La septième édition du Festival du beau se déroulera du 11 au 13 janvier à Paris. Le thème retenu pour cette année, “Heureux les artisans de paix”, prend une résonnance toute particulière dans une France secouée par la révolte et la violence…Ne sont-ils pas de doux rêveurs, ceux qui s’évertuent à voir dans la beauté un authentique chemin de paix ? L’art, et ce qui devrait être son corollaire, le beau, ne sont-ils pas l’apanage d’une certaine élite sociale et culturelle, de ceux qui en ont les moyens, tandis que le tout-venant serait condamné, une fois les autres recours épuisés, à l’usage de la violence ? Les réponses à ces questions n’ont rien d’évident. Trop souvent, la création artistique camoufle un entre-soi social, et l’appel à la non-violence masque le maintien d’un ordre des choses injuste, arme d’autant plus violente qu’elle se pare extérieurement de toutes les vertus !
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Le service de l’art
Pourtant, à l’heure où la jungle des réseaux sociaux et les images en boucle des chaînes d’informations en continu flattent et excitent la part plus sombre du cœur de l’homme, l’urgence de la beauté n’a jamais été aussi criante. “Il y a une éthique, et même une spiritualité, du service artistique, qui, à sa manière, contribue à la vie et à la renaissance d’un peuple” écrivait très justement Jean-Paul II dans sa Lettre aux artistes.
En quoi consiste précisément ce service artistique ? Il peut être vu comme une percée qui ouvre au sens du beau, à la transcendance, à ce qui dépasse notre horizon ordinaire. Loin d’être une échappatoire, cette percée donne sa véritable épaisseur à l’existence humaine, elle en dévoile l’âme et les ressorts les plus profonds. À ce titre, l’art authentique est toujours l’expression d’une aspiration commune. On peut ici penser à ces œuvres collectives que sont nos grandes cathédrales ou nos modestes églises de campagne : témoignages de la foi de nos aïeux, les unes et les autres portent également en elles la marque d’un élan, d’une cohésion, d’une unité, d’un souffle qui ont, à un moment donné, animé et mis en mouvement une ville ou une communauté villageoise. Mais un poème, une sonate, une toile, œuvres personnelles s’il en est, peuvent tout autant être ouverts à l’universel : à travers la subjectivité de l’artiste, c’est l’âme du monde, ou du moins l’âme d’un peuple, d’une nation, qui vibre et y trouve sa résonance.
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Une fracture
Cette dimension commune de l’inspiration artistique s’est aujourd’hui singulièrement édulcorée. Accuser ici de façon générique l’art contemporain serait injuste : cela fait bien longtemps que la création s’est réfugiée dans des salons de plus en plus hermétiques au commun des mortels. Par ailleurs, certaines réalisations contemporaines portent indéniablement en elles un véritable élan vers le beau. Cela n’inverse pas pour autant une tendance lourde.
Qu’il faille aujourd’hui construire, comme cela devient la mode, des “centres d’interprétation” pour rendre lisibles des monuments aussi anciens que vénérables, on peut, à la rigueur, le comprendre. Mais qu’il faille aussi des notices pour expliquer au béotien ce qu’il voit dans une exposition d’art contemporain montre bien que la notion de service artistique s’est assez largement perdue. En ce sens, il y a bien une fracture entre la France des ronds-points, ces fameux ronds-points bien souvent recouverts d’œuvres dont la vacuité n’a souvent d’égal que le coût, et la France des salons artistiques, qui édicte les normes d’un goût qu’elle seule est à même de comprendre.
La soif du beau demeure
Pourtant, la soif du beau est là, à tous les échelons de la société. L’engouement pour le patrimoine et certaines expositions en est un signe tangible. Aux artistes donc de relever le gant pour étancher cette soif, pour qu’elle ne reste pas uniquement rivée au passé et pour que, là où il se façonne, l’art puisse devenir un authentique chemin de paix et de réconciliation, l’expression d’une aspiration commune qui fédère une société. À cette condition, et à cette condition seulement, la création artistique peut contribuer, pour reprendre l’expression de Jean-Paul II, à la vie et à la renaissance d’un peuple en attente.