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Le serment constitutionnel, une rupture révolutionnaire dans l’Église de France

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L'arrestation d'un prêtre ayant refusé de prêter serment de fidélité à la Constitution. Gravure du XIXe siècle, collection privée.

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Gabriel Privat - publié le 26/11/19
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L’anticléricalisme des Lumières ne fut pas le seul inspirateur de la Constitution civile du clergé : le jansénisme et le gallicanisme y eurent aussi leur part. La quasi-totalité des évêques et une grosse moitié des curés de France refuseront de signer le serment constitutionnel et de rompre avec la succession apostolique.

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Le 27 novembre 1790, l’Assemblée constituante ordonne à tous les prêtres de France de prêter le serment constitutionnel, formalisant leur adhésion à la Constitution civile du clergé. Pour eux, ainsi que pour tous leurs évêques, c’est une blessure au cœur de leur sacerdoce et de la foi catholique.

Un risque de rupture dans la succession apostolique

Prêter ce serment, c’est engager sa personne sur un texte transférant l’organisation de l’Église à l’État, créant pour ainsi dire un service public ecclésiastique nationalisé. Le conflit d’obéissance et d’intérêt avec la loyauté due au siège pétrinien est inévitable. La Constitution civile du clergé, fruit de longues discussions parlementaires durant l’année 1790 et la fin de 1789, confirme le redécoupage des diocèses et des paroisses pour les faire coïncider avec la carte administrative nouvelle. Cette évolution entraîne la disparition de plusieurs dizaines de sièges épiscopaux parfois très anciens et tous pourvus d’un titulaire.



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Outre ce redécoupage, la Constitution civile organise le salariat des ecclésiastiques auxquels est confiée une charge paroissiale ou épiscopale. Vicaires, curés et évêques sont payés par l’État et sous sa dépendance. Ce changement fait suite à la nationalisation, autrement dit la confiscation, de tous les biens possédés par des institutions ecclésiastiques et qui, jusqu’à présent, assuraient l’autonomie financière des cures, évêchés ou maisons religieuses. Enfin, curés de paroisse et évêques sont directement élus par les citoyens de la circonscription, l’autorité pontificale n’ayant qu’à valider le choix des Français. De telles dispositions ne constituent pas qu’un problème d’organisation, c’est la possibilité d’une rupture dans la succession apostolique entre l’Église en France et le reste de l’Église universelle.

Le précédent janséniste

Comment en sommes-nous arrivés là dans un pays où la population est baptisée dans la religion catholique à plus de 97% et où la pratique religieuse régulière oscille, selon les diocèses, de 50% à 100% des populations ? Pour le comprendre il faut se remémorer les deux siècles passés, marqués de querelles religieuses qui préparèrent le terrain de la rupture. La condamnation du jansénisme par la bulle Unigenitus en 1713 allait entraîner en dissidence ce courant spirituel né au XVIIe siècle et entraîner des contestations politiques et religieuses fort nombreuses durant les règnes de Louis XV et Louis XVI. On voit naître alors des thèses sur le conciliarisme, sur la notion de peuple des baptisés acteur de l’organisation ecclésiale, ou sur la considération de l’Église comme patrimoine national. Il n’est pas innocent de constater qu’à l’Assemblée de 1790, où siègent de très nombreux ecclésiastiques élus auparavant aux états généraux réunis en mai 1789, les clercs proches du jansénisme sont défenseurs d’une Constitution civile du clergé, dont la forme cependant alla bien au-delà de ce qu’ils demandaient. 

L’anticléricalisme des Lumières

La philosophie des Lumières n’est pas en reste non plus, avec ses considérations utilitaristes, qui l’amènent à estimer que les ordres religieux, et tout particulièrement contemplatifs, sont inutiles à la société. Cette même philosophie, avec ses réflexions sur la nation et l’individu, condamne les corps constitués, barrières à la volonté personnelle et à l’égalité entre citoyens. Les députés d’août 1789 supprimèrent tous les corps d’Ancien Régime, notamment les corporations. L’Église, comme corps indépendant de l’État, n’allait pas tarder à subir le même sort. C’est une suite logique. 


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En toute bonne foi, croyant agir pour le bonheur des hommes, le corps législatif s’attaque donc à l’indépendance et la puissance de l’Église comme corps social. L’assemblée est appuyée par un courant anticlérical surtout développé dans le petit peuple des artisans de Paris jadis pourtant très janséniste, comme il fut très ligueur au XVIe siècle. Elle s’appuie aussi sur des précédents malheureux dans l’histoire récente, comme l’interdiction de la Compagnie de Jésus en France, par le parlement de Paris, sous Louis XV, ou la suppression brutale de maisons religieuses contemplatives en voie d’extinction numérique, sous le même roi. Enfin, une partie du bas clergé soutient la réforme après avoir bien durement subi les inégalités de rang et de fortune au sein de la cléricature, notamment par rapport à leurs évêques ou aux chanoines prébendés.

Le déchirement de l’Église en France

Le conflit d’obéissance ne tarde pas. Le pape Pie VI était longtemps resté silencieux aux appels de Louis XVI et de nombreux évêques. Ce silence avait convaincu le roi de promulguer contre son gré la Constitution civile, et de nombreux clercs de prêter le serment demandé. La condamnation pontificale, tardive, entraîne la rétractation de nombreux prêtres assermentés, de la grande majorité des évêques jureurs, et confirme dans leur désobéissance au pouvoir civil ceux, fort nombreux dans les diocèses de l’Ouest, qui ont dès le début refusé la loi nouvelle.



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Il se trouve cependant assez de clercs jureurs pour nommer à toutes les charges ecclésiastiques et constituer, sous la tutelle de l’État, un clergé schismatique, souvent politiquement très engagé dans la voie de la Révolution. Le clergé réfractaire à la Constitution civile est toléré peu de temps, puis interdit et enfin franchement persécuté, fournissant nombre de martyrs, par décapitation, fusillade, noyade, tortures abjectes et déportation.

Le temps des persécutions

Lorsque s’amoncellent les nuages au-dessus de la France, avec la dévaluation de la monnaie, la guerre étrangère et les défaites, les réquisitions d’hommes et la chute de la royauté, plusieurs provinces, on le sait, entrent en révolte, en Vendée, Bretagne et Normandie principalement, mais aussi en Anjou et, dans une moindre mesure, dans le Midi blanc languedocien. Là-bas, le clergé jureur prend souvent part à la guerre civile, prêchant l’intransigeance républicaine en chaire et menant des colonnes de gardes nationaux. Le clergé réfractaire n’est pas en reste, dont plusieurs membres éminents mènent des groupes armés contre-révolutionnaires.



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Aux moments culminants de la Terreur révolutionnaire, cependant, même le clergé jureur connait la persécution. On fond les cloches, on abat les croix, on supprime toutes les références chrétiennes dans la toponymie comme le calendrier, voulant ainsi extirper des siècles de christianisme. Cette brutalité, cependant, ne reçoit que le rejet des foules, soit sous la forme du silence, soit de l’opposition franche et armée. La rapidité de la résurrection catholique à partir de 1815 montre cette adhésion profonde des peuples derrière leur silence face aux persécutions de la Révolution, puis face aux surveillances tatillonnes de la liberté surveillée sous l’Empire.

La réconciliation

Il fallut la poigne et la volonté pacificatrice d’un Bonaparte pour, en 1801, après de longues négociations, rétablir la paix religieuse et l’unité de l’Église en France, par la signature du Concordat avec le pape Pie VII. Ce concordat maintient plusieurs points de la Constitution civile et, somme toute, une certaine mainmise de l’État sur l’Église en tant que corps administratif. Mais il rend au siège de Rome son pouvoir de nomination des évêques et rétablit ainsi l’indispensable unité de la succession apostolique. Le culte, enfin, redevient libre et garanti. 


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