Si l’épanouissement des salariés est la condition de l’efficacité collective, la mission première de leurs chefs est de veiller à établir la confiance. Rendre ses salariés heureux, c’est tout d’abord les rendre autonome pour les faire grandir.
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« Le premier talent d’un général consiste à connaître l’esprit du soldat et à capter sa confiance. Et sous ces deux rapports, le soldat français est plus difficile à conduire qu’un autre », disait Napoléon. « Ce n’est point une machine, c’est un être raisonnable qu’il faut diriger. » Il en va de même pour le salarié français qui souffre du manque de confiance et de la méconnaissance des chefs à son égard.
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Que demande-t-il pour être heureux ? En tête de toutes ses attentes, le désir d’être utile, de développer ses compétences, mais aussi que son travail soit reconnu. Et sur ce dernier critère, le salarié français se plaint tout particulièrement de l’indifférence des patrons. La France est ainsi classée dernière en Europe en matière de promotion interne. Quel désastre quand on sait qu’il s’agit là d’un puissant facteur de motivation !
La crise de défiance qui touche la plupart des corps constitués en France, dont les entreprises, est à cet égard aussi une crise de management, une crise du commandement qui met en cause la qualité des chefs. Comment alors faire adhérer les salariés au « travailler plus », quand la moitié d’entre eux déclarent, bon an, mal an, ne pas être heureux au travail ? Quand, à l’approche de la soixantaine, la plupart souhaite cultiver leur jardin et quitter leur entreprise ? Comment faire pour que l’entreprise redevienne un lieu d’épanouissement pour tous, jeunes et seniors confondus ? De qui est-ce la responsabilité ?
Le premier devoir d’un chef est de rendre ses hommes heureux
Cicéron écrit que le premier devoir d’un chef est de rendre ses hommes heureux. Il est ainsi de la responsabilité très directe des chefs de s’occuper de l’épanouissement de leurs salariés. Nous l’avons vu, ce qui rend heureux, c’est le sentiment de notre utilité et la reconnaissance que nous en tirons. C’est cela la véritable dignité. Respecter ses salariés, c’est répondre à ces besoins. On veut souvent nous faire croire qu’il s’agit là d’une évolution sociétale, évolution à laquelle doit répondre un nouveau mode de management. Nouveau, car l’ancien mode pyramidal, trop hiérarchisé et de type militaire, est dépassé.
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Cette analyse essaye d’opposer « mauvais passé » à « merveilleux neuf ». La réalité est différente : il y a toujours eu de bons chefs, et de mauvais chefs. Il ne s’agit pas de découvrir de nouvelles « recettes », mais de mettre en œuvre des règles permanentes et liées à la nature humaine.
Le rôle indispensable des chefs : faire grandir
C’est le rôle du chef, du bon chef qu’il faut restaurer, en revenant à ce qui fait sa noblesse telle que l’exprime Cicéron. Un bon chef, c’est celui qui est « au service » de ses collaborateurs, qui va s’en occuper en priorité pour les rendre heureux. Comment ? Par l’exercice d’une véritable autorité, mariage de compétences et de capacité à former ses collaborateurs en vue de les rendre autonome. En leur donnant plus de responsabilités, en délégant pouvoir de décision et missions au plus près des problèmes, du terrain. Plus d’autonomie, c’est cela qui permet à chacun de s’améliorer, de devenir plus performant, plus efficace. Seule la prise de responsabilité permet à chacun de progresser.
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Comme aime à le dire Xavier Fontanet, ancien président d’Essilor : « La personne humaine, quand elle est mise en situation de responsabilités est capable de progrès à peine croyables. » Les chefs doivent enfin encourager la prise de responsabilité en la valorisant, en la récompensant aussi par des promotions et des évolutions professionnelles, faisant en sorte que chaque salarié ait ainsi intérêt à devenir autonome. Mais cela nécessite de bâtir au préalable une relation basée sur la confiance et la transparence. Le salarié doit avoir la conviction que son patron ne le virera pas en cas d’échec, conséquence de la prise de risque. Bien au contraire, celui-ci l’aidera le cas échéant à les surmonter. Rappelons que seul l’échec est formateur, et à l’exemple de Montherlant, toute défaite contient sa victoire.
Bâtir la confiance
Cette confiance indispensable du patron dans son salarié a une condition : celle de l’honnêteté et de la transparence. En effet, le patron reste responsable de la mission qu’il a déléguée. Il sera d’autant plus encouragé à déléguer qu’il saura qu’en cas d’erreur, de grosse difficulté, son salarié ne cherchera pas dissimuler, à « mettre la poussière sous le tapis », mais l’informera immédiatement.
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Comment créer ces conditions ? Là encore en encourageant les bons comportements, en les récompensant. Et en sanctionnant ceux qui ne les respectent pas. Déléguer est une mission difficile qui impose de bien connaître ses collaborateurs, en passant du temps, beaucoup de temps avec eux. Les chefs en général sont trop loin de leurs collaborateurs et des difficultés du terrain. La méconnaissance, rappelons-le, entraîne la méfiance.
Comment alors bâtir une relation de confiance ? Par la proximité et le temps passé ensemble. En informant et répondant soi-même aux questions des collaborateurs, en tenant parole et respectant ses engagements, en refusant les courts-circuits, et tout ce qui peut blesser. En parlant vrai, avec le même langage et les mêmes exigences pour tous, quel que soit le niveau hiérarchique. Autant d’actes quotidiens qui permettront alors de responsabiliser ses salariés par la voie de l’autonomie, du mérite et de la reconnaissance, la seule qui contribue à l’épanouissement au travail. Oui, travailler plus, c’est possible, et c’est même un plaisir, mais avec de bons chefs.
Rendre les salariés heureux Être un bon chef face à la crise du management, Préface de Xavier Fontanet et Joseph Thouvenel, Téqui, 2018, 208 pages, 16 euros.