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La fête du Christ-Roi, le règne de Jésus et ses paradoxes

La Foule des élus, Apocalypse, 7, 9-17, deuxième ensemble, tapisserie 16 (incomplète), (détail), château d’Angers.

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Jean-Michel Castaing - publié le 23/11/18
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La fête du Christ-Roi est la dernière solennité de l’année liturgique. L’Église célèbre la royauté de Jésus et ses paradoxes : le Christ, vrai Dieu et vrai homme, est le Royaume lui-même. “Par lui et en lui, nous régnons à notre tour sur l’univers.”

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La solennité du Christ, roi de l’univers, clôt l’année liturgique. C’est un moment opportun pour s’interroger sur l’articulation entre deux réalités : le Jésus historique et le Christ de la foi.

Jésus, l’annonciateur ou l’annoncé ?

Le Jésus historique, dans sa prédication itinérante, annonçait le Royaume de Dieu. De son côté, l’Église annonce la mort et la résurrection de la même personne : le Christ de la foi. Y a-t-il hiatus entre les deux annonces ? Jésus et l’Église prêchent-ils deux réalités différentes ? La foi répond négativement en ce sens que la Pâque du Fils de Dieu non seulement nous ouvre le Royaume, mais aussi parce que le Christ porte la réalisation de ce dernier en lui-même. C’est ainsi que l’annonciateur devient l’annoncé : Jésus est le Royaume en personne. Dans l’encyclique Redemptoris missio, Jean-Paul II affirmait : “Le Royaume de Dieu n’est ni une manière de voir, ni une doctrine, ni un programme, que l’on peut fabriquer en toute liberté, c’est avant tout une personne, qui porte le visage et le nom de Jésus de Nazareth, image du Dieu invisible.”

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Les réticences de Jésus à se déclarer roi

On peut s’étonner toutefois que durant son existence terrestre, le fils de Marie n’ait pas cru bon de se proclamer roi explicitement. Comment expliquer ce silence ? En fait Jésus ne désirait pas entretenir ses disciples dans le malentendu au sujet de sa royauté. Comme il le déclarera à Pilate, celle-ci n’est pas de ce monde. Elle est une royauté de service, non de domination. D’ailleurs, Jésus ne confessera qu’il est roi qu’une seule fois : devant le procurateur de Judée, une couronne d’épine sur la tête, en tant que condamné !

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© Région Pays de la Loire – Inventaire général – ADAGP – Photo : Patrice Giraud, François Lasa, 1982
Premier sceau : le cavalier au cheval blanc, Apocalypse, 6, 1-2. Premier ensemble, tapisserie 9. Château d’Angers.

En revanche, dans beaucoup de paraboles, il laisse deviner que la royauté universelle lui est destinée. Mais c’est toujours une royauté paradoxale. Par exemple, dans le tableau du jugement dernier dans l’évangile selon saint Matthieu, Jésus est un roi qui s’identifie aux plus faibles des hommes (Mt 25, 31-46).

Les visions paradoxales du Ressuscité dans l’Apocalypse

Cet aspect paradoxal de la royauté du Christ est également illustrée par le livre de l’Apocalypse. Qu’on en juge par la vision inaugurale de Jean dans le dernier livre de la Bible :

« Je vis sept candélabres d’or, entourant comme un Fils d’homme.
Il était vêtu d’une longue robe robe, une ceinture d’or lui serrait la poitrine ;
sa tête et ses cheveux étaient blancs comme laine blanche, comme neige,
et ses yeux étaient comme une flamme ardente » (Ap 1, 12-14).

La longue tunique est un habit de prêtre et sa ceinture d’or est un insigne royal. Ses cheveux blancs ne signifient pas sa vieillesse, mais son éternité. Rien n’échappe à ses yeux, même les réalités invisibles. Toujours dans l’Apocalypse, il est écrit logiquement que Jésus-Christ, étant roi et prêtre, “a fait de nous un royaume, des prêtres pour Dieu son père” (1, 6).



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Dans le même livre, la royauté paradoxale de Jésus-Christ est illustrée également par la figure de l’Agneau. L’Apocalypse le décrit en effet comme un agneau qui se présente au voyant comme égorgé, mais qui se tient en même temps debout. Égorgé, car il porte les marques de sa passion. Debout : il est ressuscité. Un agneau, certes (symbole de sacrifice et de douceur), mais pourvu néanmoins de sept cornes, symbole de sa toute-puissance, et de sept yeux, symbole de son omniscience !  Pour couronner le tout de cette royauté paradoxale, cet Agneau-Serviteur est aussi un Agneau-Pasteur, qui conduit les élus vers les sources des eaux de la vie (7,17).

Le Roi n’a pas renié ses frères les plus faibles

Que conclure des visions de l’auteur de l’Apocalypse ? D’abord, le Christ de la foi n’est pas différent du Jésus de l’histoire. Le premier ne représente pas une figure impériale qui “compenserait” après-coup les échecs terrestres du second. Le Ressuscité du livre de l’Apocalypse est “comme égorgé”, c’est-à-dire qu’il ne renie aucun des engagements en faveur des plus faibles, engagements qui le conduisirent à la Croix.

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© Région Pays de la Loire – Inventaire général – ADAGP – Photo : Patrice Giraud, François Lasa, 1982
Saint Jean mange le « petit livre », Apocalypse, 10, 8-11. Deuxième ensemble, tapisserie 28. Château d’Angers.

Ensuite, le Christ est bien le Royaume qu’il prêchait sur les routes de Palestine, il y a deux mille ans, puisque cette royauté ne devient effective qu’avec sa résurrection qui consacre le triomphe de la miséricorde et la justice de Dieu. Le Christ est le Royaume : par lui et en lui, nous régnons à notre tour sur l’univers. Ainsi se trouve résolue l’énigme du départ : la Pâque consacre l’identité entre l’annonciateur du Royaume des cieux (le Jésus des évangiles) et celui que l’Église annonce comme “objet” de la foi des croyants (le Christ de la foi).

Ultime paradoxe du Royaume

En Jésus, Dieu règne. Par sa justice : le Père ressuscite le Fils et ceux qui pratiquent le bien, en vertu de leurs mérites. Et également par sa miséricorde : nous sommes sauvés gratuitement, car nos œuvres seront toujours déficientes par rapport à la justice transcendante de Dieu. C’est le dernier paradoxe du Royaume. Un Royaume où règnent les justes qui auront vêtu, nourri, visité, consolé le Roi de gloire dans les personnes des plus petits qui sont ses frères. Mais aussi un Royaume tout de miséricorde, car nous restons tout de même loin du compte de la charité du Christ !


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