Autour du pape travaillait une petite équipe organisant les secours et les fuites des juifs, transmettant les informations, servant de relais entre le Vatican et les réseaux de résistance européens.Un nouveau livre vient compléter les nombreuses informations que l’on connaît déjà quant à l’action menée par Pie XII pour sauver des juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Avec Le Bureau. Les juifs de Pie XII (Michel Lafon), Johan Ickx met en forme les informations et documents découverts au cours de ses recherches dans les archives. Archiviste de la Secrétairerie d’État depuis dix ans, auteur de nombreux livres et articles sur la diplomatie du Saint-Siège, Ickx maîtrise parfaitement les pièces du dossier. Ce qu’il présente dans cet ouvrage, c’est la structure créée par Pie XII pour s’occuper des réfugiés et maintenir les liens avec les réseaux de résistance en Italie et en Europe. Autour du pape travaillait une petite équipe organisant les secours et les fuites, transmettant les informations, servant de relais entre le Vatican et les réseaux européens. On y retrouve Mgr Luigi Maglione, le Secrétaire d’État, mais aussi Giovanni Battista Montini, futur Paul VI. Ces hommes ont travaillé en étroite collaboration autour du pape, permettant le sauvetage de milliers de juifs romains ainsi que de leurs frères européens.
La grande histoire par des petites histoires
Johan Ickx a fait un choix rédactionnel qui peut surprendre de prime abord. Son livre est organisé en une série de petites histoires qui racontent des situations, des opérations et la vie des personnes rencontrées dans les archives. Toutes ces histoires sont documentées et référencées par de nombreuses notes de bas de page qui renvoient aux documents d’archives et aux sources. Choix surprenant, car il contrevient aux livres d’histoire classique, mais choix qui permet de rendre la lecture de l’ouvrage plus agréable et facile et qui a le mérite de donner une vie aux archives et aux documents.
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Au lieu de s’en tenir à des comptes rendus et des analyses qui auraient pu être fastidieux, Ickx montre les personnes découvertes tout au long de ses fouilles. Cela contribue à donner vie aux archives et à montrer que cette masse de papiers, de notes, de notules est une trace d’actions concrètes. Ces papiers permettent d’accéder à une vie, à connaître des situations, à entrer dans la réalité de la guerre et des opérations délicates menées pour sauver le maximum de personnes persécutées. Ainsi l’ouvrage est aisément lisible, y compris par ceux qui ne sont pas familiers des livres d’histoire. En optant pour ce choix rédactionnel, Johan Ickx aide à mettre l’action de Pie XII et de son bureau entre les mains du plus grand nombre.
Une guerre d’information
Pour ceux qui suivent le dossier Pie XII depuis longtemps, le livre de Ickx n’apporte aucune révélation nouvelle sur l’action et le rôle du pape durant la guerre. Depuis les travaux du père Pierre Blet et les premiers dépouillements d’archives, on sait que Pie XII a activement contribué non seulement à protéger les populations civiles, mais aussi à lutter contre Hitler, jusqu’à organiser des complots contre lui, dont la célèbre opération Walkyrie. Paul VI a été le premier à faire ouvrir les archives et à permettre à des historiens de consulter les documents. Et pour cause, étant l’un des plus proches collaborateurs de Pie XII durant le conflit, il savait parfaitement qu’elle avait été le rôle réel de Pacelli au cours de ces années. Le livre de Johan Ickx apporte des compléments, il ajoute des détails, il permet de mieux comprendre certaines situations et le fonctionnement interne des opérations de secours. Ces cinq années de la vie du Saint-Siège (1940-1945) sont aujourd’hui celles qui ont vu le plus de publications, d’analyses, de colloques. Elles sont les plus connues et les plus documentées de l’histoire de l’Église.
Le brouillage communiste
La légende selon laquelle Pie XII aurait été un allié d’Hitler ne repose que sur un seul document : une pièce de théâtre écrite sur ordre du KGB par Rolf Hochhuth et Erwin Piscator, lui-même agent du KGB, publiée en 1963 sous le nom de Le Vicaire. Cette pièce s’inscrivant dans le plan Seat 12 visant à discréditer et déstabiliser l’Église catholique afin de mieux asservir les catholiques d’Europe de l’Est et d’infiltrer ceux de l’Europe de l’Ouest. C’est un cas très classique de guerre révolutionnaire par la propagande que les communistes savaient très bien manier. Un moyen aussi de faire oublier leur alliance avec Hitler de 1939 à 1942 et de bâtir la légende du « parti des résistants ». Une guerre de l’information efficace puisqu’elle continue ses effets aujourd’hui encore, en dépit des dizaines de livres d’histoire parus depuis les années 1960 et qui démontrent exactement le contraire.
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L’ouvrage de Johan Ickx est l’une de ces pièces complémentaires à la compréhension du rôle de Pie XII durant la guerre. Il permet également de faire découvrir un grand nombre de résistants et de héros, des figures humaines qui pourront inspirer les jeunes générations.
Johan Ickx, Le Bureau. Les juifs de Pie XII, Michel Lafon, sept. 2020, 411 pages, 22 euros.