Le mérite des textes du théologien Benoît XVI et du cardinal Sarah est de proposer une réflexion sur ce qui est en jeu et ce qui ne l’est pas dans le célibat du prêtre. Elle aide à saisir pourquoi son inestimable beauté suppose une vie spirituelle soutenue pour le vivre comme pour le comprendre.Le doute s’empare sur la nature du livre publié sous la signature de Benoît XVI et du cardinal Sarah. Il semble avant tout vouloir instaurer un rapport de forces et souligner une différence de perspectives avec le pape François. Pourtant, quiconque connaît la position du pape François sur le don que représente le célibat sacerdotal ne peut imaginer qu’il instaure de nouvelles normes pour l’Église universelle. Il disait : « Je préfère donner ma vie avant de changer la loi sur le célibat. Personnellement, je pense que le célibat est un don pour l’Église. Je ne suis pas d’accord pour permettre le célibat optionnel, non. » Prétendre le contraire serait vouloir semer le doute sur la capacité de François à maintenir la riche tradition de l’Église.
Dans un temps de scandales et de procès comme le nôtre, le décalage entre une défense de positions théologiques ou ecclésiologiques et l’état général de l’opinion peut avoir des effets d’offuscation assez dévastateurs. Surtout en France. Rappelons, puisque l’occasion s’y prête, quelques éléments de nature à mieux comprendre ce qui est en jeu et ce qui ne l’est pas dans le célibat d’un prêtre.
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Le prêtre : son rôle
De façon schématique, le prêtre est celui par qui l’Église reçoit de Dieu et donne aux fidèles ce que l’humanité ne peut jamais se donner à elle-même : le Pain de la vie éternelle, le Corps ressuscité du Seigneur Jésus dont la présence est la nourriture des âmes immortelles. Ce don de la présence du Seigneur est rendu rituellement accessible dans le sacrement de l’autel. L’autel en chaque église est le signe du sacrifice de Jésus-Christ. Le prêtre est donc avant tout le serviteur de l’amour du Christ lequel se donne dans la célébration des sacrements (qui sont au nombre de sept).
Le prêtre : être signe
Mais le prêtre fut aussi appelé à devenir peu à peu le signe visible de ce qu’il donne : le Christ. À l’autel, le prêtre célébrant la messe (le saint sacrifice de l’unique Grand-Prêtre), est revêtu d’ornements sacerdotaux. Par ces vêtements qui sont la charité du Christ, il est soustrait à sa propre condition masculine d’homme pour rendre présent et visible le Christ invisible, siégeant à la droite du Père. L’Église latine a voulu que la vie du prêtre soit toute entière orientée par l’autel. Il se prépare à célébrer sa prochaine messe ou il descend de sa dernière célébration. L’autel est l’axe autour duquel gravite la vie du prêtre. D’antique tradition, le prêtre dévoué au service de l’autel est tenu d’être abstinent la veille du jour où il célèbre. Devant célébrer l’Eucharistie chaque jour, le prêtre latin est appelé à être abstinent la veille de chaque jour, donc tous les jours. « De la célébration quotidienne de l’Eucharistie, qui implique un état de service de Dieu permanent, naquit spontanément l’impossibilité d’un lien matrimonial » souligne Benoît XVI.
Le don d’une grâce particulière
Ce célibat répond donc d’une nécessité rituelle qui fut investie d’une dimension spirituelle : le prêtre est appelé à s’identifier au Christ pour célébrer la messe et il est appelé à le rejoindre de tout son être par une vie spirituelle soutenue. Cet appel prend clairement la forme d’une consécration dans un célibat choisi, qui ne peut qu’être un don venant du Seigneur lui-même. L’Église catholique a choisi de n’appeler au sacerdoce que des hommes en qui elle aura discerné durant les années du séminaire, l’aptitude du candidat à ce célibat et à ses luttes plus ou moins périlleuses ou fécondes. Si le célibat sacerdotal ressort clairement de la discipline de l’Église, il exprime plus qu’une simple discipline. Le pape émérite Benoît XVI et le cardinal Sarah semblent estimer qu’il convient de continuer à le présenter (et le proposer) non comme une privation mais comme une expression positive de ce que le prêtre incarne. François n’en doute pas. Le célibat impliquant une continence parfaite et perpétuelle suppose le don d’une grâce particulière, afin d’assumer l’existence d’une vie chaste et abstinente.
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D’aucuns la jugent aujourd’hui impossible car ce n’est pas sans poser des problèmes d’ordre psychique ou physiologique pour un certain nombre de prêtres, comme l’actualité le prouve régulièrement. Il y aurait donc une face lumineuse et spirituelle du célibat sacerdotal et une face plus douloureuse d’un combat permanent, parfois évoqué. Clairement, la qualité de la vie spirituelle reste la clé de sa lisibilité (un choix et non une privation) et de sa faisabilité (le soutien de la grâce divine agissante). D’une certaine manière, c’est à la qualité de la vie spirituelle des communautés chrétiennes que répond la qualité de la vie spirituelle des prêtres : elles s’entraînent mutuellement et c’est la sainteté du prêtre qui nourrit la conversion de la communauté.
Une vie spirituelle soutenue
Face à des fidèles qui perçoivent peu la signification des sacrements et qui sont immergés dans une société où la séduction et la sexualité sont à tous les coins de rue ou de clics, le célibat du prêtre est perçu comme une incongruité. La possibilité d’en rester au strict rôle du prêtre (ministre des sacrements) et de le dispenser d’être aussi le signe de Celui qu’il représente même en dehors de la célébration de la messe (son identification au Seigneur Ressuscité dans l’Esprit saint) reste une option que les tenants d’une fidélité à la Tradition de l’Église ne veulent pas. C’est le sens du « lien ontologico-sacramentel » que défend le cardinal Sarah.
Le mérite de cette réflexion, finalement jamais close mais jamais grave, sera de redécouvrir pourquoi le sacerdoce est essentiel à la vie de l’Église et pourquoi son inestimable beauté suppose une vie spirituelle soutenue pour le vivre comme pour le comprendre.
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