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La contemplation est affaire à la fois de proximité et de mystère. Si le mystique n’est pas proche de Dieu, il ne peut ni le saisir ni le voir. Il court alors après une chimère, un nuage gazeux sans consistance. D’un autre côté, si notre apprenti contemplatif n’est pas conscient de l’infinité de Dieu et de l’impossibilité de le saisir complètement, il prend le risque de le confondre avec l’idole que son esprit a fabriquée. Car Dieu demeure toujours plus grand. À mesure que le contemplatif se rapproche de lui, qu’il devient plus familier de ses pensées et de ses mœurs, Dieu se fait toujours plus mystérieux. Comme si on ne pouvait entrer dans son intimité sans que devienne plus dense la profondeur du mystère inhérent à son Être. Telle fut l’expérience de la Vierge Marie à Bethléem, la nuit de Noël.
Une mère délicate et en adoration
Dieu proche et mystérieux : à Noël, la Vierge Marie nous initie à cette double caractéristique de celui qui est au-delà de tout. Certes, la proximité de Marie avec Dieu ne date pas du jour de naissance de Jésus. Cette proximité s’enracine chez elle dans le projet divin auquel elle a été initiée bien plus tôt. En effet, l’enfant qu’elle met au monde à Bethléem, Marie en connaît parfaitement la provenance. Elle sait qu’il vient de Dieu. L’ange lui a révélé que l’Esprit saint le concevrait en son sein, et elle a dit « oui » à la volonté divine en toute connaissance de cause. Depuis ce jour, Marie est consciente que Jésus représente l’accomplissement de la promesse qui court tout au long des Ecritures d’Israël. Simultanément, en cette nuit très sainte, elle a l’intuition que cette naissance est le commencement d’une aventure qui dépasse de très loin sa sphère personnelle, ou celle de sa famille et sa tribu. Car cet enfant, aussi proche qu’il soit d’elle, lui reste pour une part un mystère. La familiarité de la Vierge avec Jésus ne se réduit pas à la simple dimension affective. Marie a conçu avec sa foi avant de le faire dans son corps, écrivait Saint Augustin. Or, cette foi ne s’est pas volatilisée à Noël. Le mystère demeure !
Marie sait que l’enfant qu'elle tient dans ses bras est Fils de Dieu, qu’il est Dieu lui-même ! Elle est consciente d’entourer de ses bras Celui qui ne peut être contenu par rien, l’Illimité en personne ! Elle lange un nouveau-né qui a été engendré par le Père avant les siècles. Elle berce l’Éternel qui n’a jamais connu de commencement dans le temps ! Comment le mystère pourrait-il disparaître avec de tels défis lancés à la raison ? Si proche de Jésus qu’elle soit en cette nuit de Noël, Marie reste en adoration devant lui.
La première initiée au mystère de la Trinité
Seule la foi est capable d’intégrer ces paradoxes abyssaux. Ceux-ci restent incompréhensibles tant qu’on n’accède pas à la foi en la dimension trinitaire de Dieu. En effet, en ces jours de Noël, la Vierge de Bethléem n’est pas seulement en communion de cœur avec son Fils, mais aussi avec le Père qui le lui a donné, et avec l’Esprit qui l’a conçu en elle, cet Esprit en lequel elle s’émerveille et rend grâce pour un tel don. La Vierge est la première spirituelle (et théologienne) trinitaire de l’histoire !
Le Dieu-Trinité a bien agi dans son existence comme Il ne fera jamais avec aucune créature ! Cependant, malgré la présence bien concrète, bien palpable, de Jésus dans ses bras, ce qui est en train de lui arriver à Noël est tellement inouï, tellement déroutant, tellement merveilleux, qu’il lui faut le secours de la foi pour l’intégrer spirituellement, pour tenter humblement d’en prendre la mesure — dans les limites de notre intelligence humaine !
Oui, elle a bien enfanté le Fils éternel du Père ! Oui, Dieu nous aime au point de nous livrer celui qui lui est aussi cher que lui-même ! Qui aura assez de mots pour dire l’inouï de cet Amour qui passe toute compréhension ? La proximité déroutante de l’événement de Noël n’annule pas le mystère. Voilà pourquoi saint Luc décrit la Vierge comme celle qui « conservait avec soin tous ces paroles-événements, les rassemblant dans son coeur » (Lc 2,19). Pour Marie, la présence concrète de Jésus ne rend pas les actes de Dieu plus évidents pour autant. Comme nous, elle chemine dans la foi, creusant sans cesse la signification des événements de Noël, les éclairant les uns par les autres.
Une proximité avec Dieu qui ne cessera de s’approfondir
Un tel Amour inimaginable est bien dans la nature de Dieu, puisque Dieu est l’Incompréhensible par excellence ! Dieu n’a jamais été aussi proche de nous. Cependant, il reste tout aussi mystérieux dans son excès de lumière. Cela, Marie le sait. Marie sait. Marie sait que son fils est le Fils du Père. Pourtant, elle reste bouleversée par l’Amour que Dieu manifeste en actes onéreux pour les pauvres pécheurs que nous sommes. Dieu assume une généalogie humaine, où se côtoient justes et pécheurs. « Les premiers seront les derniers » dira-t-il plus tard. Comme si Dieu désirait se surpasser toujours plus en miséricorde. Non content de se pencher sur notre misère, voilà qu’il l'assume en cette nuit de Noël, en s’insérant dans une généalogie faite de hauts et de bas. Dieu n’a pas trouvé de moyen plus approprié de réparer l’exercice de notre liberté blessée par le péché que de partager notre condition, d’exercer la sienne à notre niveau ! En lui coïncident abaissement et élévation. Sa gloire consiste à venir chercher la brebis perdue. Abaissement qui n'enlève rien à sa divinité, puisque celle-ci a pour nature l'Amour. Dieu toujours plus grand, même au sein de la plus grande proximité !
Marie sait tout cela, et cependant elle est débordée. Elle le sera d’ailleurs de plus en plus au fur et à mesure que son Fils grandira. Sa foi ne cessera jamais de s’approfondir jusqu’au pied de la Croix. La maman de Bethléem est proche de son enfant. Toutefois, cet enfant ne lui appartient pas tout à fait. Il est celui de la promesse faite à Israël, et surtout le Fils du Père. Sa proximité avec lui devra s’affiner au fil du temps. Marie deviendra toujours plus proche de Jésus, mais au prix de quels renoncements ! Pour l’heure, son bonheur est parfait à Bethléem.
Marie la contemplative
Déjà, à Bethléem, la mère de Jésus n'en reste pas à l’attendrissement. Dans le visible, elle discerne l’invisible. Dans Jésus, elle discerne la tendresse du Père et de l’Esprit. La Vierge de Noël n’est pas seulement la patronne de toutes les mères du monde. Elle l’est aussi de tous les théologiens ! Son cœur n’est pas seulement sentimental. Il s’élève jusqu’au don de sagesse, ce don de l’Esprit qui nous fait goûter la saveur de l’Amour transcendant de la Trinité. La Vierge de Noël regarde Jésus en Dieu.
Elle n’oublie pas les hommes pour autant. Mais elle sait qu’il n’est pas de manière plus respectueuse de les aimer que de les aimer en Dieu. Pour elle, le fils qu’elle tient entre ses bras n’est pas seulement le « petit Jésus » attendrissant, mais surtout le Fils donné au monde par le Père, le Fils donné pour que s’accomplisse notre adoption filiale divine.
En ces jours de Noël, il n’est pas superflu de demander à la Vierge contemplative la grâce de nous faire toucher par le cœur la hauteur, la largeur et la profondeur de l’Amour incompréhensible de Dieu !