La journée du 24 avril devient la “Journée nationale de commémoration du génocide des Arméniens”, au risque de ne pas intégrer la complexité des événements de 1915.
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Emmanuel Macron, le 5 février 2019, a annoncé au Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF) que la journée du 24 avril serait désormais, chaque année, dédiée à la commémoration du génocide de 1915. Cette proposition, bien reçue par les communautés de chrétiens d’Orient, paraît toutefois insuffisante. “Les Assyro-Chaldéens ont été massacrés en 1915-1918 dans les mêmes conditions et presque sur les mêmes lieux que leurs frères et sœurs arméniens et dans un dessein analogue”, rappelle Joseph Yacoub, professeur honoraire de l’université catholique de Lyon et lui-même Chaldéen. Il démontre dans son livre, Qui s’en souviendra ? 1915 : le génocide assyro-chaldéo-syriaque (Paris, Cerf, 2014) que les massacres perpétrés par les Turcs et les Kurdes se sont étendus à toutes les communautés chrétiennes.
350.000 morts entre 1915 et 1918
L’Union des Assyro-chaldéens de France a publié un communiqué qui donne une idée de l’ampleur du désastre : entre 1915 et 1918, 350.000 Assyro-chaldéens ont trouvé la mort, soit la moitié de la communauté en Turquie. Elle réclame donc une reconnaissance officielle des faits par la France. L’une des possibilités, pour ce faire, serait que la commémoration du 24 avril soit dédiée à tous les chrétiens d’Orient qui ont souffert après 1915, dans la nouvelle Turquie.
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Sébastien Meurant, sénateur LR du Val d’Oise, s’est emparé de ce combat, et y voit bien plus que la revendication d’une minorité : “Il ne s’agit pas de faire une concurrence des mémoires, mais de reconnaître la vérité historique des faits”, explique-t-il. “Je suis surpris que la revendication, légitime, des Assyro-chaldéens n’ait pas été entendue, il suffisait de modifier, très légèrement, l’intitulé de la journée du 24 avril. Pourquoi ne pas l’avoir appelée Journée de commémoration du génocide des chrétiens d’Orient ? Il s’agit au mieux d’un oubli et au pire d’une faute !” Le sénateur n’exclut pas qu’il s’agisse d’un oubli volontaire. En effet, le fait de rappeler la diversité des victimes de 1915 démontre qu’il ne s’agissait pas d’un génocide “ethnique”, mais bien d’un génocide religieux. “On ajoute le mensonge au malheur”, regrette-t-il. Malgré le soutien d’autres sénateurs, comme Bruno Retailleau, l’actuel président du groupe Les Républicains, il craint que ce combat n’aboutisse pas.
“C’était l’extermination des chrétiens d’Orient”
Même inquiétudes de l’autre côté de l’échiquier politique où le député PS François Pupponi, ancien maire de Sarcelles, pousse résolument les revendications des Assyro-chaldéens. “Il faut que l’on soit capable de reconnaître que c’était l’extermination des chrétiens d’Orient ! La France a reconnu le génocide de 1915, alors qu’est-ce qui bloque à présent !?” Il a pris connaissance de l’ampleur de ce drame auprès de ses administrés Assyro-chaldéens de la ville de Sarcelles. Ils viennent pour l’essentiel de l’actuelle Turquie et perpétuent la mémoire de Sayfo, un terme qui signifie l’épée en araméen, qui désigne les massacres de 1915 à 1918.
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Aux yeux du député, la vérité historique est incontestablement du côté des Assyro-chaldéens. Mais il constate des blocages considérables. Il regrette, en particulier, qu’aucune loi condamnant le négationnisme, à l’égard du génocide arménien, n’ait pu aboutir en France : “Il y a de nos jours une très grande frilosité du Parlement à l’égard de tout ce que l’on pourrait qualifier de lois mémorielles”. Il ajoute qu’il ne faut pas sous-estimer la puissance du “lobby pro-turc” à l’Assemblée.