Aleteia : Le Vatican a-t-il un réel pouvoir pour lutter contre la traite des êtres humains ?
Sœur Gabriella Bottanni : Je crois en premier lieu que chacun a les moyens de changer les choses, et nous y sommes tous appelés. Le vatican, et en particulier le Pape, ainsi que différents organismes engagés peuvent s’exprimer sur le sujet avec une certaine autorité. Et à ce titre, ils sont amplement écoutés.
Cependant, le réel changement arrivera lorsque les paroles de ceux qui ont l’autorité dans l’Église descendront et auront un impact sur la vie quotidienne de chacun. C’est-à-dire dans nos diocèses, nos paroisses, dans les congrégations religieuses, nos communautés, nos familles.
Quelle a été votre collaboration dans la rédaction du document que le Vatican a publié en janvier sur les "Orientations pastorales sur le trafic humain" ?
De nombreuses religieuses ont été invitées à participer à ce document. En fait, différentes organisations ont été appelées à donner leur point de vue dans une première consultation. Puis tout un processus s’en est suivi pour aider le Vatican dans ces orientations pastorales.
Concrètement, quels peuvent être les fruits de ce document ?
Les documents sont comme les lois. S’ils ne sont pas appliqués, s’ils ne sont pas mis en œuvre, ils risquent de rester lettre morte. Ces orientations pastorales sont le premier pas fondamental pour un chemin fait ensemble au sein de l’Église. La section ′Migrants et Réfugiés′ du Vatican fait ainsi un travail important de coordination et d’implication des différents organismes. De notre côté, nous attendons les prochaines étapes pour continuer le travail sur le terrain.
Ce document essaie de définir les victimes de la traite. Qui sont-elles ?
Le document part de la définition de la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, dite la ′Convention de Palerme′. C’est un point de référence, quoique l’expérience de nombreuses organisations sur le terrain montre qu’il faut aller plus loin encore. Pour définir la traite, il est fondamental de partir de l’exploitation.
C’est-à-dire de ce que nous avons face à nous et ce que nous réussissons à voir en tant que religieuses engagées sur le terrain contre la traite : des personnes soumises à l’exploitation dans un contexte de graves limitations de la liberté. Les exploitations sont multiples : sexuel, travail forcé dans différents domaines, mendicité, petits crimes ou transport de drogue. On parle aussi de situations de traite pour les mariage forcés, les trafics d’organes ou l’esclavage domestique.
Où est présente votre association Talitha Kum ?
Nous sommes dans 77 pays à travers le monde, sur tous les continents. Le continent où nous sommes le plus présent est l’Amérique. Mais nous sommes également en Afrique ou en Asie, en particulier dans le sud-est asiatique. Nous avons cependant de grandes lacunes dans le nord de l’Asie ou encore au Moyen-Orient et dans le nord de l′Afrique. Mais nous sommes au travail !
Comment travaillez-vous sur le terrain ?
Les congrégations religieuses se sont engagées depuis fort longtemps sur le terrain : maisons d’accueil, centres éducatifs ou sanitaires. Chaque communauté travaille avec son propre charisme ou sa spiritualité. Notre association est née pour les mettre en synergie et maximiser les ressources que nous possédons. Nous sommes également tous engagés dans la formation des religieuses. Nous nous coordonnons au niveau national mais également, dans le cas des rapatriements par exemple, à l’échelon supérieur.
Le pape François a réalisé une vidéo pour la Journée mondiale de prière dédiée à la lutte contre la traite des êtres humains. Qu’en pensez-vous ?
Je suis très heureuse de l’engagement du pape François dans ce domaine. Nous sommes très contents car le successeur de Pierre est le signe de l’unité de l’Église. C’est une référence. Et il donne une voix à ce problème et demande aux fidèles de s’engager et d’ouvrir les portes de leurs cœurs.