cordiale, faisait suite à un courrier que nous avions envoyé au Président de la République début novembre lui faisant part de notre mécontentement quant à un certain nombre de mesures inacceptables prises au cours de ces derniers mois. Trop, c’est trop. Nous avons abordé plusieurs sujets. Ceux en rapport avec la loi de bioéthique (la détresse psychosociale comme motif pour une IMG, l’allongement du délai de recours à l’IVG, mais aussi les embryons chimères et la PMA qui exclut le père), puis l’instruction en famille et le confinement des cultes. Avoir été reçus est un signe positif : si les catholiques sont minoritaires, ils comptent quand même ! Une nouvelle rencontre a été convenue au premier trimestre 2021.