Depuis presque vingt ans, Patrick et Julita Moussette se donnent corps et âme à la restauration de l’abbaye de la Clarté-Dieu en Touraine. Achetée à l’état de ruine, cette fille de Cîteaux a aujourd’hui retrouvé sa superbe grâce à l’incroyable investissement de ce couple de passionnés.
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Tout commence en 2002. De passage en Touraine, Patrick et Julita, artisans tous les deux, sont à la recherche d’un lieu pour installer leurs ateliers respectifs mais aussi leur petite famille. Elle est sculptrice, lui ébéniste. Ils sont donc à la recherche de quelque chose de grand. Après plusieurs visites dans de vieilles bâtisses, rien ne semble correspondre à leur souhait jusqu’à ce que des amis leur présentent une ruine dans la commune de Saint-Paterne-Racan. Une rencontre qui va se transformer en coup de foudre.
Cette ruine, à peine visible au milieu des arbres et de la végétation, c’est l’abbaye de la Clarté-Dieu. Cette belle bâtisse, réduite à l’état de vestiges romantiques, connut autrefois un passé glorieux. Construite en 1240 sur ordre de Pierre des Roches, évêque de Winchester, elle est la 25e fille de Cîteaux. Comme le veut la tradition, douze moines quittèrent l’abbaye mère pour s’établir en Touraine. Après des années glorieuses, l’abbaye commence à s’affaiblir avant d’être fermée définitivement à la Révolution française. Passant dans les mains de différents propriétaires peu scrupuleux, elle finit pas tomber en ruine.
Julita Moussette se rappelle très bien de sa première impression à la vue de cette ruine. “Au début, nous pensions que c’était un peu trop grand mais on est tombé amoureux du site. On a alors décidé de tenter l’aventure”, confie-t-elle. Embarquant avec lui ses enfants, le couple décide, dès l’achat signé, d’y installer toute la famille. À ce stade, seul le logis abbatial du XVIIIe siècle, bien que fortement délabré, est le seul à pouvoir servir de maison. “Les débuts ont été rudes. Heureusement, des amis nous ont aidé à défricher le site puis nous avons attaqué la restauration des pièces, une à une. Sans eau, ni chauffage, ni électricité, la famille Moussette ne perd pourtant pas courage et poursuit l’aventure familiale avec confiance. “Heureusement, nous sommes très manuels avec mon mari. Cela ne nous a pas fait peur ! Nous avons appris le travail des moines. Un travail constant et quotidien”, confie Julita.
Véritable aventure familiale qui dure depuis dix-sept ans, la restauration de l’abbaye a été l’occasion de réunir toute la famille autour d’un projet commun. “Nos enfants nous ont aidé pendant longtemps et c’est aujourd’hui nos petits-enfants qui ont rejoint l’aventure”, confie-t-elle avec émotion. Si cette vie de bohème a pu parfois surprendre leur progéniture, Julita assure qu’ils ont cependant toujours eu l’habitude de vivre dans les travaux : “Notre première maison était une maison-forte en Dordogne du XVIe siècle que nous avons aussi restaurée. Les enfants étaient donc habitués”, dit-elle dans un sourire.
Si seulement un tiers des bâtiments du XIIIe siècle ont résisté au temps, l’abbaye cistercienne dévoile tout de même quelques éléments d’une rare beauté, notamment le bâtiment des frères convers dont la charpente est pratiquement inchangée depuis sa construction en 1274. Par son ampleur et son style, elle est unique aujourd’hui en Région Centre. La réfectoire des convers fait aussi partie des plus belles pièces à admirer avec son voûtement d’ogives et ses colonnes sans chapiteaux. Aujourd’hui, il sert de lieu de réception ou de concerts. Depuis plus de dix ans, le couple accueille en effet un festival de musique classique tandis que la plus jeune des filles a monté, il y a maintenant trois ans, un festival de jazz et de musiques du monde afin de faire connaître l’abbaye et dynamiser la vie locale. “De plus en plus de professionnels nous contactent pour venir jouer ici”, confie avec fierté Julita. Quant à l’abbatiale, qui jouxtait autrefois le cloître, elle a malheureusement disparu mais les traces de ses fondations permettent d’imaginer son ampleur.
Aidée par des amis fidèles et des villageois enthousiasmés par le projet, la famille Moussette a sans aucun doute sauvé ces vestiges d’une mort certaine. Les travaux, exclusivement financés au début par leurs économies personnelles, ont été soutenus par la suite par des subventions publiques et des prix, notamment depuis l’inscription aux monuments historiques en 2011. L’association des amis de la Clarté-Dieu, qui compte aujourd’hui 300 membres, a été aussi une précieuse aide pour la famille. “Les gens du village ont été ravis de voir le monument renaître de ses cendres. Comme eux, nous nous sommes passionnés pour l’histoire de cette abbaye et il nous paraissait naturel d’en faire profiter tout le monde, même le grand public.”
Conscient que l’on ne restaure pas une abbaye comme on restaure un château, le couple reste fasciné par le passé spirituel de l’édifice : “Savoir que pendant 500 ans, des hommes ont prié entre ces murs ce n’est pas quelque chose d’anodin”. Si elle ne retrouvera jamais sa vocation spirituelle, la 25e fille de Cîteaux marque pourtant pleinement le paysage de la région puisqu’elle a donné son nom au regroupement de plusieurs clochers grâce à l’initiative d’un curé tombé amoureux du site. Aujourd’hui, dix-sept communes sont rassemblées sous la paroisse “Notre-Dame de la Clarté-Dieu”. Une fierté pour la famille Moussette : “Nous sommes heureux que la renaissance de l’abbaye ait permis de l’inscrire à nouveau dans le paysage. Cette dimension spirituelle nous a dépassé”, conclut avec émotion la propriétaire.
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