Il y a un an, dans la nuit du 23 au 24 mars 2018, le lieutenant-colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame mourrait des suites des blessures infligées par un terroriste à Trèbes (Aude) après s’être volontairement substitué à une otage. « Ce geste va bien au-delà de ce qu’on aurait pu attendre de tout membre des forces de l’ordre », souligne le père Bertrand Sartorius, aumônier national de la gendarmerie.
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Le 23 mars 2018, un terroriste islamiste se lance dans une course meurtrière à travers la ville de Trèbes (Aude) avant de se retrancher dans l’hypermarché Super U aux portes de la ville. Un lieutenant-colonel de gendarmerie, arrivé parmi les premiers sur place, s’offre en échange d’une jeune femme prise en otage. Quelques heures plus tard, alors que l’assaut est donné, il est retrouvé agonisant aux pieds du terroriste abattu. Malgré les soins qui lui seront prodigués, il mourra au petit matin suivant. Ce lieutenant-colonel s’appelait Arnaud Beltrame.
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Cette mort a un retentissement extraordinaire à travers la France et le monde entier. L’opinion nationale et internationale s’enflamme à l’annonce de ce geste héroïque. Les plus hautes autorités de la République française, les principaux dirigeants du monde entier (Donald Trump, le Pape…) lui rendent hommage. Les obsèques religieuses sont célébrées quelques jours plus tard, à la veille des solennités pascales. Un témoin se souvient : « Ce jeudi saint 29 mars 2018 à 11h, la cérémonie des funérailles dans la cathédrale Saint-Michel de Carcassonne était impressionnante. Deux évêques, deux ministres d’État, et un héros national…”.
Un an après, alors que la fièvre médiatique retombe, la mémoire s’installe : 200 villes ont honoré la mémoire du héros, par exemple en lui dédiant une rue, une place, un square... À la Direction générale de la Gendarmerie nationale (DGGN), une grande fresque orne le mur d’enceinte. La promotion sortante des Élèves officiers de la Gendarmerie nationale (EOGN) le choisit comme parrain de promotion. Et six livres ont été écrits, qui s’interrogent à longueur de page sur les origines d’Arnaud, son chemin humain, intellectuel et spirituel et, in fine, sur le sens profond de cet acte fatal posé dans le Super U.
“Nous ne saurons jamais son plan”
Les amis d’Arnaud, ses anciens camarades de promotion, ceux qui l’ont connu dans les diverses étapes de sa vie militaire n’ont bien souvent pas été surpris de l’attitude d’Arnaud dans cette tragique circonstance. On évoque sa très probable indignation chevaleresque de l’homme devant une femme menacée. On imagine aussi très bien qu’il ait estimé — sans nul doute à juste titre — être apte à négocier avec le terroriste, le neutraliser, ou offrir une occasion d’intervention favorable aux hommes du GIGN, plus que la jeune otage dont il prenait la place. Essayons d’analyser plus loin le geste :
Arnaud se livre au terroriste, allant jusqu’à lui abandonner son arme de service — qui sera retournée contre lui — en échange de la liberté de la jeune caissière. À cet instant, il n’abandonne pas tout espoir de survie, sans doute espère-t-il neutraliser le terroriste, soit en le convainquant de se rendre, soit en l’affrontant à mains nues, soit en favorisant l’intervention des hommes du GIGN ; nous ne saurons jamais son plan, s’il en avait un. En tous cas, sa démarche est très différente d’un Maximilien Kolbe qui se laisse enfermer dans le bunker de la mort sans espoir aucun d’en réchapper.
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Il n’en reste pas moins que ce geste va bien au-delà de ce qu’on aurait pu attendre de tout membre des forces de l’ordre. Un gendarme ou un policier risque, certes, parfois sa vie en intervention, mais jusqu’à un certain point. Et se placer librement en situation de vulnérabilité extrême devant un terroriste se situe certainement au-delà de ce point. Le ressort ultime du comportement d’Arnaud ne peut donc se trouver dans sa formation de gendarme. Il faut aller chercher plus profondément les moteurs de son action.
« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis »
Or, force est de constater que, dans les mois qui précèdent sa mort, Arnaud avait parcouru un chemin spirituel considérable, en compagnie (sous l’influence ?) de sa fiancée Marielle et sous le regard du père Jean-Baptiste qui les préparait tous les deux au mariage. Sa redécouverte de la foi chrétienne, qui datait d’une dizaine d’années environ, s’était faite progressivement et n’était certes pas exempte de contradictions. Cependant, sa déclaration d’intention, rédigée tout récemment en vue de la célébration prévue le 9 juin suivant, ne laisse place à aucune négation quant à la force de sa conviction chrétienne à cette période. Sans doute la parole du Christ : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » a-t-elle résonné très fort en lui ce 23 mars.
Laissons pour finir la parole au Général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) : « Se mettre entre les mains d’un terroriste voulant tuer n’est évidemment dans aucun texte de procédure interne et ne le sera jamais. Les procédures sont faites pour permettre l’efficacité des interventions tout en veillant à la sécurité des militaires. Mais un gendarme prête serment, celui de servir la population, y compris, parfois, s’il le faut, au péril de sa propre vie. Arnaud Beltrame n’a pas appliqué des procédures ; il a fait mieux : il a respecté son serment. Et ce faisant, il a sauvé une vie, sans doute même plusieurs* ».
*Préface à Jacques Duplessy et Benoît Leprince, Arnaud Beltrame, le héros dont la France avait besoin, Paris, Éditions de l’Observatoire, 2018, p. 12.