Peu de temps après avoir accédé à la royauté, à la suite du décès de son père David, Salomon eut une vision. Dans celle-ci, Dieu lui demanda ce qu'il désirait qu'Il lui donne. Le roi d'Israël répondit : "Donne donc à ton serviteur un cœur intelligent" (littéralement "un Cœur qui écoute") (1R 3, 9). Ainsi, dans la Bible, le cœur est le siège de l'intelligence et de la volonté, et pas seulement de l'affectivité, comme on le comprend de nos jours.
Il en va pareillement pour celui de la Vierge Marie. Le Cœur de Marie est immaculé parce qu'il est exempt de péché, mais aussi parce qu'il est intelligent en restant constamment à l’écoute de Dieu. Le cœur de la Vierge est exempt d'erreur, de négligence et d'égarements en raison de l'attention que la Vierge porte à Dieu et aux affaires divines. L'amour d'obéissance de la Vierge rejaillit sur son intelligence en la décuplant. Illustrons cette vérité par un exemple tiré de l'existence de la mère de Jésus.
Un Cœur illuminé par l'Esprit
S’il est une sagesse qu'il est indispensable d'acquérir pour un chrétien, c'est bien celle de la Croix. Cette sagesse, Marie ne l’a pas seulement expérimentée dans sa chair. Elle a su également l’assimiler spirituellement, en se mettant à son école. Elle a pu de la sorte en tirer de précieux enseignements au bénéfice des hommes dont le Christ l'a instituée Mère du haut de la Croix. Durant le Samedi saint, lendemain de la crucifixion, Marie a réfléchi à la signification et à la portée du supplice de Jésus. À cette fin, elle a été attentive à l’Esprit consolateur qui, en plus de la réconforter, l’a instruite également du mystère renfermé dans la Croix — tant il est vrai que l’on ne console jamais mieux quelqu’un qu’en lui révélant le sens profond et les fruits à venir de ses épreuves.
"Un cœur immaculé est d’abord un cœur qui ne murmure pas, un cœur exempt de défiance mais qui garde l’espérance parce qu’il sait que Dieu est un Père sage, attentif et aimant."
À l’écoute de l’Esprit, le Cœur immaculée de Marie a redit le "oui" qu’elle avait déjà prononcé à l’Annonciation trente trois ans plus tôt, et la veille sur le Calvaire. Dans la lumière de l'Esprit qui nous rappelle tout ce que Jésus nous a dit, selon la prophétie de l'intéressé dans son discours d'adieux (Jn 14, 26), et qui nous guidera vers la vérité tout entière (Jn 16, 13), elle a pris la mesure du sacrifice de Jésus, mais aussi de l'importance de sa propre compassion et de son union au don total de son fils sur le Golgotha. Si bien qu’elle a compris plus intensément, de l’intérieur, la portée de la Rédemption et la place que Dieu lui avait destinée dans celle-ci.
Elle a consenti de nouveau, sans révolte, mais avec un Cœur intelligent, ferme et aimant, au sacrifice de son Fils. C’est bien cela que demande Dieu à Ses créatures : Lui faire confiance en se laissant instruire par Lui au sujet des voies qu’Il a choisies et qui ne sont pas toujours les nôtres. Un cœur immaculé est d’abord un cœur qui ne murmure pas, un cœur exempt de défiance mais qui garde l’espérance parce qu’il sait que Dieu est un Père sage, attentif et aimant.
"Sa mère gardait tous ces événements dans son cœur" (Lc 2, 51)
Car Marie n’aurait jamais pu être associée à la Rédemption du genre humain si elle n’avait pas eu un cœur intelligent, c’est-à-dire un cœur attentif à la Parole de Dieu. L’épître aux Hébreux place dans la bouche du Christ qui entre dans le monde, les paroles du psaume 40. Dans sa version originale, ce psaume dit en s’adressant à Dieu : "Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as ouvert mes oreilles ; tu ne demandais ni holocauste ni victime, alors j’ai dit : “Voici, je viens”" (Ps 40, 7-8).
"En écoutant Dieu, nous reconnaissons à la fois Sa transcendance, le fait que Lui seul est Dieu, et également les dons divins de la vie et du salut."
Le psalmiste a compris que tendre l’oreille à Dieu est plus important que tous les sacrifices. La première demande que Dieu nous adresse, c’est de L’écouter. C’était déjà la grande affaire d’Adam et Ève au jardin d’Eden — leur malheur vint précisément de ce qu'ils préférèrent à la parole divine les insinuations d'un autre, celles d'un invertébré plus malin qu'eux ! En écoutant Dieu, nous reconnaissons à la fois Sa transcendance, le fait que Lui seul est Dieu, et également les dons divins de la vie et du salut. À l’instar de Jésus qui passait ses nuits en prière (Lc 6,12), Marie n’aura de cesse durant toute son existence que de méditer dans son Cœur les paroles-événements de la vie de Jésus (Lc 2,51).
Si la Vierge n’avait pas écouté son Fils, comment aurait-elle pu dire aux serviteurs des noces de Cana : "Faites tout ce qu’il vous dira ?". Pour donner pareil conseil, Marie s’appuyait sur la divinité de son Fils. Et comment avait-elle pu reconnaître celle-ci, outre pour la raison que Jésus ait été conçu de façon virginale, sinon parce qu'elle avait passé des heures à l'écouter, à s’extasier des paroles de grâce qu'il prononçait ?
Jésus et Marie : deux cœurs unis
On pourrait penser qu'un chrétien du troisième millénaire, en récoltant le trésor amassé par des siècles de tradition, en sait davantage sur la Croix que la Vierge du Samedi saint. Ce serait se méprendre. Le secret de la sagesse contenue dans la Croix ne se livre qu'aux Cœurs aimants. Seul le semblable connaît le semblable. Seul l'amour est capable de comprendre la hauteur, la largeur, la profondeur de la Croix. Celle-ci ne confie ses secrets qu'à ses amants de Cœur, c'est-à-dire aux personnes animées des mêmes dispositions que celles qui poussèrent Jésus à l'accepter et à la vivre. La Vierge, pétrie de sagesse autant que d’affection, est de celles-là.
"Le secret de la sagesse contenue dans la Croix ne se livre qu'aux Cœurs aimants (...) Seul l'amour est capable de comprendre la hauteur, la largeur, la profondeur de la Croix."
Le Cœur de Marie est le cœur intelligent que le roi Salomon avait demandé au Très-Haut. Comme son Fils, elle accepte la Croix par amour pour les frères et sœurs de Jésus. Son "oui" est d’autant plus fervent qu'elle est restée à l'écoute de l'Esprit qui l'éclairait peu à peu au sujet des conséquences, décisives et inouïes pour le genre humain, de ce signe de contradiction — sans préjudice de l'obscurité de sa foi et de son mérite à accepter la volonté de Dieu en pareil moment. Aussi est-elle en mesure de nous initier aux secrets de la Sagesse de la Croix qui ne se livre ni aux tièdes, ni aux curieux dilettantes.
"Écoutez et votre âme vivra !"
Le Cœur immaculé de Marie est tel parce qu’il sait faire la différence entre paroles divines et propos inconsistants, oiseux ou inconvenants. On finit par devenir ce que l’on écoute. Les chefs sectaires savent cela. La Vierge a un Cœur immaculé parce qu’elle se plaît en la compagnie de Dieu et qu’elle savoure, comme elles le méritent, les paroles qui sortent de Sa bouche. Dès sa jeunesse, elle a médité les paroles rapportées par le prophète Isaïe : "Prêtez l'oreille et venez à moi, écoutez et votre âme vivra !" (Is 55, 3). Qu’à son école, nous devenions nous aussi attentifs aux paroles de grâce de l’Évangile !