Qu’en est-il de la mission en France aujourd’hui ? Aleteia a rencontré l’abbé François Dedieu. Prêtre du diocèse de Nanterre, curé de paroisse, il est référent des Cellules paroissiales d’évangélisation pour la France, un mouvement missionnaire qui s’inscrit dans le cadre paroissial.Aleteia : Aujourd’hui, peut-on vraiment parler d’urgence de la mission ?
Abbé François Dedieu : Oui ! Avec son exhortation Evangelii gaudium, le pape François a probablement aidé beaucoup de gens à aller plus loin que ce qu’ils vivaient précédemment. Il a en particulier souligné que tout baptisé est “disciple-missionnaire”. Cette expression qu’il a utilisée aide beaucoup de personnes à prendre conscience qu’elles sont appelées à cela. S’il y a encore du travail, en France, je vois un certain nombre de paroisses où les choses bougent, même si c’est lent. Il y a une prise de conscience de la part de nombreux prêtres de la nécessité de l’évangélisation. “L’Église existe pour évangéliser”, disait le pape Paul VI. Beaucoup de curés prennent conscience qu’ils ne sont pas de simples gestionnaires de paroisses mais qu’ils ont besoin d’entrer dans une sorte de dynamique de l’évangélisation, et beaucoup de fidèles commencent à prendre conscience de cette urgence. Je pense que nous sommes dans une époque de mouvement. Des propositions comme les parcours Alpha et Des pasteurs selon mon cœur ont aidé à ouvrir les yeux sur l’urgence de la mission. C’est l’identité de l’Église : elle est faite pour évangéliser. Dans notre monde qui oublie Dieu, il y a une urgence à faire connaître le Christ et l’amour de Dieu.
Si la mission aujourd’hui vit un renouveau, quel est le missionnaire du XXIe siècle ?
Avant, quand on pensait au missionnaire, on avait tendance à se représenter quelqu’un qui partait à l’autre bout du monde. À présent, je vois deux différences majeures. La première, c’est que l’on commence à ouvrir les yeux sur l’urgence de la mission là où nous sommes, autour de nous, dans nos villes. Alors que les pratiquants représentent 3% de la population, on se rend compte que l’on n’est pas en terre de chrétienté et que l’urgence d’une nouvelle évangélisation est là. On comprend que la France est elle-même un pays de mission. Aujourd’hui, on ouvre les yeux là-dessus. La sécularisation, la présence d’autres religions — en particulier l’islam — permettent à beaucoup de prendre conscience qu’ils ne sont plus dans un monde chrétien. Le deuxième changement, c’est le fait que la mission ne soit pas une affaire de spécialistes. Elle est près de nous, auprès de nos voisins, de nos collègues, dans nos familles, et concerne chacun. Il y a un changement de zone — ce qui n’empêche pas continuer la mission à l’autre bout du monde. Mais elle n’est plus qu’une affaire de religieux.
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Comment se mettre dans une dynamique paroissiale missionnaire ?
Des initiatives, il y en a beaucoup. Il ne s’agit pas de coller à tel modèle ou tel autre, mais d’être attentif à ce que l’Esprit saint nous dit. Dans ma paroisse, nous avons développé l’adoration eucharistique, qui est indispensable. C’est l’Esprit saint qui est le grand évangélisateur : nous ne sommes que ses serviteurs. Nous avons aussi des missions tournées vers l’extérieur, vers des gens que l’on ne connaît pas à travers du porte-à-porte et des missions de rues, et qui donnent de très beaux fruits. Globalement, nous sommes bien reçus, parfois même attendus. Et puis, avec Visitatio se sont développés des soins palliatifs à domicile. Les initiatives naissent de rencontres, c’est important d’être attentif à ce qui se vit ailleurs et chez nous. Il y a une vraie question de disponibilité aux appels de l’Esprit. Il n’y a pas de règle toute faite ni de mode d’emploi d’une paroisse missionnaire, mais un discernement à opérer par le pasteur et la communauté afin de voir quels sont les outils qui correspondent.
“Il ne suffit pas d’arriver avec des outils, aussi bons soient-ils. Ce que l’on veut, c’est faire la volonté de Dieu dans notre secteur, en écoutant les besoins et en restant attentif à la réalité locale.”
Attention à ne pas croire qu’il y a une recette magique et qu’un coup de baguette serait suffisant pour que tout fonctionne. Il ne suffit pas d’arriver avec des outils, aussi bons soient-ils. Ce que l’on veut, c’est faire la volonté de Dieu dans notre secteur, en écoutant les besoins et en restant attentif à la réalité locale. Aux Cellules paroissiales d’évangélisation, de rencontre en rencontre, nous formons les gens pour qu’ils puissent témoigner de leur foi auprès de leurs proches, c’est-à-dire de leurs familles, leurs collègues, leurs voisins, ces gens qu’ils voient tous les jours et vers lesquels le Seigneur les envoie. En étant attentif à l’œuvre de Dieu dans ma vie, j’entre dans un mouvement d’action de grâce. Ensuite, je suis de plus en plus attentif à son action dans ma vie. Et enfin, puisque j’étais capable de le dire une fois dans le cadre de la cellule à des gens qui vivent un peu la même chose que moi, je deviens capable de le dire pour d’autres. J’apprends à mettre les mots sur cette expérience de foi et donc à en témoigner de façon très simple auprès des personnes que je côtoie chaque jour.
Pour être un bon missionnaire, doit-on nécessairement être lié à une paroisse ?
Pendant longtemps, on a eu tendance à mettre la mission à côté de la paroisse, comme si cette dernière était uniquement le lieu réservé aux sacrements, où l’on vient pour la messe et pour se confesser, et que le reste était à côté, porté par les mouvements. Or, la paroisse est vraiment la structure de base de l’Église. Elle a une capacité énorme. On dit souvent qu’elle est comme un géant endormi qu’il faut réveiller. Il s’agit de découvrir que le Seigneur nous envoie là où nous sommes. Cela n’empêche pas de faire partie de tel ou tel mouvement, mais si je fais de l’évangélisation à côté et que dans ma paroisse, sur mon marché, là où je vis, je ne fais rien, il y a des question qui se posent. Il s’agit tant pour les mouvements que pour les paroisses de transformer la vie chrétienne en une vie authentique pour que chacun devienne missionnaire là où il est. Il y a une vraie articulation à avoir entre les mouvements et les paroisses. Ayons confiance en Dieu. Il nous appelle à la mission et il nous donne les moyens de la vivre. Cela va passer par la prière, qui nous permet de dépasser nos propres peurs. Le fait de savoir que nous ne sommes pas seuls doit nous permettre d’oser avancer.
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