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Que retenir du pontificat du bienheureux Paul VI ?

PAUL VI

Le Pape Paul VI.

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Cardinal Paul Poupard - publié le 19/09/20
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Le 19 octobre 2014, le pape François déclarait Paul VI bienheureux. “Premier homme moderne devenu pape”, Paul VI a façonné l’Église contemporaine, en consumant sa vie pour elle. Beaucoup de ses initiatives visionnaires ont été approfondies et prolongées par ses successeurs.

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Successeur de Jean XXIII, Paul VI (1963-1978) hérite avant tout du concile Vatican II. Le “bon pape Jean” ayant convoqué le concile, meurt avant d’avoir pu l’achever en 1963. Au cours d’un service funèbre dans la cathédrale de Milan, celui qui n’était encore que le cardinal Montini déclare que “la tombe n’enferme pas son héritage”.

Une vision fondatrice pour l’Église du Concile

Dès avant la disparition de Jean XXIII, le cardinal Montini commence d’imprimer une marque décisive au concile. Pendant la première session, il constate que la masse informe des soixante-dix documents préparatoires laisse les évêques découragés, après un mois de discussion. Familier des procédures administratives de la secrétairerie d’État, le cardinal adresse alors au Secrétaire d’État (le “Premier ministre” du Pape), une longue lettre dans laquelle il souligne cette absence de projet et suggère que le concile s’oriente autour de l’Église ad intra et ad extra. Cette intuition fondatrice aboutit à l’explicitation du mystère de l’Église dans les deux Constitutions, dogmatique, Lumen gentium, et pastorale, Gaudium et Spes, la première, sur le mystère de l’Église, la seconde, sur l’Église dans le monde de ce temps. Ces deux directions reprennent la question unique du cardinal Giovanni-Battista Montini aux pères du synode : “Église de Jésus Christ, que dis-tu de toi-même ?” C’était une invitation à approfondir son message au monde sur les grandes questions qui le traversaient.

Un pilote aguerri pour mener le concile à bon port

“Le vieux pilote avec audace avait lancé la caravelle en plein ciel mais il fallait un pilote aguerri pour la faire atterrir avec tous ses passagers”, observa son ami, le philosophe Jean Guitton. Devenu pape, la grande préoccupation de Paul VI est de mener à bon port le concile ouvert par Jean XXIII. La sagesse du pilote permet à bien des débats entre les pères du concile d’aboutir. Ainsi de la théologie de la Vierge Marie : tous sont d’accord pour l’honorer, mais les moyens diffèrent. Tandis que la moitié des pères du concile désirent lui consacrer un texte conciliaire, l’autre souhaite avant tout montrer qu’elle était la mère de l’Église. C’est cette dernière voie qui est finalement retenue : à Marie, le concile consacre le beau chapitre VIII de la Constitution dogmatique Lumen gentium, sous le titre significatif : “La bienheureuse Vierge Marie Mère de Dieu dans le mystère du Christ et de l’Église”. En “pilote aguerri”, Paul VI a su ainsi veiller à ce que tous les textes du concile ne soient pas le reflet d’une école de théologie, mais de vrais textes du magistère.

Réformer la Curie

Au-delà du concile, Paul VI est celui qui a dû mener, selon les termes de Jean Paul II, “la barque de l’Église sur les eaux mouvementées de mai 68” et ses répercussions dans le monde catholique. L’homélie de son couronnement est programmatique : “Ces voix du monde moderne, saurons-nous les entendre ?” En proche collaborateur des papes Pie XI et Pie XII, le nouveau pape est bien placé pour entreprendre une réforme de la curie de grande ampleur. La constitution apostolique Regimini Ecclesiae Universae de 1967 crée ainsi trois nouveaux secrétariats : pour l’Union des chrétiens, pour le Dialogue interreligieux et pour le Dialogue avec les non-croyants. Elle réorganise le gouvernement interne de l’Église en intégrant les nouvelles préoccupations missionnaires, économiques, éducatives et mondiales. Certains rouages désuets de la vie de l’Église sont supprimés : les brefs aux princes, la Daterie apostolique (service administratif de la curie romaine, créé sous la papauté d’Avignon [1309-1378] pour assurer l’expédition d’actes administratifs), etc.


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Enfin, c’est à Paul VI que l’on doit le synode des évêques, dont les assemblées animent la vie de l’Église depuis maintenant quarante ans. “Vénérables frères”, lance Paul VI aux évêques lors de la dernière session du concile, “hier, vous n’étiez pas là, et nous n’en avions pas conscience et maintenant que nous sentons que vous allez partir nous ressentons déjà un grand vide”. Le synode des évêques apparaît comme la solution pour rendre présente et maintenir la collégialité des évêques, “le réconfort de leur présence, l’apport de leur sagesse et le poids de leur autorité”.  Cet organe consultatif, qui devait initialement se réunir tous les deux ans, se réunit désormais tous les trois ans — à la demande des évêques, qui ne pouvaient plus soutenir le rythme originel. Ainsi, “le premier homme moderne devenu pape” porte le Concile pour que l’Église donne au monde moderne le message de Salut du Christ.

Les grands voyages apostoliques

Ad intra, ad extra : après avoir renouvelé l’Église de l’intérieur, Paul VI s’en va la présenter au monde. En trois grands gestes. “Le moment n’est-il pas venu, pour l’humble successeur de Pierre, de retourner sur cette terre d’où Pierre était venu à Rome et où aucun de ses successeurs n’est jamais retourné ?” Paul VI est le premier pape de toute l’histoire à être retourné en Terre Sainte après Pierre. Il va recentrer l’Église à la source — à une époque où des voix progressistes en appellent à une plus grande décentralisation de l’Église ! Ce pèlerinage en Terre Sainte de janvier 1964 marque le début des grands voyages apostoliques minutieusement organisés.


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Ont suivi les voyages à Kampala, au cœur de l’Afrique ; à Puebla de Los Angeles, au cœur de l’Amérique Latine ; à Bombay, au cœur de l’Asie, puis le grand périple missionnaire jusqu’aux îles du Pacifique et l’étape symbolique de Hong Kong, avec le grand message d’amour au peuple chinois. Plus près de l’Europe, il y a aussi Fatima, Istanbul, et Genève. C’est de manière très incarnée que Paul VI présente l’Église au monde.

“Nous sommes le plus petit d’entre vous”

Mais le moment emblématique de cette présentation de l’Église au monde, c’est sans doute le discours aux Nations-unies. Le 4 octobre 1965, jour de la saint François d’Assise, et alors que le concile Vatican II s’achève, Paul VI prend la parole à New York en ces termes, restés célèbres :

Celui qui vous parle est un des plus petits parmi vous. Nous n’avons rien à demander, aucune question à soulever ; tout au plus un désir à formuler, une permission à solliciter : laissez-nous vous dire que nous avons pour vous tous un heureux message, à remettre à chacun d’entre vous. “Jamais plus les uns contre les autres, jamais plus la guerre, jamais plus la guerre !”

Le 15 juin 1969, Paul VI renouvelle son plaidoyer pour une plus grande justice sociale à Genève, au siège du Bureau international du travail.

Les rencontres œcuméniques

Le pontificat de Paul VI est marqué par la volonté de faire avancer l’œcuménisme. En janvier 1964, le pape rencontre à Jérusalem le patriarche de Constantinople Athénagoras Ier : un an plus tard, cette rencontre historique débouche sur la révocation des excommunications de 1054. Deux autres rencontres suivent en 1967, la première à Istanbul, la seconde au Vatican. Deux ans plus tard, le pape fait de son voyage à Genève un moment d’œcuménisme, insistant pour organiser une rencontre avec le Conseil Œcuménique des Églises de Genève. Cet organe, créé en 1948 pour être la plus large expression des dénominations chrétiennes, mais dont l’Église catholique n’est pas membre, représente un interlocuteur crucial pour le pape dans le dialogue entre chrétiens. L’intervention, là aussi, est restée célèbre :

Notre nom est Pierre. Et l’Écriture nous dit quel sens le Christ a voulu attribuer à ce nom, quels devoirs il nous impose : les responsabilités de l’apôtre et de ses successeurs… Et le nom que nous avons pris, celui de Paul, indique assez l’orientation que nous avons voulu donner à notre ministère apostolique.

1967 : « La question sociale est devenue mondiale »

Paul VI laisse un enseignement moral et spirituel très riche, qui a inspiré les grandes initiatives de ses successeurs. En 1967, le pape écrit l’encyclique Populorum progressio : l’Église prend acte de la montée des peuples, et insiste sur un développement qui soit celui de tout homme et de tout l’homme. L’homme ne se réduit pas à sa dimension économique : son plein développement doit intégrer ses facultés spirituelles. Autrement dit, donner du travail à quelqu’un ne suffit pas, si on tolère des épisodes de burn-out à côté. L’introduction de cette encyclique a donné le slogan devenu célèbre : “La question sociale est devenue mondiale et le développement est le nouveau nom de la paix.” On note que le texte provoque les applaudissements de dom Helder Camarra, grande figure de la théologie de la libération en Amérique Latine.

1968 : « Un lien indissoluble, voulu par Dieu, entre union et procréation »

Humanae Vitae paraît le 25 juillet 1968. Le dossier a été ouvert au concile, mais les évêques avaient insisté pour que ces problématiques soient débattues en dehors du concile. L’encyclique réaffirme l’indissolubilité du mariage, et condamne comme déshonnêtes les méthodes artificielles de contraception. On sait aujourd’hui que la position du pape était réfléchie, et audacieuse. En effet, la commission de travail qu’il réunit rend ses conclusions dans un sens quasi-opposé. C’est Paul VI, seul, qui assume cette clarification de l’enseignement de l’Église en matière morale, tandis que son cheminement intellectuel lui vaut la réputation peu flatteuse de “pape indécis”. Ce à quoi le pape, mi-fâché, mi-amusé, répond : “Le Pape a bien le droit, même le devoir de prier, beaucoup, de s’informer et de réfléchir, non ? Mais quand ma décision est prise, elle est irrévocable !” À deux mille jeunes couples réunis place Saint-Pierre en mars 1970, il renouvelle son appel à une paternité responsable, à l’exercice de consciences libres, capables d’épanouir leur amour dans le plan de Dieu. L’encyclique, qui suscite un tollé dans le monde occidental, trouve une résonnance particulière dans les pays du sud. Le clergé africain remercie le pape de lutter contre la contraception forcée à l’occidentale, à l’heure où l’OMS et les États-Unis élaborent des programmes de développement qui subordonnent les aides financières à la stérilisation des femmes.

1968 : Le Credo du peuple de Dieu

En 1966, les évêques hollandais sortent un catéchisme sulfureux. Dix points précis relèvent de positions quasi-hérétiques : la virginité de Marie et la présence réelle dans l’Eucharistie, par exemple, sont passées sous silence. L’ouvrage est condamné. Mais le deuxième temps de la réponse de l’Église vient en 1968 quand, au terme de l’année de la foi, Paul VI prononce solennellement le Credo du peuple de Dieu. C’est une explication détaillée du credo de Nicée, et une profession des vérités fondamentales de la foi catholique.

Trois héritiers

Le pontificat de Paul VI a fortement marqué les personnalités de ses successeurs à la tête de l’Église. Jean Paul II tout d’abord, qui devient pape après le très bref pontificat de Jean Paul Ier en 1978, salue le pape Montini comme son “très grand prédécesseur”, dans Redemptor hominis, l’encyclique programmatique de son pontificat. Le pape polonais louera “le grand Paul VI”, d’avoir su garder le cap et la ligne alors que la barque de l’Église était dans la tourmente au milieu des vicissitudes de son temps. La continuité intellectuelle est aussi bien réelle : à bien des égards, Humanae Vitae annonce le développement de la théologie du corps si chère au pape polonais. Et les grands voyages de Jean Paul II, qui en fait des instruments apostoliques, sont la confirmation de ce que les initiatives de Paul VI avaient de visionnaire.

Quant au pape François enfin, c’est à l’école de Paul VI qu’il a été formé, intellectuellement et spirituellement.

Benoît XVI s’inscrit également dans le sillage de Paul VI. C’est le pape Montini qui a “fait” Benoît XVI, en demandant au jeune théologien allemand de quitter sa faculté de Tübingen, pour en faire, en six mois, l’archevêque de Munich, puis un cardinal. Sans l’action de Paul VI, le théologien allemand serait resté un “simple” professeur illustre.

Quant au pape François enfin, c’est à l’école de Paul VI qu’il a été formé, intellectuellement et spirituellement. Pour le père Bergoglio, Paul VI était une boussole, une référence : “Toujours revenir à Paul VI !” écrit-il. Cette reconnaissance affectueuse imprègne toute l’encyclique Evangelii gaudium, où dès la première page, François cite Paul VI à deux reprises. D’une certaine manière, Evangelii gaudium se présente comme un prolongement d’Evangelii nuntiandi, la charte-encyclique de Paul VI pour l’Église d’aujourd’hui.

Chaque pape arrive à l’heure

Cette remarquable continuité dans la diversité des charismes témoigne de la place centrale du “pape Montini” dans l’Église de notre temps. Institutionnellement, les pontificats de ses successeurs ont été façonnés par son action : c’est la réforme du collège électoral des cardinaux, et l’introduction de cardinaux africains, asiatiques et sud-américains au cœur du gouvernement de l’Église dans les années 1960, qui a fait l’élection de Joseph Ratzinger en 2005, et celle de François, venu du bout du monde, en 2013. À brosser le portrait d’un pape on court toujours le risque de vouloir comparer et opposer. Mais ces analyses ne correspondent pas à la vie de l’Église. Chaque pape arrive à l’heure, sous l’inspiration de l’Esprit Saint et fait les réformes dont Église a besoin pour poursuivre son chemin : Jean XXIII aurait-il pu clore le concile Vatican II ? Paul VI l’aurait-il convoqué ?

Un modèle lumineux et héroïque

Le 19 octobre 2014, le pape François déclare bienheureux Paul VI. Le déclarer bienheureux, c’est poser en exemple ce modèle lumineux et héroïque d’une vie toute consumée pour l’Église du Christ. « Dieu sait si j’ai aimé l’Église. Je voudrais que l’Église sache que je l’ai aimée », dira le bienheureux dans son très beau testament spirituel.


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L’Église et les fidèles trouvent aussi en Paul VI une source de prière : l’épanchement d’une âme qui se livre dans la prière et, dans la prière, épanche avec une grande ferveur sa foi profonde pour le Christ, sa tendresse pour la Vierge et sa vénération des saints. La prière du nouveau bienheureux est un grand manteau d’intercessions, dans lequel il glisse l’intercession pour l’Église. C’est une prière particulière, rythmée par des méditations très belles sur le message du Salut dans le monde moderne. C’est, aussi et surtout, une prière qui veut réconcilier l’homme moderne avec la prière.

La prière du bienheureux Paul VI, “au-dedans de nous”

Terminons par les mots suivants, couchés dans ce style interrogatif si cher à Paul VI :

L’homme moderne sait-il prier, en sent-il le besoin ? Le chrétien lui-même a-t-il du goût pour la prière ? Y est-il porté ? Aime-t-il les formes de prières que la piété de l’Église, sans les déclarer officielles, c’est-à-dire proprement liturgiques, nous a si souvent recommandées elle-même, comme le chapelet, le chemin de croix, l’adoration du Saint-Sacrement, l’examen de conscience, la lecture spirituelle ? Personne ne voudra attribuer à la liturgie, à la célébration de la communauté ecclésiale de la Parole de Dieu, la diminution de la prière personnelle et surtout de la vie spirituelle, de la vie intérieure, de la piété entendue dans le sens de dévotion, de l’expression, du don de l’Esprit saint, grâce auquel nous nous adressons à Dieu dans l’intimité de notre cœur en lui donnant ce nom si familier et grand de Père. Pour ce qui est de nous, fils de l’Église, qu’il nous suffise de rappeler avec le fameux mot de saint Augustin : “Tu étais au-dedans et moi j’étais au dehors.” Le point de rencontre essentiel avec le mystère de Dieu se situe au-dedans de nous, dans ce sanctuaire intérieur de notre âme.

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