Depuis cet été, la cathédrale de Saint-Malo abrite une magnifique fresque inspirée de l’Apocalypse. Elle surprend non seulement par la force qui s’en dégage mais aussi par ses innombrables nuances de bleu. “C’est comme si elles voulaient me rapprocher le plus du ciel”, confie à Aleteia Augustin Frison-Roche, peintre et sculpteur.
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C’est un grand format qui impressionne le spectateur de l’œuvre comme le peintre lui-même. La fresque sur bois d’Augustin Frison-Roche installée depuis cet été dans le transept sud de la cathédrale de Saint-Malo mesure six mètres sur deux. Elle représente des scènes du livre de l’Apocalypse avec trois thèmes : le Christ, la Vierge et la Jérusalem céleste. Ce tableau surprend par la force qui s’en dégage mais aussi par ses innombrables nuances de bleu. “C’est comme si elles voulaient me rapprocher le plus du ciel”, confie à Aleteia Augustin Frison-Roche, peintre et sculpteur.
Depuis 2012, ce trentenaire a réalisé plusieurs commandes et expositions personnelles en se tournant vers la sculpture sur pierre et la réalisation de mobiliers liturgiques. Inspiré par Pégase, et plus encore par le Christ, il s’enflamme lorsqu’on lui demande de mettre des mots sur son travail artistique : “La beauté, quelle qu’elle soit, parle toujours de Dieu. Si trois pommes sont bien peintes, si on fait quelque chose de beau, alors on parle de Dieu.” Entretien.
Augustin Frison-Roche : L’apocalypse est un thème qui suscite l’interrogation de tous, des croyants et des non croyants. Chaque fois que des personnes s’arrêtent devant ce tableau, et si je vois que j’ai réussi à capter leur attention, à attiser leur curiosité, je me dis que j’ai atteint mon but.
La fresque est très impressionnante aussi par son format. Qu’est-ce que cela a changé dans votre travail ?
L’objet de la commande était de peindre tout un mur, celui du transept sud. On l’a un peu réduite et posée sur du bois. Les dimensions de la cathédrale imposaient cette échelle. Le recul est tel qu’on peut voir la fresque depuis le transept opposé, juste au-dessus de l’autel, à près de cinquante mètres de distance. On peut donc la voir de très loin. C’est la première fois que je peignais sur une surface aussi grande. J’ai été surpris par la force que prenaient les couleurs. Je pense notamment aux innombrables nuances de bleu que j’ai pu exploiter. Ce sont celles qui m’ont le plus impressionné une fois le tableau installé.
Vous utilisez la technique des primitifs flamands, élaborée au XVème siècle…
Oui, j’utilise leur technique, en glacis, la couleur définitive est alors obtenue par une superposition de plusieurs couches de peinture transparente. Chacun de ces glacis ajoute une nuance, de la profondeur. Cela permet notamment d’obtenir des couleurs intenses sans qu’elles soient pour autant criardes – pensez aux manteaux des vierges flamandes !
Mais j’utilise également cette technique, qui laisse toujours visibles les premières couches, pour créer des effets de palimpseste (des superpositions d’images) qui se révèlent suivant que l’on s’approche ou que l’on s’éloigne du tableau. Il y a ainsi plusieurs niveaux de lecture : une lecture de loin, où l’on distingue les grandes masses de couleurs et les principaux personnages et une lecture de plus près qui permet de découvrir des tableaux dans le tableau.
La beauté, quelle qu’elle soit, parle toujours de Dieu. Si trois pommes sont bien peintes, si on fait quelque chose de beau, alors on parle de Dieu.
Pourquoi consacrer tant de vos œuvres à l’art sacré ?
Dans la démarche artistique aujourd’hui, derrière la recherche d’une satisfaction esthétique, on a tendance à oublier la transcendance, alors que la beauté, quelle qu’elle soit, parle toujours de Dieu. Si trois pommes sont bien peintes, si on fait quelque chose de beau, on parle de Dieu.
Vous priez avec vos mains et vos pinceaux…
C’est très difficile à exprimer, parce que la prière, ici, est liée à un travail et à ses contraintes. Oui je prie avec mes mains. La création demande un véritable effort, une application et une concentration qui ne laisse pas toujours de place à la réflexion ou à la méditation. C’est cela, je crois, prier avec ses mains. Une prière sans mots, sans discours, dans le silence de l’atelier. Au contraire, une icône est la répétition d’un geste, d’une image. Il n’y a pas vraiment de création, on ne se pose pas vraiment de questions formelles. On répète une image comme on réciterait un “Notre Père”.
La peinture, pour moi, c’est un besoin vital, je ne vois pas comment je pourrai faire autrement. Je peins et je sculpte parce que je n’ai pas le choix.
Que recherchez-vous dans l’art ?
Un dépassement ? Je ressens un manque que la seule vie quotidienne ne peut combler. L’art nous met au pied de ce qui nous dépasse. Si je peins, c’est parce que j’éprouve ce manque. Une vie faite d’un certain confort, c’est évident que cela ne suffit pas. La peinture, pour moi, c’est un besoin vital, je ne vois pas comment je pourrai faire autrement. Je peins et je sculpte parce que je n’ai pas le choix. C’est un peu radical…
L’art est un très bon moyen d’évangéliser, c’est un moyen de voir le ciel d’un peu plus près…
Aimez-vous être défini comme un artiste chrétien ?
Mon travail laisse une place importante à l’art sacré. Je ne peux pas cacher ma foi. L’art est par ailleurs un très bon moyen d’évangéliser, c’est un moyen de voir le ciel d’un peu plus près, de susciter ce petit quelque chose, cette émotion qui sera le début d’un questionnement un peu plus profond. Il y a encore un travail phénoménal à faire pour évangéliser par l’art. Il ne faut pas avoir peur, il faut être ambitieux, mais surtout il faut être convaincu que l’art peut convertir.
J’essaie en même temps de ne pas toujours présenter mon travail sous cet angle-là. Je tiens absolument à traiter d’autres thématiques, pour m’adresser à un public plus large, pour ne pas m’adresser qu’aux seuls croyants. Ainsi, ceux qui découvrent mon travail lors d’une exposition sur un thème profane (des paysages ou des animaux par exemple), le découvre sans a priori, alors qu’un art estampillé chrétien risque toujours d’en détourner certains.
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