"ll faut que le véritable moine ait sans cesse la prière et la psalmodie dans son cœur", lit-on dans les Apophtegmes. Pour les Pères du désert, le cœur a une place primordiale. Il est le centre de notre être, le lieu où Dieu nous visite, où le Christ habite.
Interpellés par l’exhortation du Christ à "prier sans se décourager" (Lc 18,1), reprise par saint Paul qui invite à "prier sans relâche" (1Th 5,17), les Pères du désert introduisent la technique de la prière du cœur. Il s’agit d’une prière récitée au même rythme que sa propre respiration. Grégoire de Naziance dit même qu'"il faut se souvenir de Dieu plus qu’il ne faut respirer".
Que dire ? Jean Cassien préconise cette formule : "Dieu, viens à mon aide, Seigneur, vite à mon aide" dans la mesure où ce verset - qui ouvre aujourd’hui les offices - "exprime tous les sentiments", "s’adapte heureusement à tous les états, et convient en toutes sortes de tentations", explique-t-il. "On y trouve l’appel de Dieu contre tous les dangers, une humble et pieuse confession, la vigilance d’une âme toujours en éveil et pénétrée d’une crainte continuelle, la considération de notre fragilité ; il dit aussi la confiance d’être exaucé et l’assurance du secours toujours et partout présent".
Prière et action
Faut-il prier sans cesse, au détriment de toute action ? Origène, avant même les Pères du désert, donne un élément de réponse. Il explique dans son Traité de la prière qu'"il prie sans cesse celui qui lie la prière à l’action et l’action à la prière : c’est la seule manière de prier sans cesse ; ce qui revient à considérer toute la vie du saint comme une longue prière ininterrompue". Marie-Anne Vannier, dans l’ouvrage Prier 15 jours avec les Pères du désert (Nouvelle Cité), relève à propos de ces derniers que "c’est toute leur vie qui est prière, où qu’ils soient ou quoi qu’ils fassent". Par la prière continuelle, ils ont montré "à quel point elle est une attitude, un don et un choix existentiel, celui d’être constamment en présence de Dieu, de se laisser habiter par lui" au point de pouvoir dire avec saint Paul : "Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi" (Ga 2, 20).