Aujourd’hui, Vendredi saint, c’est un condamné qui va devoir affronter l’épreuve de la Via Crucis pour une mort parmi les réprouvés au Golgotha.
“Crucifie-le ! Crucifie-le !”. Tel est le terrible cri impératif adressé au gouverneur Ponce Pilate par la foule réunie. Ils sont loin les jours d’allégresse et des rameaux déposés devant Jésus entré à Jérusalem glorieusement… Aujourd’hui, Vendredi saint, le Christ va devoir affronter l’ultime épreuve : celle de la Via Crucis, ou Chemin de croix, qui va le conduire jusqu’au Golgotha.
Les heures qui ont suivi son arrestation ont été plus qu’épouvantes pour Jésus. Interrogé, maltraité, frappé pour enfin subir la terrible flagellation dont Mel Gibson a laissé dans son film La Passion un témoignage sanglant de cruauté… Ecce Homo – Voici l’homme ! – prononcé par Pilate devant la foule haineuse montre Jésus défiguré par le supplice, le serviteur souffrant n’avait plus face humaine comme l’avait annoncé le prophète Isaïe : “La multitude avait été consternée en le voyant, car il était si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme ; il n’avait plus l’apparence d’un fils d’homme” (Is 52, 14). Mais Jésus devra porter sa croix jusqu’au terme, celui du Golgotha. Il lui faudra subir cette montée éprouvante parmi les rues étroites de Jérusalem, quelques centaines de mètres seulement, mais une cruelle montée, affaibli par les coups et chargé du poids de la croix.
La montée vers le supplice
La tradition avait fixé le début de la Via Dolorosa – parcours qu’allait parcourir Jésus jusqu’à son supplice au Golgotha – à partir de la citadelle l’Antonia qui surplombait l’esplanade du Temple au nord-ouest, où était établi le prétoire de Pilate. Cette place forte fut détruite en 70 par les armées de Titus et rien n’en a subsisté, en-dehors d’un éperon rocheux. Mais les recherches historiques et archéologiques les plus récentes tendent à invalider cette hypothèse pour retenir plutôt l’ancien palais d’Hérode, situé à l’opposé à l’ouest de la vieille ville.
Si de nos jours la Via Dolorosa commémore cette lente procession vers le lieu du supplice, le pèlerin ne doit pas oublier que les rues de Jérusalem ne sont plus exactement celles que connut Jésus, la ville ayant été à de nombreuses reprises détruite, ravagée et le niveau archéologique de cette époque enfoui dans le sol à plusieurs mètres de profondeur. Il demeure, cependant, que ces vieilles ruelles aujourd’hui encore arpentées par les pèlerins reproduisent un cadre proche de celui que connut le Christ avec leurs façades anciennes datant essentiellement du XVIIe siècle. Eusèbe, évêque de Césarée et premier historien de l’Église au IVe siècle, chercha à établir avec l’Onomasticon l’archéologie des lieux saints à partir de la Bible.
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Le Moyen Âge, notamment avec les franciscains, a ainsi fixé dans la pierre les stations évoquées dans les Évangiles fondant la tradition du Chemin de croix, ou Via Crucis, dénomination latine que le compositeur Franz Liszt reprendra pour l’une de ses plus belles œuvres musicales sacrées. Initialement au nombre de huit, puis augmentant jusqu’au chiffre de quatorze, ce sont elles qui sont suivies de nos jours même si elles ne sauraient indiquer le cheminement exact suivi par Jésus. C’est donc plus par la foi et la méditation des textes de la Passion de Matthieu, Marc, Luc et Jean que le fidèle pourra marcher sur les pas du Crucifié, plutôt que par un illusoire respect archéologique en gravissant la Via Dolorosa à Jérusalem qui mène au Golgotha.
La crucifixion au lieu du Crâne ou Golgotha
En revanche, s’il existe une pleine certitude quant aux dernières heures de vie de Jésus, c’est bien le fait qu’il fut crucifié en dehors de la ville même de Jérusalem, au lieu dit du Crâne ou Golgotha. “Arrivés en un lieu dit Golgotha, c’est-à-dire : Lieu-du-Crâne (ou Calvaire)” rappelle l’évangéliste Matthieu (Mt 27, 33). On parvenait en cet endroit désolé de carrières et de tombes par une porte nommée Ephraïm, située précisément au nord de la muraille, aujourd’hui disparue. Un lieu qui surprend le pèlerin s’attendant à un haut promontoire tel que l’a souvent représenté le cinéma et n’y trouvant qu’une simple colline. Cette dernière est de nos jours recouverte par l’impressionnante basilique du Saint-Sépulcre.
C’est en ces lieux désolés que Jésus fut crucifié avec deux bandits. C’est encore le temps des insultes et des injures lancées par la foule : “Toi qui détruis le Sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, si tu es Fils de Dieu, et descends de la croix !”. Les grands prêtres, les scribes et les anciens enjoignent la foule en disant : “Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Il est roi d’Israël : qu’il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui ! Il a mis sa confiance en Dieu. Que Dieu le délivre maintenant, s’il l’aime ! Car il a dit : “Je suis Fils de Dieu”” (Mt 27, 41-43).
La mort sur la croix survenait par étouffement et c’est pendant plusieurs heures que Jésus subit ce supplice ponctué de rares paroles, parmi lesquelles les poignantes Sept dernières Paroles du Christ : “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?”, issues du psaume 21, et sublimement mises en musique par les plus grands compositeurs notamment Haydn. Il ne s’agit pas là d’un quelconque doute émis par Jésus, mais de la confiance absolue du serviteur divin tel que l’évoque le même psaume un peu plus loin, et que le Christ entend suggérer en un dernier souffle alors qu’il se trouve supplicié sur la Croix : “Tu m’as répondu ! Et je proclame ton nom devant mes frères, je te loue en pleine assemblée”. Tout est accompli ! Et le Christ rendit l’esprit…
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