Que peut bien vivre et ressentir un enfant confronté à la mort ? Comment l’aider ? Bien souvent, nous ne savons pas et préférons nous taire en pensant protéger l’enfant. Josée Masson, assistante sociale canadienne et auteur de “Mort mais pas dans mon cœur” (DDB) , accompagne depuis 20 ans des jeunes en deuil. Interrogée par Aleteia, elle montre comment rejoindre l’enfant , lui parler, l’accompagner.
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Témoin du fait que les adultes ont du mal à parler de la mort à leur enfant, et que le deuil est vécu de plus en plus selon des critères de performance et de rapidité, Josée Masson se fait le porte-parole d’enfants et d’adolescents afin qu’ils puissent être mieux compris et accompagnés dans leur deuil. A travers son livre, elle cherche à mieux informer les parents, qui, en tentant de protéger leur enfant, arrivent parfois à des mensonges ou à des non-dits, voire même l’empêche de participer à des moments essentiels pour comprendre la mort. Entretien.
Aleteia : Quelles étapes voyez-vous dans le deuil de l’enfant ?
Josée Masson : Je ne parle jamais du deuil à partir d’étapes, que ce soit pour les jeunes ou pour les adultes. Le deuil se vit de façon unique pour chaque être humain. On ne connaît jamais sa trajectoire à l’avance. Je vois par contre de grandes différences entre le deuil vécu par les enfants et celui vécu par les adultes. La différence majeure se situe au niveau de la compréhension même de la mort. Par exemple, une maman sait, dès l’annonce de la mort de son conjoint, qu’il ne reviendra jamais. Elle saisit immédiatement l’impact que cela aura pour elle et sa famille. L’enfant lui, s’il n’a pas encore les capacités cognitives pour comprendre la mort, ne peut savoir ce qui se passe et donc vivre son deuil de son père de la même manière.
Quand comprend-il la réalité de la mort ?
L’enfant portera toujours son deuil et il l’intégrera à sa vie. Par moments, ce sera difficile, à d’autres, ce sera plus léger. Le deuil est un vécu assez imprévisible. On pense souvent que son premier Noël sera le plus pénible. Mais il se peut aussi que ce soit le jour où il réalise que la personne décédée ne verra jamais ses enfants. Chaque fois que l’enfant comprend mieux la mort, il montre des réactions de deuil. On estime que cette prise de conscience intervient vers l’âge de 10 ans et évolue jusqu’à l’âge adulte. Sans parler d’étapes, tout événement majeur dans la vie du jeune, même lorsqu’il sera adulte, sera marqué par des réactions de deuil. Par exemple si un petit enfant perd sa mère à 3 ans, son entrée à l’école, son anniversaire, son propre mariage ou même un accident risque de réactiver la douleur de l’absence de sa mère.
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L’enfant réagit-il de la même manière selon que la personne décédée est son père, sa mère, son grand-père, son frère ou un voisin ?
Chaque deuil est différent. On ne réagit jamais de la même façon. Dans une même famille, des frères se comporteront différemment à la mort de leur mère. Les adultes ont tendance à apporter l’aide au jeune selon le statut de la personne qui est décédée… Naturellement, ils vont porter une attention plus grande à un enfant qui vit la mort de son père qu’à celle de son voisin. C’est une erreur de faire cela. On ne sait jamais vraiment ce qui lie un enfant à une autre personne.
C’est tout de même plus dur s’il s’agit d’un père ou d’une mère ?
Dans la majorité des cas, vivre la mort d’un parent est extrêmement difficile, plus que tout autre décès. Mais il y a des parents qui ne remplissent pas leur rôle et des situations familiales remplies de dysfonctionnement et de violence. Dans ce cas, si on dit à l’enfant : « pauvre de toi » alors qu’il se dit : « je suis soulagé », il ne se confiera jamais à nous. Il est donc très important, devant un jeune qui vit la mort d’une personne de son entourage, de ne pas interpréter ses sentiments et de lui demander de nous raconter le lien qu’il a avec cette personne pour bien comprendre ses réactions et mieux l’accompagner.
Quels sont ses besoins dans chaque situation ?
Le jeune, peu importe qui est mort dans son entourage, a besoin de savoir. Il a besoin d’être informé et aussi qu’on lui nomme la vérité. Ensuite, il a besoin d’avoir un moment pour discuter avec un adulte en qui il a confiance et pouvoir dire et exprimer ses émotions. Il est difficile ici d’énumérer tous les besoins du jeune car ceux-ci dépendent de chacun.
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Chaque jeune vit le deuil à sa façon. Il est l’expert de son vécu. Nous devons donc aller vers lui, lui demander de quoi il a besoin et tenter d’y répondre au mieux de nos capacités. Un jeune peut avoir besoin de solitude alors que sa sœur désire s’exprimer et s’entourer de gens. Aucun de ces besoins n’est mauvais. Ils sont influencés par de nombreux facteurs : la personne décédée, l’histoire de vie du jeune, les réactions de son entourage, sa personnalité, la religion, etc.
Quelle est l’attitude juste d’un adulte à l’égard d’un jeune endeuillé ?
De façon générale, le jeune a besoin qu’on le prenne en considération et qu’on le reconnaisse dans sa situation de deuil et ce, dans toutes les sphères de sa vie. Faire comme si rien n’était arrivé n’aide personne, mais trop en parler n’aide pas non plus. Alors il faut développer le réflexe d’aller à sa rencontre et de le respecter dans sa manière particulière de vivre la mort de son proche.