La Trinité n'est pas un mystère quasi-incompréhensible à contempler à distance, comme on admire une merveille architecturale qui défie l'imagination. Le mystère du Dieu unique en trois personnes représente au contraire la réalité qui nous est la plus proche et la plus intime. La vie courante d'un chrétien se déroule en effet en présence de la Trinité. Plus : les trois personnes divines habitent en lui depuis le baptême ! C'est ce que l'on appelle l'"inhabitation".
La Trinité habite en nous depuis le baptême
Généralement, on nomme l'Esprit Saint « l'hôte très doux de nos âmes ». Cette façon de parler pourrait nous induire à penser que l'Esprit est une Personne indépendante. Or le christianisme est un monothéisme qui ne confesse qu'un seul Dieu. Aussi, en tant que personne divine, l'Esprit Saint n'est-il jamais séparable des deux autres personnes, le Père et le Fils. La Trinité n'est pas un ménage à trois intermittents. Aucune des personnes divines n'est jamais sans les deux autres. Ce qui signifie que l'Esprit n'habite jamais en nous sans que le Père et le Fils ne soient également présents. « Je suis dans le Père, et le Père est en moi » (Jn 14, 10), déclare Jésus. À cette immanence mutuelle des deux premières personnes divines (le fait qu'elles soient l'une dans l'autre), on doit adjoindre l'Esprit. Le Père et le Fils ne sont jamais sans l’Esprit. « Dans la plénitude du mystère trinitaire, le Père et le Fils sont Père et Fils dans l'Esprit Saint » (Les traditions grecque et latine concernant la procession de Saint-Esprit. Clarification du Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens, 1995).
"Quoiqu’égales en divinité, les trois personnes de la Trinité sont différentes, et c’est dans avec leurs différences propres qu’elles viennent habiter l’âme des croyants."
Cette immanence mutuelle des personnes divines n'est pas semblable à une contenance matérielle (Dieu est esprit !), mais ne se réduit pas non plus à un lien moral. C'est une unité inscrite dans la nature du Dieu unique. Toutefois, cela ne signifie pas non plus que les Personnes divines soient interchangeables. Le Fils est dans le Père comme dans sa source, le Père dans son Fils comme dans son expression parfaite, enfin l'Esprit est en eux deux comme celui qui procède d'eux et qui scelle leur union sans être ni postérieur ni inférieur à eux. Quoiqu’égales en divinité, les trois personnes de la Trinité sont différentes, et c’est dans avec leurs différences propres qu’elles viennent habiter l’âme des croyants.
C'est toute la Trinité qui habite en nous
Le Dieu Trinité ne se contente pas de nous donner la vie et le Salut. Il se donne à nous en venant faire sa demeure dans notre maison intérieure, selon la parole de Jésus : "Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera et nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui » (Jn 14, 23). Nous sommes les temples de Dieu. À ce titre, nous hébergeons les trois Personnes divines en vertu de leur inséparabilité — inséparabilité découlant de l'unité divine. « L'Esprit se trouvant en nous, le Père et le Fils viendront et feront leur demeure en nous : car la Trinité est indivise et sa divinité est une, et il n'y a qu'un seul Dieu qui est au-dessus de tous et agit en tous et est en tous » (Athanase d'Alexandrie, Lettres à Sérapion, III, 6). Toutes les actions de Dieu en faveur des hommes sont communes aux trois Personnes. Elles sont réalisées de la part du Père par le Fils et dans l'Esprit. L'inhabitation de Dieu en nos âmes ne fait pas exception. Elle aussi est attribuée aux trois personnes de la Trinité. Jamais une personne divine ne vient habiter en nous sans les deux autres.
La différence trinitaire, source de richesse intérieure
Cependant, si les personnes divines ne sont pas des clones, et qu'elles gardent leurs caractéristiques propres, comment se traduit ces différences dans leur séjour en nous ? En fait, chaque personne divine vient habiter dans le croyant avec ce qu'elle a en propre dans sa relation aux deux autres personnes au sein de la vie de la Trinité. Concrètement, cela implique que le Fils habite en nous en tant qu'engendré dans l'Esprit par le Père. De son côté, ce dernier est en nous comme étant Celui qui engendre le Fils et qui spire l'Esprit. Quant à l'Esprit, il habite en nous comme celui qui procède du Père par le Fils. Ainsi chaque personne divine entre-t-elle en relation avec le croyant en fonction de son être relationnel au sein de la Trinité.
"Chaque personne divine vient habiter dans le croyant avec ce qu'elle a en propre dans sa relation aux deux autres personnes au sein de la vie de la Trinité."
Ces différences dans l'inhabitation sont source de richesses intérieures pour le croyant parce que le rapport qu'il entretient avec chacune des personnes de la Trinité est différent de ceux qu'il cultive avec les deux autres. Il entre en rapport avec le Père comme son fils adoptif, avec le Fils comme son frère qui attend du Verbe une parole de sagesse en se laissant engendrer par le Père, avec l'Esprit comme le priant qui aspire à goûter l'amour divin qui circule entre les Trois de la Trinité. Le croyant ne s'adresse pas à Jésus comme il s'adresse à son Père quant à sa relation de filiation. C'est le Père qui nous adopte, non son Fils !
Richesse de la prière à la Trinité
Chaque personne divine habite donc en nous d'une façon qui lui est propre. Cependant, ces différences ne remettent pas en cause l'unité divine, car ce qui est propre à chacun des Trois divins est précisément l'être relationnel qui est le sien dans la Trinité éternelle : par exemple, le Fils est engendré du Père et souffle avec Lui activement l'Esprit. Si bien que lorsque je prie une personne divine qui habite en moi, je suis automatiquement mis en relation avec les deux autres ! Prier le Père, c'est aussi prier le Fils qui m'apprend comment me comporter charitablement en fils bien-aimé du Père céleste. Et c'est prier simultanément, même inconsciemment, l'Esprit qui m'insuffle les sentiments de Jésus vis-à-vis de son Père ! La pluralité de personnes divines que le croyant héberge en lui représente ainsi une source ineffable d'enrichissement intérieur, sans que jamais l'unité divine ne soit perdue de vue.