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Quand Mikhaïl Gorbatchev, décédé ce 30 août 2022, s’est engagé auprès de Jean Paul II à redonner droit de cité à l’Église "gréco-catholique" de l’Ouest de l’Ukraine, lors de leur rencontre à Rome le 1er décembre 1989, il a rendu leur liberté à cinq millions de croyants contraints à la clandestinité depuis près d’un demi-siècle.
Les catholiques de rite byzantin-slave sont les fidèles de l’Église issue de "l’Union de Brest-Litovsk" de 1596 des évêques orthodoxes "ruthènes" des trois diocèses de Lviv, d’Ivano-Frankivsk et de Ternopil avec la papauté : ces évêques avaient décidé ce retour à l’unité avec Rome, sous l’influence de princes polonais présents sur leur sol, pour se préserver de l’hégémonie russe du Kremlin tsariste. Née de cette union religieuse et diplomatique, l’Église "gréco-catholique" d’Ukraine occidentale, parfois appelée "uniate", a conservé le rite byzantin de son passé orthodoxe. Elle a continué à ordonner prêtres des hommes mariés, mais a accepté la théologie de l’Église catholique qu’elle rejoignait. D’autres "gréco-catholiques" s’étaient ralliés à Rome en 1646 en Ukraine subcarpathique, près de la Slovaquie et de la Hongrie, par l’Union d’Oujhorod : au XXe siècle, ils ont subi le même sort que les autres "Uniates".
Un faux synode
En 1920, issues de l’empire austro-hongrois démantelé, la plupart des paroisses gréco-catholiques sont incorporées à la Pologne étendue à l’Est. Mais en 1939, après le partage de la Pologne entre Moscou et Berlin, elles se retrouvent soviétisées dans l’Ukraine étendue à l’Ouest. En mars 1945, Staline décide "la séparation de l’Église gréco-catholique en URSS d’avec le Vatican et sa future intégration à l’Église orthodoxe russe". Un faux synode est organisé à Lviv en mars 1946 par l’administration soviétique : celle-ci prétend par voie d’affiches qu’il "a décidé de liquider l’Union de Brest de 1596, de rompre avec Rome et de se réunir à l’Église orthodoxe de nos ancêtres".
L’archevêque métropolite de Lviv Yosyf Slipyi et les évêques avaient été arrêtés dès la nuit du 11 au 12 avril 1945. Ils ont été condamnés avec de nombreux prêtres et religieux à des peines de quatre à 25 ans de Goulag pour "trahison, menées antisoviétiques et contre-révolutionnaires". 700.000 personnes sont déportées en Sibérie ou au Kazakhstan.
Église des catacombes
En Transcarpatie en 1947, un évêque de 36 ans, Teodor Romja, est achevé sur son lit d’hôpital après un attentat manqué. Son successeur clandestin est arrêté en 1949 et condamné à 25 ans de Goulag. Le métropolite Slipyj ordonne en cachette des prêtres depuis son "camp pour croyants". Avant sa libération — obtenue par Jean XXIII — et son départ en exil à Rome en 1963, il consacre un secret un évêque qui sera emprisonné en 1969. Mais une Église des catacombes s’est organisée : "églises domestiques" chez des particuliers, liturgies clandestines dans les forêts, séminaires clandestins. Des ordres monastiques ont survécu en secret. Les prêtres subsistent en travaillant comme comptables ou techniciens.
Retour à Rome et à la liberté
Dans les années 1980, avec Jean Paul II, l’heure de la liberté a sonné, avec un Comité de défense de l’Église catholique ukrainienne d’un rescapé du Goulag, Ivan Hel. À cela s’ajoute la fronde générale provoquée par la catastrophe de Tchernobyl en avril 1986 dans toute l’Ukraine, en Biélorussie et au-delà. En 1989, après une grève de la faim, six évêques gréco-catholiques sortent de la clandestinité pour manifester à Moscou sur la Place Rouge. Le 17 septembre, une manifestation géante investit les rues de Lviv pour que cette Église retrouve le droit d’exister. C’est ce droit que Gorbatchev lui accorde à nouveau, le 1er décembre, à la demande de Jean Paul II.